Cinéma Avril 2024

Que notre joie demeure

24 avril 2024

La réalisatrice Marie-Cheyenne Carron présente ce film sur le martyre du père Jacques Hamel comme « librement inspiré d’une histoire vraie ». Ce n’est donc pas une reconstitution mais une évocation, attentive, dans une perspective explicite de paix. « Notre joie » du titre est celle des chrétiens, qui ne la perdent jamais, quelles que soient les circonstances, et notamment celle du père Hamel, dont il a été un témoin toute sa pauvre et humble vie durant. Le film en donne maints exemples qui constituent sa chair, savoureuse. Cheyenne-Marie Carron s’est donné du temps avant de commencer son film, qu’elle avait d’abord voulu violent, avant de souhaiter qu’il soit un instrument de réconciliation. Dans cet esprit, la plupart des scènes évitent la polémique, au risque de l’irénisme. Mais elles n’oblitèrent pas la violence de l’islam, qui affleure par touches. On suit marche après marche la radicalisation d’Abel, le tueur, spécialement contre sa mère, femme « éduquée », comme on dit en franglais, tête nue et raisonnante. Elle ne parviendra pas à détourner son fils de son engagement criminel, qu’il aiguise auprès d’autres barbus fanatiques comme lui. C’est finalement l’attentat dans l’église, tourné sous une forme essentiellement symbolique, par égard notamment aux familles des victimes. On y entend pourtant le cri resté célèbre du Père Hamel : « Arrière Satan ! » Cela renvoie à la citation de l’Apocalypse mise en exergue, mais le texte qu’on a dans l’oreille en quittant le film est la lettre de l’un des condamnés aux religieuses présentes dans l’église : « Mille fois merci. Et pardon. »
Pour faire venir le film dans votre ville, écrivez à : cheyennecarron@gmail.com

Chroniques de Téhéran

13 mars 2024

Ce film iranien dénonce l’intolérable oppression, kafkaïenne, que le pouvoir des mollahs fait subir aux citoyens. Il renoue avec la tradition des films à sketchs, ce qui lui permet de contourner la censure, ciblant d’abord les longs métrages. Coïncidence tragique, les réalisateurs Ali Asgari et Alireza Khatami avaient commencé le tournage juste avant la mort de Mahsa Amini, arrêtée pour son refus du foulard, qui avait déclenché, en 2022, l’imposant mouvement de contestation « Femme, vie, liberté ». Les humbles héros des neuf saynètes ici contées ne vont pas jusqu’à la mort, mais, ayant chacun affaire à tel ou tel dépositaire d’une parcelle du pouvoir théocratique, ils sont conduits à un point d’arbitraire absurde où la confrontation ne peut que s’arrêter si elle ne veut pas sombrer dans la violence. Ce sont des situations banales : un homme déclare la naissance de son fils, une mère habille sa fille pour la rentrée, une élève est convoquée par la directrice, etc. Chaque scène, pimentée d’un délicat humour noir, est désespérante dans sa froide exposition de la bêtise et de la méchanceté de la tyrannie islamique. Les scènes, toutes en plan séquence, et excellemment jouées, ne concluent pas. Inutile : tout est dit.

François Maximin

© LA NEF n° 368 Avril 2024