Fléau de l’ébriété chez les jeunes

Trop de jeunes, même catholiques et de « bonne famille », s’enivrent lors de soirées étudiantes ou de dîners. Réflexions et éclairage.

La Parole de Dieu vante les qualités du vin. Le livre du Siracide enseigne : « Pour les hommes, le vin, c’est la vie, tant qu’on le boit avec modération. Qu’est-ce qu’une vie où manque le vin ? Il a été créé pour la joie de l’homme. Le vin est allégresse du cœur et joie de vivre pour qui le boit à son heure et avec mesure » (Si 31, 27). Dans la même ligne, souvenons-nous que Notre-Seigneur Jésus-Christ change l’eau en un excellent vin aux noces de Cana en Galilée. Le vin (et l’alcool en général) n’est donc pas un mal en soi mais plutôt un bien (1), mais encore faut-il en user sobrement. « Autant que… et pas plus que… ». Il participe à la convivialité mais sa consommation excessive peut comporter de multiples dangers.

Les dangers de la consommation excessive d’alcool

Le Siracide poursuit : « Le vin est amertume de l’âme pour qui le boit avec excès au point de s’exalter et de perdre l’équilibre. L’ivresse décuple la fureur de l’insensé jusqu’au scandale, elle diminue sa force et lui attire des coups » (Si 31, 29-30). Saint Paul nous prévient lui aussi : « Conduisons-nous honnêtement, comme on le fait en plein jour, sans orgies ni beuveries » (Rm 13, 13). Les effets de l’alcool ingurgité en trop grande quantité sont connus : altération ou perte de l’usage de la raison, difficulté à garder la maîtrise de soi (comportements impulsifs et agressifs), rétrécissement du champ visuel, coordination des mouvements perturbée, difficulté à se concentrer. Par ailleurs, l’alcool désinhibe : il fait tomber les barrières de défense. C’est ainsi par exemple que Noé, ayant trop bu de vin, se retrouva tout nu sans s’en rendre compte (cf. Gn 9, 20-21), ou encore que Loth devint incestueusement père des enfants de ses deux filles (cf. Gn 19, 31-36), ou encore qu’Holopherne, « noyé dans son vin », eut la tête tranchée par Judith (cf. Jdt 13, 2-8). Aujourd’hui encore, combien de bébés ont été conçus après des soirées trop alcoolisées ? Combien d’accidents de la route surviennent après de fortes consommations d’alcool ? Combien de comas éthyliques (parfois mortels) pour des garçons et des filles après un binge drinking se voulant « drôle et sympa » ? Certains de nos lecteurs se souviendront peut-être des spots télévisés de l’agence Robert et Partner commandés par le Comité Français d’Éducation pour la Santé qui se terminaient par le slogan : « tu t’es vu quand t’as bu ? » (1995). Celui, en particulier, d’une femme se réveillant, avec une sérieuse gueule de bois, dans le lit d’un homme inconnu qui lui pose la question : « Alors… heureuse ?… » (2).

L’excès de vin peut devenir un péché

Non seulement l’excès d’alcool abîme notre corps mais il blesse aussi notre âme et offense notre Créateur et Sauveur. S’il arrive que l’ébriété soit sans péché (comme lorsqu’elle se produit sans négligence de la part du buveur [3]), elle est souvent un péché et parfois un péché grave (ou mortel) qui va donc jusqu’à détruire la vie divine reçue à notre baptême et nous priver de la Communion eucharistique, voire nous conduire à la séparation éternelle de la communion avec Dieu si nous ne nous convertissons pas (cf. CEC 1861 [4]). « Boire trop en le sachant, et jusqu’à l’ivresse, c’est cela qui est péché mortel » (5). En outre, celui ou celle qui met sa vie ou celle d’autrui en danger à cause de son état d’ivresse peut aussi commettre un nouveau péché mortel (cf. CEC 2290).

Comment rester libre face à l’alcool ? La vertu de sobriété.

La vertu à développer (par la répétition d’actes bons de maîtrise de soi) et à demander (dans la prière et les sacrements) est la sobriété. Elle permet de garder la juste mesure dans la consommation des boissons alcoolisées afin de garder l’usage de notre raison. Elle se situe dans la ligne de la vertu de tempérance qui « modère l’attrait des plaisirs sensibles et procure l’équilibre dans l’usage des biens créés » (CEC 1838). La vertu nous humanise, le vice nous avilit. L’ébriété nous fait ressembler à des êtres privés de raison, c’est-à-dire à des animaux. L’excès d’alcool déshumanise en entravant ou en nous privant de l’usage de la raison (6). Ne pas se souvenir de ce que l’on a dit ou fait la veille au soir, est-ce digne d’une personne humaine ? Non assurément. La consommation excessive d’alcool créé un vice et une dépendance dont il est difficile de se défaire par la suite. De même qu’il existe une connexion des vertus entre elles, un vice en entraîne un autre. L’ébriété peut entraîner la luxure, la violence, etc. L’ébriété n’est pas un « péché mignon » qu’il faut banaliser et dont il faudrait s’accoutumer sous prétexte « qu’il faut bien que jeunesse se passe…» Que les parents et autres éducateurs ne soient pas lâches face à l’ébriété.

Abbé Laurent Spriet

(1) « Son usage modéré est très bienfaisant », dit saint Thomas d’Aquin (Somme de théologie, IIa IIae q 149 a 1).
(2) https://www.youtube.com/watch?v=EzHgdlp2vd8
(3) Saint Thomas d’Aquin pense que l’ébriété de Noé a été sans péché car il n’avait sans doute pas conscience de l’effet que produirait le vin sur lui. Cf. Somme de théologie, IIa IIae q 150 a 1.
(4) « Le péché mortel est une possibilité radicale de la liberté humaine comme l’amour lui-même. Il entraîne la perte de la charité et la privation de la grâce sanctifiante, c’est-à-dire de l’état de grâce. S’il n’est pas racheté par le repentir et le pardon de Dieu, il cause l’exclusion du Royaume du Christ et la mort éternelle de l’enfer, notre liberté ayant le pouvoir de faire des choix pour toujours, sans retour. Cependant si nous pouvons juger qu’un acte est en soi une faute grave, nous devons confier le jugement sur les personnes à la justice et à la miséricorde de Dieu. »
(5) Somme de théologie, IIa IIae q 150 a 2 ad 2um.
(6) Somme de théologie, IIa IIae q 149 a 1.

© LA NEF N° 359 Juin 2023