Petite mise au point

L’affaire Castellucci aura eu des conséquences fâcheuses pour tout le monde, en témoigne la violence des passions qu’elle a déchaînées. Certains continuent de croire qu’elle aura permis l’émergence de je ne sais quelle fierté catholique. Libre à eux de le penser et grand bien leur fasse.

Si j’y reviens, c’est qu’il se trouve que j’ai moi-même, après un premier papier publié sur internet où j’appelais à la réflexion et à la modération, participé à une polémique où s’échauffèrent immodérément les esprits : le papier que j’écrivis à ce moment-là, L’honneur des imbéciles, pour le site Nouvelles de France, en a choqué plus d’un. Je le comprends. Je ne renie pas cet article, mais je voudrais pourtant apporter quelques précisions à son sujet.

D’abord, je tiens expressément à présenter mes excuses aux jeunes catholiques sincères qui, manifestant devant le Théâtre de la Ville, ont cru que je les insultais personnellement. Je ne partage pas leur avis à propos de cette pièce, et encore une fois je m’élève contre la manipulation du catholicisme français qui a été opérée sur cette place : pourtant, les cibles de mes critiques étaient seulement certains chefs de partis, de journaux ou de radio, qui ne s’étaient pas privés – et depuis ont continué – de s’adonner, outre à des leçons universelles de catholicisme dans une affaire circonstancielle pour laquelle ils n’avaient pas mandat, à la profération d’injures publiques envers des personnes respectables, clercs et laïques, qui me sont proches.

C’est volontairement que je n’ai pas donné ce papier à La Nef dont une grande partie du lectorat me semblait ne pas pouvoir me suivre dans les positions que je prenais (et qui ne l’aurait pas publié, le ton n’étant de plus pas celui de la revue). Avec Christophe Geffroy, nous nous en sommes expliqués après coup et La Nef reviendra dans un numéro suivant, avec l’altitude qui est en général la sienne, sur la question controversée des rapports du catholicisme et de l’art contemporain. En cela, il est clair que cette revue ne peut être tenue pour responsable de mes propos et qu’elle n’a pas à les assumer devant ses lecteurs, ni à en souffrir.

Mais cette polémique aura surtout montré combien, dans un certain monde traditionaliste français, il est devenu presque impossible de discuter – et sur des questions prudentielles encore. Combien qui s’éloigne de la doxa imposée politiquement par une certaine presse et des groupes de pression organisés est aussitôt soumis à la vindicte publique. En ce sens-là, j’appelle les meneurs de la campagne de presse diffamatoire organisée à mon encontre (ils se reconnaîtront) et à l’encontre de quelques autres à s’interroger sur leur capacité de discussion et sur la légitimité de leurs oukases. Qui les a établis pour être nos juges ? Dois-je être tenu pour responsable des gardes à vue de centaines de jeunes catholiques – gardes à vue dans lesquelles leurs meneurs et leurs prêtres, sauf exception, ne les ont pas suivis ? Suis-je coupable de la mauvaise image que les lobbyistes catholiques autoproclamés ont fabriquée d’eux-mêmes auprès de l’opinion publique ?

Il est étrange que lorsqu’on les contredit en raison, ils insultent ; quand on les insulte, évidemment ils insultent encore ; et quand on se tait, ils insultent toujours.
Tout cela n’est qu’eau de boudin, dira-t-on. Certes, mais je suis soucieux de l’honneur de l’eau de boudin. Aussi, voici quelques conseils aux « lobbyistes catholiques » pour la prochaine fois. Quand on part à la guerre, on compte d’abord ses forces. On assume la responsabilité de ses actes. On juge de la valeur de la cible avant de se jeter sur elle. On ne prend pas des vessies pour des lanternes. Et si l’on décrète la mobilisation générale, on ne pleure pas ensuite sur la mort du conscrit. Et surtout, on se demande pour quelle raison on a fait la guerre. Aucune de ces questions n’a été débattue. Je souhaite de tout cœur que les assiégés volontaires se les posent un jour.
J.G.