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La prostitution normalisée ?

«Le travail du sexe est un travail comme un autre », martèle le lobby promoteur de la prostitution, dont l’existence et les rouages sont mis en lumière par un récent rapport du Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ) (1). Reposant sur de grandes ONG (Amnesty International, Médecins du Monde, Human Rights Watch, etc.) gravitant notamment autour de l’Open Society Fondations (OSF) de M. Soros qui les finance, ce lobby mène ses offensives devant les institutions nationales et supranationales. En 2024, il a ainsi pris d’assaut le Conseil de l’Europe, en vain toutefois : d’une part en organisant et soutenant la requête de 261 personnes prostituées demandant à la Cour européenne des droits de l’homme de condamner la France qui, dans une optique abolitionniste, pénalise l’achat d’acte sexuel ; d’autre part, en tentant de mener l’Assemblée parlementaire à adopter une résolution promouvant la libéralisation extrême de la prostitution en Europe. En octobre 2024, une proposition de loi portant la « marque » de ce lobby a été déposée devant le Parlement français qui semble donc lui aussi ciblé.

Banaliser un acte violant la dignité humaine

En appuyant sa rhétorique sur le droit à disposer de son corps, ce lobby occulte la violation de la dignité humaine qu’est intrinsèquement la prostitution, ce qu’affirme expressément le droit international. En effet, il s’agit de marchandisation des corps en profitant de la misère humaine. Sauf rares exceptions, les personnes prostituées sont exploitées par des trafiquants et presque systématiquement contraintes par la violence, la manipulation, la misère, la drogue. La prostitution concerne essentiellement des femmes pauvres d’origine étrangère : en 2023, 80 % des personnes prostituées en France étaient des femmes migrantes, selon le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Il est également inquiétant de constater que la prostitution touche de plus en plus de mineurs : quelque 12 000 en France selon le gouvernement. En outre, la part des moins de 25 ans parmi les personnes prostituées serait passée de 8 % à 24 % entre 2019 et 2021.

Ce phénomène s’explique par une banalisation de la prostitution constatée chez les jeunes auxquels est distillée l’image d’une prostitution glamourisée, synonyme d’argent facile et d’épanouissement. C’est ainsi que Tlaleng Mofokeng, rapporteuse spéciale de l’ONU sur le droit à la santé, explique aux jeunes lectrices du magazine Teen Vogue que « Sex Work Is Real Work » dans un article antérieur à sa prise de poste à l’ONU. Elle a elle-même bénéficié de financements de l’OSF, preuve que l’offensive pro-prostitution est aussi menée à l’ONU.

Jeunesse et pornographie : de l’écran à la rue

Cette banalisation intervient dans un contexte global de démoralisation et d’hypersexualisation, notamment dues à une exposition sans précédent à la pornographie, elle-même forme de prostitution filmée. Dans un précédent rapport dédié à la lutte contre la pornographie (2), l’ECLJ avait étudié l’ampleur et les conséquences néfastes de sa consommation et proposé des solutions juridiques pour en réglementer l’accès. La pornographie envahit écrans et cerveaux sans épargner les jeunes, toujours plus nombreux à y être exposés de manière précoce : selon l’ARCOM, 2,3 millions de mineurs consultent ainsi chaque mois de tels sites qui ont pourtant l’obligation de leur en empêcher l’accès. Mais pour l’industrie pornographique qui tire ses revenus de la publicité, enfant rime forcément avec argent.

Dans un rapport courageux sur la pornographie et la prostitution publié en mai 2024, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence à l’égard des femmes et des filles, Reem Alsalem, décrit l’endoctrinement des jeunes dans un univers « pornifié » dont il devient indispensable d’adopter les codes. Notant l’augmentation de l’exploitation sexuelle de filles parfois très jeunes, elle remarque ainsi que « les jeunes femmes sont préparées à devenir des objets d’autoexploitation sexuelle, […] la seule façon d’être visible – en fait d’être valable – est d’être sexuellement désirée, “sexy” et “pornifiée” » (§ 24).

Selon l’Organisation Internationale du Travail, l’exploitation sexuelle génère déjà plus de 170 milliards de dollars par an. Loin d’améliorer la situation des personnes prostituées comme le clament les promoteurs de la légalisation de la prostitution, celle-ci revient surtout à légaliser l’exploitation et encadrer la violence. Il s’agit enfin de « débrider » un marché aux potentialités économiques immenses. Pour les exploiter, l’industrie du sexe s’emploie à imposer, à l’aide de lobbies, une conception ultra-libérale de l’être humain transformant le corps des femmes et leur sexualité en marchandises ouvertes à la location.

Priscille Kulczyk*

*Chercheur associé au Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ).

(1) ECLJ, Le lobby de la libéralisation de la prostitution en Europe, mars 2025.
(2) ECLJ, Lutter contre la pornographie. Tome 1 : Mieux réglementer l’accès à la pornographie, septembre 2023.

© LA NEF n°381 Juin 2025