Vers la mort, toujours plus vite

Il est tout de même curieux qu’alors qu’on connaît depuis au moins 60 ans le calendrier de la fameuse « culture de mort » si hideuse aux yeux de Jean-Paul II, on n’ait jamais réussi à le défaire, à le détricoter, à en arrêter le tragique procès et la ténébreuse descente.

Car c’est bien d’une descente qu’il s’agit, aux enfers, et non pour en libérer l’humain prisonnier comme fit le Christ, mais pour nous y enfermer tous, collectivement, et y être éternellement liés.
On le sait, la dernière station de ce chemin de croix inversé (dernière en date) est l’euthanasie. Combien de groupes de pression, de « traditions spirituelles » laïques, la réclament depuis des décennies, comme un trophée nouveau à exhiber, au milieu des mille totems de la « libération » de l’homme, enfin maître de lui-même et presque de l’univers ?

Évidemment, on ne l’ignore pas, la majorité des Français que l’on dit « favorables » à l’euthanasie le décident pleins de componction, de bonnes intentions, répugnés qu’ils sont, et logiquement, devant les pitoyables souffrances qui atteignent nos vieux, nos faibles, nos handicapés, nos blessés. Mais, et c’est le paradoxe, jamais l’humanité n’a su autant alléger, voire faire disparaître les souffrances physiques qu’aujourd’hui et jamais on n’a tant manifesté contre elles. Paradoxe dont l’on sait la simple apparence : plus l’humain possède, plus il réclame, n’importe quel publicitaire américain le savait il y a cent cinquante ans.

Donc notre président, qui n’a guère l’air d’avoir d’avis sur le sujet, a réuni un « machin » citoyen, pour que des Français éclairés, donnent collégialement leur avis sur des corrections éventuelles à apporter à la fameuse loi Claeys-Leonetti, qui a à peine sept ans. Où l’on voit bien qu’il y a un calendrier : à peine l’a-t-on votée qu’il faut la modifier et toujours dans le même sens, vers la mort plus rapide.
Nos bons concitoyens ont donc, à la surprise générale, arbitré en faveur de ce qu’on appelle désormais l’aide active à mourir (c’est-à-dire un mot qui englobe potentiellement l’euthanasie pratiquée par le médecin, et le suicide assisté, où le patient s’administre la mort sur ordonnance). On s’y attendait, bien évidemment.

Les soins palliatifs sacrifiés
Quant aux soins palliatifs dont on nous radote depuis qu’on est né qu’il faut les développer, ils passent encore par pertes et profits. Bien entendu, ça coûte cher ça ne rapporte rien. Bien entendu, nul pour se souvenir que ce ne sont pas les francs-maçons qui les ont inventés et répandus, mais des chrétiens ; bien entendu, nul pour faire attention au fait que les gros bataillons des bénévoles qui les font vivre sont constitués de bonnes dames patronnesses cathos que l’on aime autrement à moquer. Nous avons en passant une petite suggestion à faire à ce gouvernement : puisqu’il n’y a plus de service militaire, lançons un service (obligatoire) palliatif. Tout Français avant ses 25 ans devra avoir connu la souffrance de fin de vie : il en récoltera de la sagesse. De même, puisque des hordes de retraités valides sont désormais inoccupées, plutôt que de les forcer à travailler et à cotiser plus, employons-les, sur volontariat, comme aides palliatifs. Ils prépareront ainsi leur tombe et leur salut.Il ne sera étonnant que pour l’inculte (c’est le cas de le dire) que ce soit les représentants des cultes et au premier rang ceux du Vrai culte, qui défendent la vie humaine contre toutes les atteintes, même pleines de bonne volonté, qu’on lui fait. En réalité, c’est qu’un désir de la vie éternelle confère un amour plus grand de la vie temporelle, comme par surélévation immédiate, surtout quand l’on a compris en quoi consistait l’amour de son frère.Jean-Paul II le Grand, qui aura lui-même vécu la souffrance jusqu’à la fin, le résumait déjà, de façon définitive, dans Evangelium vitae : « Revendiquer le droit à l’avortement, à l’infanticide, à l’euthanasie, et le reconnaître légalement, cela revient à attribuer à la liberté humaine un sens pervers et injuste, celui d’un pouvoir absolu sur les autres et contre les autres. Mais c’est la mort de la vraie liberté : “En vérité, en vérité, je vous le dis, quiconque commet le péché est esclave du péché” (Jn 8, 34). »

Jacques de Guillebon

© LA NEF n° 356 Mars 2023