Cinéma Novembre 2025

Deux pianos

(15 octobre 2025)

Mathias Vogler (François Civil), jeune pianiste virtuose, rentre en France après des années. Celle qui fut le mentor de sa jeunesse à Lyon, Elena (Charlotte Rampling), veut le voir redonner des concerts alors qu’il n’a plus le feu sacré. Mais dès son retour, sa rencontre avec un enfant qui lui ressemble comme un double, le plonge dans une frénésie qui menace de le perdre. Mais qui, surtout, le mène à Claude (Nadia Tereszkiewicz), son amour de jeunesse.
Desplechin (Rois et reine) appelle cela du « romanesque fantastique », sans doute à cause de l’épisode de l’enfant double du héros. Mais essentiellement, c’est du romanesque tout court, dans la plus grisante et vertigineuse acception du terme. Cela suppose un ou plusieurs destins, emportant des personnages aux personnalités puissantes et profondes.
Le scénario a été composé à partir de deux contes, celui d’une femme ayant deux amants dont chacun pourrait être le père de son enfant, et celui d’un pianiste revenu après une longue absence qui découvre son double, enfant. Brassées ensemble ces histoires donnent ce film puissamment chavirant, par la qualité des interprètes (mention à Hippolyte Girardot, inénarrable agent de Mathias), la maîtrise de la mise en scène (entièrement en caméra à l’épaule) et la somptuosité de la musique, qui pulvérise toute réticence. Une scène sensuelle, sans exhibition, évite la fausse note redoutée. Du beau cinéma.

Ce que cette nature te dit

(29 octobre 2025)

Donghwa, un jeune poète de Séoul, conduit sa petite amie Junhee chez les parents de celle-ci. Il plaît au père, qui l’invite à rester. Au cours d’une journée et d’une nuit, il découvre toute la famille. La nature de chacun se révèle.
Le Coréen Hong Sang-Soo est un réalisateur d’une impressionnante prolificité : trente-six films tournés depuis trente ans ! Dans cette pléthore, il est difficile d’élire son meilleur film mais ce dernier, quoique d’allure modeste, est parmi les meilleurs.
Ce film suit simplement les conversations de cinq personnes, les parents et leur fille aînée, peut-être autiste, et les deux fiancés. Les échanges sont d’un extrême naturel, bienveillants et souvent drôles. Donghwa, timide au début, est charmé par l’accueil spectaculairement sympathique du père. Au cours du dîner – très arrosé comme les aiment les Coréens – les interventions des femmes font doucement craquer le vernis poli de cette affection trop soudaine.
Qui a vu ce genre de films où une réunion familiale, d’abord idyllique, dégénère en règlements de comptes, s’attend à retrouver ici semblable implosion. Mais il n’en est rien et le film s’achève aussi paisiblement qu’il a commencé, simplement approfondi, élevé, par la connaissance que chacun a acquise de sa propre nature et de celle des autres. Aiguisé par l’exceptionnelle psychologie du scénario, la grande justesse des comédiens et l’à-propos de la musique.

François Maximin

© La Nef n° 385 Novembre 2025