Socialisme, voici un mot qui ne plaît guère chez les catholiques, qui évoque la menace bolchevique ou le règne de la gabegie d’État depuis la mitterrandie… Le socialisme est immédiatement classé à gauche, même si ce n’est plus à l’extrême-gauche, et l’on peut d’ailleurs légitimement se demander en quoi le Parti Solférinien (PS) mérite encore l’épithète socialiste. Quoi qu’il en soit, comme l’a rappelé Jean-Claude Michéa, à l’origine le socialisme ne se classe pas à gauche – pas plus qu’à droite d’ailleurs – et son apparition précède même celle de la gauche.
Ainsi, au XIXe siècle, on parlait aussi bien voire davantage de socialisme chrétien que de christianisme social, et le christianisme inspira librement et ouvertement – quoique diversement – les premiers inventeurs du socialisme, comme Pierre Leroux et Philippe Buchez – et même du communisme, comme Étienne Cabet qui écrivait : « Personne ne peut se dire chrétien s’il n’est pas communiste » (1).
Ce n’est qu’avec la mainmise croissante des marxistes sur le socialisme et surtout la récupération des thématiques socialistes par la gauche républicaine et laïque dans la synthèse radicale-socialiste – idéologie de la bourgeoisie voltairienne qui n’aura jamais eu de radical et de socialiste que le nom – que le socialisme sera durablement vissé à l’anticléricalisme et à l’athéisme – et à l’étatisme. Mais une tradition socialiste révolutionnaire, distincte du marxisme comme du jacobinisme, se maintiendra malgré tout – celle, issue notamment de Pierre-Joseph Proudhon, de l’anarchisme, du fédéralisme, du mutualisme, et qui courra jusqu’à nos jours en passant par Jacques Ellul, Bernard Charbonneau ou Ivan Illich pour se renouveler dans l’écosocialisme d’un André Gorz.
Mais il a existé également une tradition socialiste, si ce n’est « de droite », du moins conservatrice et contre-révolutionnaire avec les catholiques sociaux comme Frédéric Ozanam, Albert de Mun, René de La Tour du Pin, le Père Antoine Chevrier ou encore Léon Harmel, tradition qui préfigurera un socialisme national et même royal – du Cercle Proudhon d’Edouard Berth (2) avant la Première Guerre mondiale au Lys Rouge, Mouvement socialiste monarchique de Jean-Marc Bourquin après la Seconde Guerre mondiale, qui inspirera le royalisme « de gauche » de la Nouvelle Action Royaliste de Bertrand Renouvin.
Face à un Parti Sociétaliste qui avec l’ensemble de « la gauche se résume désormais à l’aile réformiste du parti libéral » (3), à nous de retrouver la fécondité des socialismes originels, fédéralistes, mutualistes, chrétiens, et de réunir cette diversité dans un « écosocialisme chrétien » dont Laudato si’ pourrait être le manifeste (4).
Falk van Gaver
(1) Étienne Cabet, Le vrai christianisme suivant Jésus-Christ, 2ème éd., 1847.
(2) Les Cahiers du Cercle Proudhon, Kontre-Kulture, 2014.
(3) Thibault Isabel, « Socialisme ? », Krisis N. 42, décembre 2015.
(4) Pierre Madelin, « L’encyclique Laudato si’ lue par un écologiste radical », Limite, 14 janvier 2016.