Les sciences modernes permettent de montrer que le Coran a subi une élaboration progressive à partir notamment de textes en langue araméenne. Explication.
Le développement des sciences s’accélère de façon exponentielle. Il bouleverse des pans entiers de nos idées, que l’on croyait définitives. La formation de l’islam et du Coran, scrutés par de nouveaux outils, n’échappe pas au renouvellement des perspectives.
Le sujet n’est pas simple, car il circule de nombreuses opinions émises par des personnes qui n’ont lu ni le Coran, ni les travaux universitaires des quinze dernières années. Ce qui prête à de multiples confusions.
Avant le XXIe siècle, les connaissances sur la formation du Coran et de l’islam étaient uniquement fondées sur des documents tous musulmans, tous rédigés sous le contrôle des califes, et tous très tardifs, car les documents musulmans racontant l’histoire des deux premiers siècles de l’islam ont disparu. Ces documents musulmans tardifs sont fondés sur des traditions orales, supposées transmises sans déformation, de bouche à oreille, pendant deux, voire trois siècles. Le Coran lui-même est le plus tardif de tous ces textes : la version actuelle n’a été définitivement fixée, par les vizirs Ibn Muqla et Ibn Isa, qu’en 933, trois siècles après la mort de Mahomet (1). Et pendant ces trois siècles, surtout le premier, le texte a changé : au moins à deux reprises les califes ont ordonné la destruction de tous les documents originaux et des Corans existants, pour les remplacer par une version confectionnée sous leur contrôle, déclarée seule authentique.
Les musulmans affirment que les guerres civiles sont responsables de la disparition de tous les écrits des deux premiers siècles de l’islam. Cela est peu vraisemblable car, dans la même région, à la même époque, les documents en latin, grec, hébreu, syriaque, arménien, géorgien et copte n’ont, eux, pas disparu.
Depuis une quinzaine d’années nombre d’historiens, notamment Harald Motzki (2) et Alfred-Louis de Prémare (3), ont exploré des sources contemporaines de Mahomet, ou légèrement postérieures, rédigées dans des langues non arabes, géorgien, araméen, etc. Ces textes, jamais exploités jusque-là, comportent des allusions, des éléments descriptifs ou des anecdotes concernant les croyances, les pratiques, les actes et les guerres des adeptes de Mahomet.
Ces bribes d’information non intentionnelles sont extrêmement précieuses : datant des débuts de l’islam ou immédiatement postérieures, et rédigées sans contrôle politique, ces écrits possèdent une meilleure vraisemblance que les documents musulmans rédigés deux siècles, parfois trois siècles plus tard, sous la surveillance des califes.
Un autre outil est l’utilisation de la Théorie des Codes, développée depuis le milieu du XXe siècle. Ordinateurs, Internet, câble, numérique… tous les prodiges informatiques reposent sur elle. Cette théorie s’applique aussi aux textes écrits. Chaque auteur présente des caractéristiques stylistiques dont il n’a pas conscience, mais que les mathématiques peuvent identifier. Ces caractéristiques, repérées dans un texte, sont-elles présentes dans un autre texte ? Cela permet de savoir si les diverses parties d’un même livre ont été écrites par un seul auteur ou par plusieurs. Cela permet également dans certains cas de dater un texte.
La Théorie des Codes montre que le Coran a été écrit par une cinquantaine d’auteurs, sur une durée de plus de deux siècles, précisément la période pendant laquelle ont disparu les textes en arabe sur l’histoire et la théologie de l’islam. Les contributions de chacun des cinquante auteurs ont été découpées en petits fragments, et mélangées aléatoirement. D’où le grand désordre du Coran, dont les versets se succèdent sans logique ni chronologie. Ce désordre frappe tous les lecteurs, musulmans ou occidentaux.
La Théorie des Codes montre également que les parties du Coran concernant le Christ (49 mentions), le statut des femmes et les idées sur le paradis viennent en ligne directe des nazaréens, une secte hérétique judéo-chrétienne largement présente au Proche-Orient à l’époque de Mahomet.
La langue liturgique des nazaréens était l’araméen. Or Theodor Nöldeke (4) a montré, à partir de vocalisations anciennes, que le mot Coran ne vient pas de l’arabe qara’, comme le disent les musulmans, mais de l’araméen qeryana, qui désigne un recueil de textes liturgiques.
Les documents récemment retrouvés montrent que Mahomet n’était pas un prophète, mais un chef de guerre qui a unifié les tribus arabes au moyen du nazaréisme. Les califes qui lui ont succédé ont eux-mêmes collecté, sélectionné et contrôlé les documents qui ont constitué les textes fondateurs de l’islam, notamment le Coran.
Les sources non arabes contemporaines de Mahomet et les méthodes mathématiques modernes montrent que le Coran est une fabrication progressive, mise au point sur deux cents ans, à l’origine à partir de textes nazaréens en langue araméenne traduits ou paraphrasés en arabe, auxquels ont été ajoutés, sous le contrôle des califes, des textes écrits directement en arabe. Cet ensemble a motivé les guerres d’invasion qui ont formé l’empire musulman, et assuré la solidité de cet empire en servant de ciment idéologique.
« Il n’y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni de secret qui ne doive être connu » (5). Cette parole du Christ s’accomplit aujourd’hui pour l’islam et scelle son destin.
Jean-Jacques Walter
(1) Dominique et Marie-Thérèse Urvoy, L’Action psychologique dans le Coran, Cerf, 2007, p. 12.
(2) Harald Motzki, The Biography of Mahomet. The Issue of the Sources. Introduction, Bleyde-Boston-Cologne, Brill Academic Publisher, 2000.
(3) Alfred-Louis de Prémare, Les fondations de l’islam, Seuil, 2002.
(4) Theodor Nöldeke, réédition de Zur Sprache des Qorans, in : Beitrage sur semitischen Sprachwissenchaft, K. J. Trübner, Strasbourg, 1904.
(5) Mt 26-26 ; Mc 4-22 ; Lc 8,7 et 12-2.
Jean-Jacques Walter, ingénieur des Mines et Docteur en islamologie, a publié Le Coran révélé par la Théorie des Codes, Éditions de Paris, 2014, 310 pages, 28 €.
© LA NEF n°283 Juillet-août 2016