Pauline Jaricot © Wikimedia

Pauline Jaricot sainte laïque

Pauline Jaricot (1799-1862) a été béatifiée à Lyon le 22 mai dernier. Cette sainte laïque au zèle missionnaire infatigable est une belle figure qui parle tout particulièrement à notre époque.

Le 22 mai dernier, à Lyon, a été déclarée bienheureuse Pauline Marie Jaricot. La béatification est une concession pour permettre de rendre un culte public à cette servante de Dieu. Si pour la bienheureuse Pauline c’est le début de l’honneur des autels, pour nous c’est une invitation à la vénération, à l’intercession et à l’imitation.
Chaque saint porte en lui une certaine identification à Notre Seigneur Jésus-Christ, modèle et perfection des saints. Nous vénérons alors en lui, ce qu’il a permis au Seigneur d’opérer : lorsque Tu couronnes leurs mérites, Tu couronnes tes propres dons (préface des saints du missel romain). Chaque saint a répondu avec sérieux et générosité à l’Amour de Dieu pour lui. Il nous montre ainsi le chemin, nous prouvant que nous aussi nous pouvons le parcourir.
Pauline naît le 22 juillet 1799 dans une famille de soyeux lyonnais. Elle vit une enfance heureuse portée par la tendre affection et la foi profonde de ses parents. De leur union naîtront sept enfants. Pauline grandit et reçoit tous les rudiments de la foi. Cependant la foi n’est jamais à recevoir comme un paquet ! En être ne suffit pas à en faire un disciple du Christ. Elle mène une vie mondaine et festive. Elle rayonne de son éclatante jeunesse, dans l’insouciance de la richesse familiale et son goût prononcé pour la coquetterie. Vanité des vanités, tout est vanité. Tous nous pouvons être séduits par les illusions du monde. La foi est peut-être alors un marqueur social, un léger vernis ou un ensemble de valeurs qu’il faut bien avoir mais elle n’est pas encore cette amitié divine qui transforme la vie. Nous pouvons vivre sans jamais nous approprier personnellement ce qui a été transmis. Nous pouvons ne jamais franchir le seuil de l’enfance à l’âge adulte, du passage de la foi reçue à la foi vécue. Pauline échappera à ce piège. Le dimanche des Rameaux 1816, elle se rend en l’église Saint-Nizier pour participer à la sainte messe. Ce jour-là, l’abbé Würtz prêche sur « les illusions de la vanité, l’être et le paraître ». Pauline est touchée au cœur, profondément bouleversée : ces mots étaient pour elle. Le prêtre qu’elle va alors consulter lui dit : « Offrez-vous sincèrement à Notre Seigneur pour qu’il puisse accomplir ses desseins sur vous. »
Pauline brise alors avec ses goûts et ses habitudes. Elle abandonne bijoux et belles parures. Une transformation intérieure s’opère ; elle change radicalement de vie. Elle décide de se vêtir comme les ouvrières en soierie. Elle s’active à visiter les pauvres, les détenus dans les prisons, à soigner les malades, à recueillir les enfants des rues. Elle vient en aide aux prostituées. Elle en fait embaucher un certain nombre dans l’usine de Saint-Vallier que dirige son beau-frère. Elle ne peut ignorer les conditions de vie et de travail de cette population déshéritée, souvent méprisée et exploitée, tissant 17 heures par jour et dont le salaire ne suffit pas toujours à nourrir tout le monde. Pauline est sensible à cette injustice sociale. Elle veut que les pauvres retrouvent leur dignité, par le travail, et un travail qui ne les tienne pas en servitude. Les besoins primaires étant honorés, elle va s’occuper de leur âme.
Le 25 décembre 1816 pendant la messe de Noël en la chapelle Notre-Dame de Fourvière elle fait secrètement le vœu de chasteté perpétuelle et s’engage à consacrer sa vie à Dieu et aux autres. Elle réunit autour d’elle quelques ouvrières et crée les « Réparatrices du Cœur méconnu et méprisé de Jésus », son « bataillon sacré ». Ensemble elles mènent une vie de prière et de charité. Pauline est une femme d’action mais elle est d’abord une femme enracinée, fondée dans le Christ Jésus. Elle ne se trompe ni de combat ni de source : si Dieu n’est pas premier dans la vie des hommes ils travaillent en vain. « J’ai tout appris à vos pieds, Seigneur », dit-elle. Elle n’a que 23 ans lorsqu’elle écrit L’amour infini dans la divine eucharistie : « O Cœur adorable de Jésus, vous êtes le principe de la divine Eucharistie… c’est-à-dire du chef-d’œuvre de l’amour infini. Que dirais-je, Seigneur Jésus ? Par ce sacrement vous avez trouvé le moyen d’unir l’homme si intimement à vous, que, ne faisant plus qu’un avec nous, votre cœur devient le principe de notre vie spirituelle, comme notre propre cœur est le principe de notre vie temporelle. »
En 1818, son frère Phileas dont elle est si proche depuis leur enfance, qui est entré au séminaire à Paris, lui demande une aide financière pour les Missions en Chine. C’est la naissance du « Sou hebdomadaire », une quête de personne à personne parmi les ouvrières. Certaines diront « à la messe je resterai debout pour que le sou de la chaise soit donné » ou alors « je porterai un bonnet noir au lieu d’un blanc pour moins aller à la blanchisserie » : quelle belle manière chrétienne de vivre la sobriété, une petite pénitence du quotidien pour une bonne œuvre.
À l’automne 1819, Pauline élabore un mode d’organisation qui allie aide matérielle et réveil des valeurs spirituelles. Sa volonté est de ne pas agir seule, de conscientiser chaque personne aux questions missionnaires. Le 3 mai 1822, l’Œuvre de la Propagation de la Foi est fondée officiellement à Lyon. Pauline n’a que 23 ans et elle est à l’origine du « premier réseau social missionnaire ».
Pauline ne travaille pas pour elle ni pour sa petite gloire. Son intuition et son génie sont de fédérer les âmes, de les faire s’associer pour une œuvre commune. C’est sur ce même modèle qu’en 1826, en réponse aux besoins spirituels de son temps, Pauline Jaricot fait naître l’œuvre du Rosaire Vivant. Elle adopte un moyen analogue à celui de la Propagation de la Foi : 15 personnes méditent quotidiennement les 15 mystères du Rosaire. Chaque associé récite une seule dizaine du chapelet en méditant un seul des mystères. Le Rosaire Vivant se répand dans le monde entier et perdure jusqu’à nos jours.
Pauline reste attentive aux conditions de travail et de vie des ouvriers de la soie. En 1845, une opportunité se présente à Apt sur la proposition de deux négociants. Son désir n’a cessé de grandir et elle veut mettre en œuvre un plan d’évangélisation. « La plaie sociale dont souffre la France étant dans l’agglomération de la classe ouvrière, je voudrais faire de cette agglomération même, un moyen de Salut… En un mot, je voudrais qu’on rendît l’époux à l’épouse, le père à l’enfant, et Dieu à l’homme. » Elle achète l’usine de Rustrel pour en faire un modèle d’esprit chrétien. Tout aurait dû porter de beaux fruits mais les gestionnaires se révèlent être des escrocs. C’est la ruine. Honnête, Pauline ne veut entraîner personne dans cette malversation et met son point d’honneur à rembourser tous ceux qui s’étaient engagés avec elle. Elle finira indigente, portant humblement cette croix qu’elle n’a pas choisie. Dans un profond abandon elle se considère comme « une pauvre qui n’a que Dieu seul pour ami, Dieu seul pour soutien… mais Dieu seul suffit ». Le 9 janvier 1862 Pauline meurt dans sa maison de Lorette, sur les pentes de la colline de Fourvière, aux pieds de Marie.

Abbé Pierre Peyret

À signaler

  • Catherine Masson, Pauline Jaricot, laïque et sainte, Cerf, 2022, 176 pages, 16 €. Biographie de Pauline.
  • Emmanuel Tran, Sauvée par un miracle, Artège, 2022, 290 pages, 17,90 €. L’histoire du miracle qui a permis la béatification.

© LA NEF n°350 Septembre 2022