Attentats islamistes : toujours le déni du réel

La dernière série d’attaques en Floride puis dans les Yvelines a constitué un cas typique de la culture occidentale de l’excuse sélective. S’il était impératif de qualifier la tuerie d’Orlando d’homophobe, il n’était évidemment pas recommandé de la qualifier d’islamiste. Le constat d’un djihadiste d’origine afghane proche des milieux gay n’a rien pu faire face au déni du réel. Omar Mateen avait pourtant été suivi par le FBI pour « radicalisation ». L’acte islamiste a été prémédité et revendiqué. Mais il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.
« Beau gosse » ou « paumé déconnecté qui n’a rien à perdre » (bref irresponsable) ; à Magnanville la gauche progressiste a de nouveau oscillé entre compassion larmoyante et mécanique du « pas-d’amalgame ». Le meurtre du couple de policiers était « incontestablement un acte de terreur » pour François Hollande. Mais rien de plus. Larossi Abballa, un franco-marocain des Mureaux avait été condamné à deux ans et demi de prison ferme en 2013 pour participation à une filière djihadiste. Mais « aux Mureaux, les jeunes ont des raisons d’en vouloir à tout le monde », rapporte Libération. Le seul amalgame autorisé a été d’associer ces tueries aux casseurs anarchistes (ou à « la Manif pour tous » pour Omar Mateen). En arrière-plan, les théories d’Olivier Roy sur l’islamisation de la radicalité (il faut bien que jeunesse se passe…) l’emportent sur l’analyse froide et scientifique de l’islamisation radicale observée par Gilles Kepel en Europe. « La maladie de l’islam » (Abdulwahab Meddeb) est d’avoir un corpus théologiquo-historique qui porte en germe une violence inouïe envers « les mécréants ». Cette évidence est niée pour plusieurs raisons.

IMPASSE DE L’INTÉGRATION
Le débat public a été une nouvelle tentative d’esquiver une réflexion sur le « modèle d’intégration » occidental dont on refuse de constater l’impasse. L’attention s’est portée davantage sur les défaillances des services de sécurité ou le contrôle des armes. Le fait que ces attaques aient été commises par des enfants de la deuxième génération d’immigrés musulmans ne change rien à l’affaire. Certes des trous béants de l’État de droit, au travers de peines trop légères et de services de renseignement débordés, sont à déplorer. Mais cela ne saurait exonérer nos sociétés d’un examen sévère des conditions d’entrée sur le territoire comme des modalités d’attribution de la nationalité. Le sentiment d’appartenance à la communauté nationale est largement mis de côté par l’Éducation nationale. Najat Vallaud-Belkacem proposait au printemps d’enseigner l’arabe dès le CP.
Ces dénis de faiblesse occidentale se répètent au moment où l’État islamique connaît des revers militaires au Levant mais aussi en Irak. Son modèle politique califal est resté au stade du discours. Et Daech mute progressivement vers une organisation terroriste internationale de type Al-Qaïda. Inversement Al Zawihiri est en passe de reconstituer son sanctuaire afghan. Les dernières attaques au Sahel, au Yémen mais aussi dans la province syrienne d’Idlib avec le Front Al-Nosra sont le fruit d’une compétition mortifère avec la branche dissidente d’Al-Qaïda.

PASSIVITÉ OCCIDENTALE
L’échec d’Al Baghdadi à restaurer un califat tarit le flux de jeunes fanatiques en quête de croisade djihadiste entre Damas et Bagdad. Fixée sur son territoire d’origine, toute une jeunesse musulmane radicalisée est tentée de passer à l’acte là où elle a grandi. Un peu sur le modèle de « l’Intifada des couteaux » en Palestine. Là, les « cibles molles » sont attaquées sans raison, semant la psychose de la guerre civile à travers le pays. Voiture qui fauche des passants, piéton qui se jette avec un couteau sur un militaire, rafale dans un bar, etc. Cette théorie du soulèvement populaire de l’Europe musulmane pensée en son temps par Abou Moussab al-Suri a pour objectif de provoquer une escalade de la violence. Ulcérés par les attentats, les autochtones se lanceraient dans des représailles aveugles.
Pour l’instant cette politique du pire retombe sur un édredon de bons sentiments et de repentir post-colonial. L’immense majorité des Français est prostrée dans la fatalité, voire le déni. On peut regretter une certaine candeur et un angélisme navrant. Il n’empêche que cette résilience en forme de punching-ball a l’avantage de brouiller les plans djihadistes. Elle renvoie les attaquants islamistes à leur cruauté. Laquelle devrait dégoûter la majorité des musulmans européens de sa frange la plus extrême. Une mésentente compréhensible dans la mesure où l’islam n’a pas besoin de violences pour s’imposer sur notre continent. Seulement de notre passivité.

Hadrien Desuin

© LA NEF n°283 Juillet-août 2016