En raison de sa nature et de son ampleur, le génocide perpétré par le régime nazi contre les juifs a profondément marqué l’histoire contemporaine. La manifestation la plus paradoxale de cette empreinte est fournie par l’entreprise qui consiste à nier la réalité de ce génocide. Qualifiée de « révisionniste » par ses promoteurs pour lui donner un semblant de scientificité, celle-ci est désignée à juste titre comme négationniste par les historiens. Voici le résumé de la vulgate « révisionniste » donné en 1978 par son principal auteur, Robert Faurisson lui-même, pour contester la version « exterminationniste » de l’histoire : « 1. Les “chambres à gaz” hitlériennes n’ont jamais existé. 2. Le “génocide” ou la “tentative de génocide” des juifs n’a jamais eu lieu : en clair, jamais Hitler n’a donné l’ordre (ni admis) que quiconque fût tué en raison de sa race ou de sa religion. 3. Les prétendues “chambres à gaz” et le prétendu “génocide” sont un seul et même mensonge. 4. Ce mensonge, qui est d’origine essentiellement sioniste, a permis une gigantesque escroquerie politico-financière dont l’État d’Israël est le principal bénéficiaire. 5. Les principales victimes de ce mensonge et de cette escroquerie sont le peuple allemand et le peuple palestinien. 6. La force colossale des moyens d’information officiels a, jusqu’ici, assuré le succès du mensonge et censuré la liberté d’expression de ceux qui dénonçaient ce mensonge. 7. Les artisans du mensonge savent maintenant que leur mensonge vit ses dernières années; ils déforment le sens et la nature des recherches révisionnistes; ils nomment “résurgence du nazisme” ou “falsification de l’histoire” ce qui n’est qu’un juste retour au souci de la vérité historique. »
Le négationnisme apparaît de lui-même comme le discours qui consiste à contester ou nier la réalité du génocide des juifs perpétré par le régime national-socialiste allemand et ses complices pendant la Seconde Guerre mondiale. Les négationnistes se sont auto-désignés sous le vocable de « révisionnistes » pour être associés à une démarche historique classique. Le mot « négationnisme » a été formé par l’historien Henry Rousso en 1987, dans le but explicite de lever l’ambiguïté du terme « révisionnisme » : « Le révisionnisme de l’histoire étant une démarche classique chez les scientifiques, on préférera ici le barbarisme, moins élégant mais plus approprié, de “négationnisme”, car il s’agit bien d’un système de pensée, d’une idéologie et non d’une démarche scientifique ou même simplement critique » (1).
Le négationnisme consiste donc dans la négation pure et simple de l’entreprise génocidaire nazie et se polarise ainsi notamment sur la question de l’existence des chambres à gaz, à la fois comme instrument et comme symbole de la politique d’extermination nazie. Comme le fait remarquer Pierre Vidal-Naquet, le « révisionnisme » se focalise sur un sujet bien précis, ce qui déjà en dit long sur ses présupposés : « A vrai dire, il ne s’intéresse ni aux malades mentaux ni aux Tsiganes et encore moins aux prisonniers de guerre soviétiques, mais aux seuls Juifs. Pourquoi ce choix ? » (2). Le fait est que le négationnisme constitue un discours antisémite implicite dont l’objectif est de réhabiliter l’antisémitisme explicite. Issu après-guerre d’anciens nazis et collaborateurs dont le propos était tout a la fois de blanchir l’Allemagne nazie et ses amis et de continuer la lutte anti-juive (Maurice Bardèche), le négationnisme a connu un regain de vigueur à travers la reprise de ses thèses par une une certaine extrême-gauche (Paul Rassinier, La Vieille Taupe avec Pierre Guillaume et Robert Faurisson, Roger Garaudy…), antisémite a force d’être pro-palestinienne et antisioniste, et dont la collusion avec l’islamisme est désormais flagrante, les sites internet les plus actifs dans cette mouvance étant essentiellement islamiques (Radio Islam). À l’essai de destruction totale des juifs durant la Seconde Guerre mondiale aura donc succédé une tentative de négation de ce fait historique. L’une est le corollaire de l’autre, comme on le voit pour d’autres meurtres de masse, produisant eux aussi un déni à la mesure de l’horreur perpétrée. Ce négationnisme vient essentiellement d’une instrumentalisation de l’histoire au service de causes idéologiques et politiques. Il est dès lors nécessaire, pour comprendre ces phénomènes de négation, leur portée et leurs limites, de les analyser eux-mêmes comme des faits historiques.
A lire : Jean-Claude Pressac, Les Crématoires d’Auschwitz. La machinerie du meurtre de masse, CNRS Editions, 2007, 156 pages, 10 e. Un livre de référence d’un ancien « négationniste » qui reconstitue le mécanisme de mort industrielle mis en place par les nazis, de la chambre à gaz au crématoire.
(1) Henry Rousso, Le syndrome de Vichy, Seuil, Points Histoire, 1990, p. 176.
(2) Pierre Vidal-Naquet, Les assassins de la mémoire, Seuil, Points Essais, 1987, p. 7.