Le vêtement féminin est l’objet d’une guerre culturelle. Sans évoquer ici l’aspect politique « militant » que recouvre le voile islamique – il est acceptable tant que le visage est découvert –, celui-ci interpelle la mode féminine occidentale peu soucieuse de pudeur.
«Femme, dis-moi comment tu t’habilles, et je te dirai qui tu es. » Cet aphorisme n’est pas absolument vrai, néanmoins, bien souvent, la manière de nous vêtir est révélatrice de notre identité, de notre pensée, de notre conception des rapports humains en société. Notre vêtement délivre un message. Il donne une première impression sur notre personne. Il contribue à créer un climat social. Or, que voyons-nous dans les rues de France en matière de vêtement féminin ? Un choc des cultures. En caricaturant un peu, deux grands « styles » différents : un style occidental, et un style inspiré par l’islam. La façon occidentale se divisant en deux groupes : des femmes habillées avec pudeur et décence, et d’autres sans pudeur ni décence.
La mode, en soi, n’est pas mauvaise. Elle réclame un discernement. Or, force est de constater que la mode actuelle en France est plutôt aux vêtements très « moulants » ou très courts (minijupe, minishort, décolletés « prononcés »). Elle réduit la femme à une partie de son corps et bien souvent la rabaisse au rang d’objet sexuel. Au fond, elle propose aux femmes d’aujourd’hui de revêtir ce que seules les prostituées portaient il y a quelques décennies. Ce n’est pas étonnant puisqu’elle est imprégnée de la mentalité post-soixante-huitarde selon laquelle « mon corps m’appartient » : j’en fais donc ce que je veux, car « il est interdit d’interdire » et que j’ai le droit de « jouir sans entrave ».
En revanche, ce qui devient ennuyeux et préoccupant, c’est lorsque les Françaises baptisées adoptent cette façon de se vêtir sans esprit critique ou sans résistance. Est-ce par inadvertance ? Par naïveté ? Par contamination ? Par peur du « qu’en dira-t-on » ? Par faiblesse devant la perspective de devoir « aller à contre-courant » ? Par manque d’éducation ou de formation de la conscience ? Ou pour ne pas paraître « catho-coincée » ? Une chose est certaine : si la chrétienne s’habille « comme tout le monde » et que « tout le monde » s’habille de façon indécente, alors la chrétienne s’affadit. Sur ce point, elle manque à sa mission d’être « sel de la terre » et « lumière du monde ». Le danger, c’est aussi de scandaliser les femmes musulmanes en leur faisant croire que le christianisme s’identifie à l’Occident actuel, avec le risque de voir ces mêmes musulmanes jeter le christianisme avec l’eau du bain de la « révolution sexuelle ».
L’actualité nous invite à réfléchir à la guerre culturelle qui se livre autour de la question du vêtement féminin : les actes odieux de « terrorisme sexuel » perpétrés contre des femmes à Cologne, les marques occidentales qui proposent des modèles de vêtements directement inspirés par l’Islam, etc. En principe, la femme musulmane et la femme chrétienne, par leur tenue pudique, se démarquent de la femme « libérée ». Mais il faut toutefois s’interroger : pour quel motif s’habillent-elles autrement ?
Pour une baptisée, c’est essentiellement en vertu de sa conception de la dignité de la femme et de la conscience qu’elle a d’être devenue le temple vivant de l’Esprit-Saint au jour de son baptême (cf. saint Paul). Elle doit être belle mais faire attention à cause des conséquences du péché originel en elle et autour d’elle. Belle mais pas aguicheuse. « La pudeur est modestie. Elle inspire le choix du vêtement » (CEC 2522). « La pudeur préserve l’intimité de la personne. Elle désigne le refus de dévoiler ce qui doit rester caché. Elle est ordonnée à la chasteté dont elle atteste la délicatesse » (CEC 2521). La femme habillée décemment et joliment inspire un regard plein de respect de la part des hommes – lesquels ont une responsabilité en tant que maris et pères en ne signalant pas à leurs épouses ou filles une tenue indécente.
Pour une musulmane c’est essentiellement pour se soumettre à la volonté d’Allah telle qu’elle est inscrite dans le Coran, et pour se protéger dans la rue (car elle peut s’habiller comme elle le souhaite chez elle ou pour son mari ; fut-ce au mépris de tout sentiment de pudeur et de toute décence). Dans l’espace public, il s’agit pour elle de ne pas être « attirante ». Dans une perspective islamique, il n’y a ni péché originel ni vertu de chasteté (1) mais il existe des tenues « halal » (permises, pures) et d’autres « haram » (défendues, impures). Pour la femme pudique en islam le minimum est de porter le hijab (voile qui cache les oreilles, les cheveux, le cou et la poitrine).
Il apparaît donc clairement que la femme chrétienne est appelée à être « sentinelle de l’invisible » (saint Jean-Paul II) pour sa sœur musulmane comme pour sa sœur prétendument « libérée » : elle peut leur montrer qu’elle est l’égale de l’homme dans le plan de Dieu, qu’elle peut être à la fois belle et décente, féminine et libre. Ni soumise, ni prostituée, ni peureuse, ni Femen. C’est le prophétisme et le « signe de contradiction » qu’elle peut offrir au monde en recherche de bonheur.
Abbé Laurent Spriet
(1) Cf. http://associationclarifier.fr
© LA NEF n°282 Juin 2016