Livres Décembre 2020

UN TEMPS POUR CHANGER
Viens, parlons, osons rêver…
PAPE FRANÇOIS
Conversations avec Austen Ivereigh, Flammarion, 2020, 228 pages, 23,90 €

Encore un nouveau livre du pape François ? Oui ! François s’exprime énormément de façon informelle, mais nous ne saurions trop recommander cet ouvrage, car il nous semble le meilleur pour mieux cerner la pensée profonde du pape. Fruit d’échanges avec le journaliste britannique Austen Ivereigh (qui est aussi son meilleur biographe avec François le réformateur, Éditions Emmanuel, 2017), ce dernier s’est admirablement effacé pour laisser un texte fluide et fort agréable à lire qui apparaît comme écrit par François seul dans le style parlé qui le caractérise.

C’est la crise du Covid et le confinement qui ont suscité ces réflexions où François décrit les maux qui blessent nos sociétés. Ces pages, souvent très personnelles (il évoque les trois crises qui l’ont transformé), révèle une personnalité volontariste incontestablement travaillée par le souci de répondre à l’appel de Dieu et préoccupé du sort des plus pauvres et des plus faibles. Il dénonce la vision d’une économie obsédée par le profit et la finance, la mondialisation qui lamine les peuples, avec de beaux développements sur sa propre notion du « peuple », appelant à « restaurer la dignité de nos peuples, (à) retrouver notre mémoire et nous rappeler nos racines » (p. 149). Il s’engage parfois de façon fort concrète (trop ?), comme en faveur du controversé revenu universel. Il critique également l’idéologie du Progrès et de la croissance à tout prix en défendant une « écologie intégrale » qui intègre l’homme lui-même, ce qui le conduit à fustiger l’avortement en termes violents : « Est-il juste d’engager un assassin pour résoudre un problème ? » (p. 172), demande-t-il. S’il mentionne le problème des migrants, cette question occupe peu de place et il ne manque pas de rappeler que « les gouvernements doivent évaluer avec prudence leur capacité d’accueil et d’intégration » (p. 171).

Il s’arrête aussi sur les synodes qu’il a convoqués. Là, on demeure dubitatif sur sa méthode de « débordement » pour surmonter les oppositions ou les conflits, comme il l’explique pour le synode sur la famille, le résultat, sans esprit polémique, n’étant guère probant tant le fameux chapitre VIII d’Amoris laetitia a contribué à exacerber les divisions et semé un trouble certain qui ne s’est pas apaisé… Autre remarque : sa critique des maux actuels ne s’arrête guère sur les risques liberticides des mesures anti-Covid et sur la déconstruction anthropologique qui s’opère, bien qu’il insiste pour défendre la famille et la vie attaquées de toutes parts ; enfin pas une ligne n’est consacrée au danger de l’islamisme qui, s’il ne concerne pas toute la planète, n’en demeure pas moins préoccupant.

Bref, un livre utile pour mieux comprendre notre pape qui n’est assurément pas le « progressiste » que certains décrivent, mais qui est resté Argentin jusque dans sa vision des problèmes de ce monde.

Christophe Geffroy

ROME ET CARTHAGE
MICHEL FAUQUIER
Armand Colin, 2020, 230 pages, 20,90 €

Le IIIe siècle avant J.-C. vit l’affrontement entre deux grandes villes, Rome et Carthage, dont l’enjeu fut la domination sur le bassin méditerranéen. Ce fut Rome qui gagna et qui domina sur ce bassin sans partage durant 600 ans. L’ouvrage de Michel Fauquier revient sur le conflit mémorable, après avoir rapidement donné une vue synthétique de l’histoire et des institutions de l’une et l’autre cité. L’analyse de l’auteur sur les raisons profondes du succès final de Rome, bien étayée par une parfaite connaissance du sujet, est convaincante : tandis que Carthage voit la guerre, toujours coûteuse, comme un moyen d’obtenir des concessions de la part de Rome, cette dernière vit ce conflit comme une lutte à mort, dont un seul des adversaires sortirait vainqueur. S’ajoute à cela une différence fondamentale dans la façon dont les deux villes traitent leurs alliés : du côté de Carthage, c’est l’opportunisme associé à une politique à courte vue qui domine ; du côté de Rome, c’est la fidélité aux traités et aux accords avec les cités alliées. La formidable résilience de Rome après la défaite de Cannes trouve là son explication. L’auteur termine par une courte synthèse de l’histoire du site de Carthage après sa destruction par Scipion Émilien en 146 av. J.-C., synthèse fort bien venue car rarement traitée par les autres ouvrages sur le même sujet. Ajoutons à cela des annexes fort bien faites qui permettent au lecteur non spécialiste de s’y retrouver aisément (résumé des institutions, présentation des principaux personnages par famille, glossaires des mots techniques, cartographie, index : rien ne manque). Un excellent ouvrage à recommander.

Bruno Massy

COMMENT DISCERNER
PASCAL IDE
Éditions Emmanuel, 2020, 174 pages, 15 €

L’homme, contrairement à l’animal, a cette faculté de pouvoir faire des choix libres et conscients. Certains peuvent paraître « cornéliens », aussi toute méthode de discernement pour choisir la meilleure solution entre deux biens qui se présentent à nous est-elle la bienvenue. Dans cet ouvrage, le Père Pascal Ide nous propose en quelque sorte une vulgarisation de la méthode de discernement de saint Ignace dans ses célèbres Exercices spirituels. Avec beaucoup de pédagogie il nous aide à voir selon quels critères nous pouvons prendre une bonne décision. C’est un hymne à la vertu de prudence, perfectionnée par le don de conseil du Saint-Esprit. Un livre à lire.

Abbé Laurent Spriet

LE GRAND BONHEUR
Vie des moines
NICOLAS DIAT
Fayard, 2020, 340 pages, 21,90 €

Nicolas Diat, auteur d’un incontournable essai sur le pontificat de Benoît XVI, L’homme qui ne voulait pas être pape (2014), nous avait déjà fort émus avec son beau livre sur la mort des moines, Un temps pour mourir (2018). Il revient ici chez les moines mais en se fixant dans une seule abbaye : Fontgombault. Ce livre, tout en finesse, nous fait partager la vie simple, discrète et austère de ces hommes qui ont tout quitté pour donner leur vie à Dieu. Il nous donne à connaître, comprendre et admirer cette vie cloîtrée, totalement incomprise par le « monde ». Ce qui en ressort avec force est que cette vie donnée conduit l’âme qui y est appelée à un réel bonheur, d’où le titre du livre qui n’a rien d’usurpé.

D’emblée, Nicolas Diat nous prévient : « La vie monastique gardera toujours son secret ; aimer est une affaire de cœur, cela ne se raconte pas, cela se vit » (p. 14). Pourtant, l’auteur parvient à nous dévoiler une petite part de ce secret. On le suit d’abord dans la vie qu’il partage avec les moines, ce qui permet de mieux se rendre compte de leurs activités et de leur rythme. Il explique l’organisation d’une abbaye conformément à la Règle de saint Benoît sur laquelle l’auteur revient souvent. C’est l’occasion de nombreuses rencontres avec les pères ou les frères occupant les postes clé. Les entretiens avec les deux Pères Abbés, l’actuel Dom Jean Pateau, et l’émérite, Dom Antoine Forgeot qui a rejoint Dieu le 15 août dernier, occupent une place de choix et révèlent deux forts caractères, différents mais aussi attachants l’un que l’autre.

Le long chapitre sur le grégorien est passionnant, l’auteur se faisant historien de ce chant qui est au cœur (et au chœur) de la vie des moines bénédictins : « Le grégorien est doux comme un enfant, fragile comme une fleur, souple comme un roseau » (p. 73). Il explique avec pédagogie les « querelles » actuelles sur l’interprétation de ce chant qui remonte à la nuit des temps, montrant le pragmatisme des moines qui sont loin de toute idéologie sur le sujet et de tout archéologisme. En attendant, l’école de Solesmes, comme on dit (à laquelle appartient Fontgombault, fille de Solesmes), a largement contribué à remettre le grégorien à l’honneur dans une optique exclusivement liturgique.

Il y aurait tant à raconter sur les propos rapportés des pères ou frères croisés par l’auteur, Père prieur, maître des novices, hôtelier, cellérier, portier, infirmier, etc. C’est toujours à la fois simple et profond, signe de personnalités épanouies dans leur vocation. À ce propos, Nicolas Diat écrit : « L’épanouissement n’est pas une chose mécanique. Les monastères n’ont rien à voir avec des lieux de recherche du bien-être. Un contemplatif cherche exclusivement la paix qui vient de Dieu » (p. 220). Et s’il trouve cette paix et ce bonheur en Dieu, cela ne signifie pas l’absence de croix, d’épreuves et de souffrance, lesquelles sont toutefois sublimées par l’abandon en Dieu. Quelle vocation !

Christophe Geffroy

L’HOMME RÉTRÉCI PAR LES LUMIÈRES
XAVIER MARTIN
DMM, 2020, 116 pages, 14 €.

Quand parut, en 1994, Nature humaine et Révolution française de Xavier Martin, ce fut comme une surprise. Et, un choc ! Avec stupeur, nous découvrions que la vision de l’homme des révolutionnaires, portée ensuite par le Code civil, était profondément pessimiste. Alors même que l’on nous serinait que la Révolution prenait le parti de l’humanité contre toute forme d’oppression, les textes, lus, patiemment épluchés, cités avec insistance par Xavier Martin indiquaient que cet humain n’était au fond qu’une mécanique que l’on pouvait manipuler selon les besoins.

Cette découverte se doublait d’une autre : celle d’un auteur et d’une méthode. Xavier Martin allait, en effet, continuer à creuser son sillon, à scruter les textes – quel courage ! – et à rétablir, avec les pièces à conviction nécessaires, la vérité d’une anthropologie négative et mortifère. Au total une douzaine d’ouvrages, consistant, s’appuyant toujours sur le même scrupule de la citation et de la référence, expliquant aussi et reliant les propos évoqués pour en mieux montrer la continuité. Au bout du compte, une véritable somme décryptant Diderot, Voltaire, d’Holbach et consorts.

Le problème d’une « somme » pour le lecteur actuel, parfois jeune et curieux, est qu’elle rebute par son ampleur et son côté systématique. Sur ce plan, Xavier Martin n’est pas seul. Il voisine par exemple avec un saint Thomas d’Aquin. On peut craindre pire voisinage…

L’intérêt du dernier livre du professeur Martin est, que s’appuyant sur la même méthode, il offre une synthèse, non pour lecteur pressé, mais pour ceux qui veulent trouver une première porte qui mènera à des découvertes encore plus approfondies. Il s’adresse donc en priorité aux étudiants mais nous en ferons tous notre profit. Son titre dit tout : L’homme rétréci par les Lumières. La machine que l’on doit élever au rang de citoyen ! L’auteur aborde aussi la question des femmes, des gens de couleurs ou du peuple, toutes catégories qu’il faut façonner ou refaçonner. Éclairant !

Philippe Maxence

LE MOYEN-ORIENT SYRIAQUE
JOSEPH YACOUB
Salvator, 2019, 278 pages, 20 €

On réduit souvent le Moyen-Orient à un monde arabo-musulman, où les chrétiens sont une minorité en danger. Joseph Yacoub, spécialiste du monde syriaque, montre l’importance de cette civilisation qui est antérieure de plusieurs millénaires à l’islam. « Les Syriaques ne faisaient pas de distinction entre la Syrie, qui allait de la Méditerranée à l’Euphrate, et la Mésopotamie, qui s’étendait du Tigre à l’Euphrate, ils se mouvaient aisément dans cet espace qu’ils considéraient comme leur patrie. » Cette Syro-Mésopotamie fut successivement chaldéenne et assyrienne, puis perse, séleucide, romaine, byzantine, avant d’être arabo-musulmane puis ottomane.

S’intéressant particulièrement au long passé chrétien de cette aire géographique, Joseph Yacoub rappelle que l’Église ancienne ne fut pas seulement romaine (latine) ou grecque (byzantine), mais aussi syriaque. Ce qu’on appellera l’Église d’Orient a participé au premier concile œcuménique (Nicée en 325) mais pas aux suivants (Constantinople en 381 et Éphèse en 431). Des divisions théologiques s’en suivirent et ont forgé « une identité ecclésiologique autonome ». Cette Église fut ardemment missionnaire sur l’ensemble du continent asiatique (jusqu’en Inde et en Chine), mais elle s’est divisée et les tentatives d’union avec Rome ont souvent été éphémères. La déclaration christologique faite conjointement en 1994 par Jean-Paul II et Mar Dinkha IV, le patriarche de l’Église assyrienne de l’Orient, fut un événement historique et une étape.

Yves Chiron

LA VOIX DU PEUPLE
JEAN-FRÉDÉRIC POISSON
Éditions du Rocher, 2020, 206 pages, 17,90 €

Réformer le fonctionnement des institutions françaises : telle est l’ambition de Jean-Frédéric Poisson dans la perspective de l’élection présidentielle de 2022 à laquelle il a déclaré sa candidature. Loin de se limiter à une démarche partisane, son programme repose sur une réelle appréciation du bien commun à laquelle l’ont préparé sa solide formation de philosophe et de juriste ainsi que ses convictions chrétiennes. Avec une remarquable lucidité, au rythme de formules bien ajustées, l’ancien député ouvre son essai en dressant un premier bilan du macronisme qui, d’étape en étape, a conduit à la crise de confiance entre le pouvoir et le peuple. Le « Nouveau Monde » promis par l’actuel chef de l’État lors de son intronisation « porte vers des sommets inégalés la forme de pouvoir la plus détestable et la plus vieille : l’oligarchie », montre J.-F. Poisson. Or, « personne ne peut assurer la prospérité d’un pays en ignorant les aspirations populaires les plus profondes et les plus naturelles, ou en forçant le peuple à vouloir ce qu’il ne veut pas ».

C’est à ce principe clé qu’il faut revenir, sans songer à instaurer une utopique VIe République. Parmi les mesures préconisées par l’auteur pour remédier à l’hypertrophie du pouvoir présidentiel et à la mise du Parlement sous la tutelle de l’exécutif, il s’agirait de restaurer le septennat (mais sans possibilité de renouvellement), de réformer le système électoral des députés afin de respecter la diversité, de réhabiliter la pratique du référendum, mais aussi d’en finir avec « l’obésité réglementaire » et les graves dérives du pouvoir judiciaire. Enfin, la France doit retrouver sa souveraineté par le contrôle des frontières et de l’immigration en révisant les critères de son appartenance à l’Union européenne ; elle doit aussi renouer avec « le rayonnement de sa culture et de sa langue » et exploiter ses ressources naturelles. Sur ces sujets, J.-F. Poisson offre des réflexions réalistes, approfondies et convaincantes.

Mais, précise-t-il au terme de son livre, aucune réforme ne pourra sortir la France du marasme si elle ne prend pas conscience de son exception dans le concert des nations. « Ce vieux pays catholique, le seul qui siège à titre permanent au Conseil de sécurité, a une position originale, médiane et médiatrice dans l’univers d’aujourd’hui, dominé et quelquefois ravagé par le “tout fric”, et souvent aussi ravagé par le “tout religieux”. L’un et l’autre nient l’humanité de l’homme telle que deux millénaires d’esprit évangélique nous ont appris à l’instruire et à le défendre contre les récurrentes barbaries – barbaries auxquelles le progrès technique donne une capacité de destruction phénoménale, et parfois vertigineuse. C’est bien pourquoi je crois à la mission universelle de la France contre les déchaînements de ce monde. Et je crois aussi que, si nous le voulons, nous avons les moyens de la servir. »

Annie Laurent

L’ART D’ÊTRE CHEF
PÈRE GASTON COURTOIS
Éditions Sainte-Madeleine, 2020, 300 pages, 17 €

Le chef est de retour ! Les essais se multiplient pour réhabiliter une juste pratique de l’autorité, y compris dans l’entreprise (un bon exemple : Thierry Delcourt, Rendre les salariés heureux. Être un bon chef face à la crise du management, Téqui, 2018, 206 pages, 16 €). Mais il y a toujours eu de bons et de mauvais chefs. C’est pourquoi la réédition de ce livre paru pour la première fois en 1953 est très opportune. S’il a publié une centaine de livres, le Père Gaston Courtois (1897-1970) n’était pas un idéologue en chambre mais un véritable chef, à la tête de nombreuses initiatives missionnaires : l’Union des œuvres catholiques de France, le mouvement des Cœurs Vaillants-Âmes Vaillantes, le Bureau international catholique de l’enfance, les Fils de Charité… Son livre est comme une collection de maximes structurées successivement autour de la mission du chef, ses qualités, et l’art d’exercer son métier. « Le chef, c’est celui qui sait à la fois se faire obéir et se faire aimer. » Des conseils clairs, précis, intelligents – comme devraient être les ordres d’un vrai chef !

Denis Sureau

LA FORCE DE LA VÉRITÉ
CARDINAL GERHARD MÜLLER
Artège, 2020, 178 pages, 16,90 €

Avec ce livre, le cardinal Müller, ancien préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, entend aider les catholiques à relever les principaux défis auxquels l’Église est aujourd’hui confrontée. Dans le contexte du relativisme et du « climat antidogmatique » actuel, la clarté est indispensable, précise l’auteur, en commençant par exposer les principes sur lesquels repose l’autorité du Magistère pontifical. Ainsi, si la foi est immuable, l’Église ne cesse d’en approfondir et d’en préciser le contenu, d’où la proclamation des dogmes qui jalonnent son histoire. Aucun pape ne peut les défaire tout comme il ne peut abolir les enseignements contraignants de ses prédécesseurs, par exemple la condamnation de la contraception par Paul VI dans l’encyclique Humanae vitae.

La règle vaut aussi pour les conditions d’accès aux sacrements : « L’eucharistie n’est pas un remède psychologique », remarque le cardinal, tout en insistant sur l’indissolubilité du mariage. C’est pourquoi la délégation de pouvoirs magistériels aux conférences épiscopales est impossible. « Le principe séculier de la décentralisation du pouvoir politique ne peut s’appliquer à l’Église que par analogie et dans le cadre exclusivement logistique de l’administration ecclésiastique », répond-il à ceux qui souhaitent l’adoption de pratiques démocratiques au sein de l’Église.

Dans un monde où la compréhension de Dieu est abîmée par toutes sortes d’influences (athéisme, mondialisme, oubli de la métaphysique, etc.), la vocation dialogique de l’Église, à laquelle Paul VI a conféré une valeur théologique (cf. Ecclesiam Suam), revêt une dimension essentielle, montre l’auteur qui se penche aussi sur les racines bibliques de l’anthropologie chrétienne et sur le lien entre foi et raison. Il y a donc urgence à retrouver le courage de la vérité. Tel est le fil conducteur de cet ouvrage dont la lecture s’avère plus que jamais indispensable.

Annie Laurent

KGB
La véritable histoire des services secrets soviétiques
BERNARD LECOMTE
Perrin, 2020, 410 pages, 23 €

Cet ouvrage, écrit à partir des archives dé­sormais accessibles de l’ex-KGB, intéresse bien sûr pour mieux comprendre des événements importants de la Seconde Guerre mondiale puis de la « guerre froide » : l’Orchestre rouge, les « cinq de Cambridge », la course à l’atome, l’affaire Farewell… Mais il est surtout passionnant, dans ses premiers chapitres, pour comprendre la violence inouïe exercée par les communistes dans les années de la révolution, puis celles de Staline. La Tchéka, ancêtre du KGB, a fait exécuter 250 000 personnes entre 1917 et 1921, tandis que ses effectifs passaient de 2000 à 280 000 membres. « Dans la guerre civile, assure un de ses responsables, il n’y a pas de tribunaux pour l’ennemi. C’est une lutte à mort. » Son successeur le NKVD fit pour sa part arrêter 19 millions de personnes sous Staline, contribuant à une terreur qui frappa au cœur même du Parti : sur les 139 membres du Comité Central de 1934, 110 furent fusillés entre 1935 et 1940, de même que 75 des 80 membres du Conseil suprême de défense. « Je chante le Guépéou nécessaire à la France », écrivait alors Louis Aragon. Sa mémoire n’en souffre en rien. Il faut dire que les acteurs de l’implacable terreur soviétique revendiquaient un modèle : la Révolution française. Les « dérapages » verbaux récents de certains « intellectuels gauchistes », de Geoffroy de Lagasnerie exigeant la proscription de toute parole de droite, à Houria Bouteldja, invitant les « Blancs » à « sauver leur peau » tant qu’il en est encore temps, en quittant sans tarder le pays, ne devraient pas être pris à la légère.

Jean-François Chemain

MANUEL DE LUTTE CONTRE LA DIABOLISATION
JEAN-YVES LE GALLOU
La Nouvelle Librairie, 2020, 80 pages, 7 €

Premier point : la diabolisation est l’arme majeure du terrorisme intellectuel. Deuxième point : un clan puissant et, comme le poulpe, muni de bras tentaculaires utilise la diabolisation pour assurer le triomphe d’une bien-pensance à sa façon. Troisième point : entre une propagande sans relâche et une censure aux aguets, ces deux mâchoires du système, la liberté d’opinion, donc de contradiction, de plus en plus bat de l’aile. Ainsi impose-t-on, ou s’emploie-t-on à imposer, toutes les coquecigrues, toutes les absurdités ; à manigancer tous les mauvais coups. Comme changer les règles du langage avec l’écriture inclusive. Ou subvertir le sens des mots. Comme désorganiser la famille. Comme justifier, et même stimuler, les flux migratoires qui se déversent chez nous à gros bouillons. D’ailleurs, botte imparable, il suffit d’affubler du qualificatif rédhibitoire d’« extrême droite » les opposants, importuns et autres casse-pieds pour avoir raison d’eux. En somme, l’invective tient lieu d’argument.

Situation honteuse, ubuesque ? Jean-Yves Le Gallou la montre telle qu’au moment présent elle existe et perdure. Mais, jouteur courageux, bon logicien, sa tenace volonté de faire bouger les choses lui donne l’occasion de solides exercices pédagogiques. Ce manuel par exemple.

Michel Toda

LES ESCLAVES PSYCHIQUES D’INTERNET
THOMAS FLICHY DE LA NEUVILLE
DMM, 2020, 102 pages, 10,50 €

À la « disputatio » et à la lecture en silence, on a substitué le conditionnement idéologique et l’hyperspécialisation technique… De nos jours, il semble que « tête bien pleine vaut mieux que tête bien faite ». Les données de la psychologie humaine sont utilisées pour l’élaboration d’une nouvelle science au service de Mammon : la « captologie » dont le nom dit bien ce qu’il veut dire. Internet est un instrument de choix pour sa mise en œuvre. Quelques courts chapitres viennent à l’appui de cette thèse et nous expliquent clairement « le comment » de cette nouvelle technique ; malheureusement nous restons un peu sur notre faim quand au « pourquoi » et surtout au « qui ». Ouvrage intéressant mais glaçant !

À lire et à faire lire par ceux qui ne sont pas encore convaincus qu’internet n’est pas l’alpha et l’oméga, ni un maître à penser mais seulement un outil qu’il faut utiliser avec prudence et discernement.

Marie-Dominique Germain

MONTRER AUX HOMMES LE CHEMIN QUI MÈNE AU CHRIST
Mélanges offerts à Mgr André Léonard à l’occasion de son 80e anniversaire
Artège/Lethielleux, 2020, 672 pages, 29 €

Publié à l’occasion des 80 ans de Mgr André Léonard à l’initiative de ses amis et de ses anciens élèves (dont nombre de prêtres parisiens, en particulier l’abbé Éric Iborra), ce gros livre préfacé par Benoît XVI comporte une quarantaine d’études sur la théologie des sacrements et la figure du prêtre, la philosophie (l’archevêque émérite de Bruxelles a d’abord été un spécialiste de Hegel, dont la pensée a d’ailleurs mis sa foi en péril), l’éthique, l’écologie, l’art et la littérature, l’eschatologie. Un riche hommage pour celui qui n’est pas seulement un pasteur courageux dans un pays – la Belgique – fort mal en point, mais une figure intellectuelle de premier plan, laissant une œuvre riche qui va de traités philosophiques les plus ardus jusqu’à des essais d’apologétique très abordables.

Denis Sureau

UNE ÉVIDENCE TROMPEUSE
CRAIG JOHNSON
Gallmeister, 2020, 404 pages, 24,20 €

Vous savez combien nous apprécions les Craig Johnson que nous ne manquons jamais de signaler ici. Auteur américain ayant créé le personnage de Walt Longmire, shérif de l’imaginaire comté d’Absaroka, dans le Wyoming, flanqué de ses fidèles compagnons, l’impétueuse adjointe, Vic, et l’indéfectible ami indien, Henry Standing Bear, Craig Johnson a su bâtir une véritable œuvre littéraire qui donne au polar toutes ses lettres de noblesse.

C’est la douzième enquête de Walt Longmire que Gallmeister nous offre ici et elle est particulièrement réjouissante, tant l’humour est omniprésent dans ce nouvel opus. Longmire, qui accompagnait Henry Standing Bear à une course de moto-cross, se retrouve mêlé à un accident qui laisse un jeune homme entre la vie et la mort. Cet accident est-il lié à la présence de nombreux motards venus en gangs pour la course ou n’aurait-il pas quelques rapports avec un trafic d’arme ?

Un vrai bon roman plaisant de bout en bout, élégamment écrit, avec trois héros auxquels on s’attache vite, avec une Vic désopilante qui ne sait parler sans jurer.

Christophe Geffroy

L’INCONNU DE LA FORÊT
HARLAN COBEN
Belfond, 2020, 432 pages, 21,90 €

En bordure des forêts du New Jersey, disparaît Naomi, une lycéenne persécutée par ses camarades de classe. Wilde, la trentaine, homme sans passé découvert à sept ans dans la forêt qu’il connaît comme personne, se retrouve à enquêter sur cette disparition, à laquelle est vite mêlé Crash Maynard, fils d’un riche couple de producteurs de télévision, eux-mêmes liés de près à Rusty Eggers, homme ambitieux et sans scrupules qui vise la présidence des États-Unis. Lorsque Crash disparaît à son tour, Wilde comprend progressivement que cette affaire a une dimension politique qui remonte loin dans le passé avec de fortes répercussions sur l’élection présidentielle elle-même.

Si ce n’est pas le meilleur Coben, ce nouvel opus n’en a pas moins les qualités habituelles de cet auteur prolifique : sens du scénario et du rythme, rebondissements, qui font qu’on ne lâche pas le roman jusqu’à ce qu’on l’ait terminé. Pas de la haute littérature, mais détente et dépaysement garantis.

Patrick Kervinec

GLOIRE ET MISÈRE DE L’IMAGE APRES JÉSUS-CHRIST
OLIVIER REY
Éditions Conférence, 2020, 312 pages, 25 €.

C’est un livre original et passionnant que nous offre là Olivier Rey qui s’interroge sur la place envahissante des images dans notre société moderne. Il le fait en parcourant l’histoire de l’Occident et en montrant la place que le christianisme a donnée à l’image. Si celui-ci a promu l’image, c’est en tant qu’elle sert la prédication évangélique. Si la prolifération de l’image, aujourd’hui, n’a rien de chrétien, cette prolifération n’a été possible que grâce au statut que le christianisme a conféré à l’image. Très éclairant pour comprendre la situation actuelle. Ajoutons que ce livre très pédagogique et magnifiquement mis en page est agrémenté de nombreuses… images.

Christophe Geffroy

UNE HISTOIRE INÉDITE DE LA FRANCE EN 100 CARTES
JEAN SÉVILLIA
Perrin, 2020, 240 pages, 27 €.

La géographie est indispensable à la compréhension de l’histoire et une carte est souvent plus parlante qu’une explication. Fort de cette vérité, Jean Sévillia présente ici 100 cartes qui retracent l’histoire de France des origines à nos jours. Ces belles cartes sont toutefois complétées par les indispensables commentaires de l’auteur qui permettent leur compréhension.

C.G.

LA GRANDE CHARTREUSE
PAR UN CHARTREUX
Éditions Sainte-Madeleine, rééd. 2020, 330 pages, 19 €.

Dix-neuvième édition de ce grand classique de… 1881 (revue et augmentée depuis) ! Ce beau livre, cependant, agrémenté de nombreuses photos, n’a pas pris une ride et demeure un classique incontournable pour découvrir et comprendre le monde secret de la Grande Chartreuse.

Patrick Kervinec

NOUVELLES RECETTES DE BONHEUR. 71 ACTIONS D’ECOLOGIE HUMAINE
TUGDUAL DERVILLE
Éditions Emmanuel, 2020, 160 pages, 16 €.

Dans les temps moroses que nous vivons, voici un livre sympathique qui vient à point nommé. Il fait suite aux 67 recettes de bonheur et propose ici des recettes inédites basées sur l’introspection, la réflexion et l’action. Avec toute la finesse que nous connaissons au délégué général d’Alliance VITA.

C.G.

LE MANTEAU DE SAINT MARTIN
Série « Les disciples invisibles »
CYRIL LEPEIGNEUX
Mame, 2020, 138 pages, 10,90 €.

Ce nouvel opus de cette série pour jeunes lecteurs, dès 9 ans, transporte les quatre héros (François, Louis, Jeanne et Bushmills) au gouffre de Proumeyssac, la cathédrale de cristal de la Dordogne où ils se trouvent projetés à l’époque de saint Martin de Tours ! Aventure et suspens au rendez-vous.

P.K.

LES QUATRE FILLES DU DOCTEUR MARCH
LOUISA MAY ALCOTT
Gallmeister, 2020, 640 pages, 13 €.

Tout le monde connaît ce célèbre classique de la littérature américaine, en a vu une adaptation au cinéma, mais qui l’a lu ? Voici pour un petit prix une nouvelle traduction de haute qualité et une belle édition pour découvrir ce chef-d’œuvre indémodable.

C.G.

DICTIONNAIRE DES APPARITIONS DE LA VIERGE MARIE
DE JOACHIM BOUFLET
Cerf, 2020, 968 pages, 29 €.
Travail monumental que ce Dictionnaire qui recense les apparitions de Marie dans l’histoire et dans le monde, avec une attention particulière pour la France.

ÉDOUARD DETAILLE
Un siècle de gloire militaire
FRANÇOIS ROBICHON
L’Artilleur, 2020, 150 pages, 39,90 €.
Édouard Detaille (1848-1912) a été le peintre de l’armée des quarante premières années de la IIIe République. Cet album présente un vaste panorama de son œuvre.

ATLAS GEOPOLITIQUE MONDIAL
ÉDITION 2021, SOUS LA DIRECTION D’ALEXIS BAUTZMANN
Le Rocher, 2020, 192 pages, 22,50 €.
Richement illustré, très clair, cet atlas permet de mieux comprendre les événements marquants qui touchent la planète.

L’étoile de bethléem
Orgue & chant grégorien
Florence Rousseau et le chœur des moines de l’abbaye Sainte-Anne de Kergonan, dir. Jaan Eik Tulve
Art & Musique, 2020, 76 mn, 20 €.
Un beau CD de Noël à se procurer sur www.kergonan.org

Sélection de bandes dessinées que nous recommandons :
– THERESE DE LISIEUX, DE DUPUY, de Perconti, Rizzato, Artège, 2020, 48 pages, 14,90 €.
– LOUIS ET ZELIE MARTIN, de M. & O. Malcurat et M. Greselin, Artège, 2020, 52 pages, 14,90 €.
– LE SACRE-CŒUR DE MONTMARTRE, de Vivier et Cerisier, Artège, 2020, 52 pages, 14,90 €.

P.K.

© LA NEF n°331 Décembre 2020