Pour les musulmans, le Coran (« Récitation ») est la Parole de Dieu (« Kalâm Allah ») incréée, recensée en un Livre (« Kitâb Allah ») que le Créateur a fait descendre vers Mahomet par la médiation de l’ange Gabriel, d’abord à La Mecque (de 610 à 622), puis à Médine (de 622 à 632).
Dans sa forme matérielle, le Coran se présente lui-même comme la copie conforme d’un original, la « Mère du Livre » (Oum el-Kitâb), conservée auprès de Dieu de toute éternité (13, 39). Il s’agit donc d’un texte préexistant, coéternel et consubstantiel à Dieu. Pour accréditer le fait que Dieu en est l’auteur exclusif, Mahomet est réputé analphabète chez les musulmans, affirmation remise en cause par les recherches récentes (1). Ce Livre est écrit en langue arabe, car Dieu en a décidé ainsi (41, 2-3 ; 43, 3). Si bien que, « pour la tradition musulmane, la lettre et le contenu sont indissociables et tous deux font partie intégrante de la Révélation » (2).
Sur le fond, la « Révélation » coranique se présente comme le « Rappel » d’un « pacte primordial » (mîthâq) qui remonte aux origines lorsqu’Adam et ses descendants attestèrent de la suzeraineté de Dieu sur les hommes (7, 172-173). L’islam est donc la religion que le Créateur a conçue pour l’homme parce qu’elle est la mieux adaptée à sa nature et à sa condition, ce qui rend aberrante l’existence d’autres religions, y compris les monothéismes juif et chrétien. Ainsi, le Coran prétend abroger et corriger les erreurs qui auraient été introduites dans la Torah et l’Évangile (5, 15) sous l’influence de Satan (22, 52). Mais, grâce à une protection spéciale dont les prophètes antérieurs n’ont pas bénéficié, Mahomet a échappé aux tentations démoniaques, transmettant ainsi un Coran intègre, qui jouit de l’inimitabilité miraculeuse et ne peut être ni altéré ni falsifié (5, 48 ; 10, 38 ; 11, 13 ; 17, 88). Tous ces traits confèrent au Livre saint de l’islam une autorité souveraine et contraignante.
À côté du Coran, les musulmans accordent une importance considérable à la Sunna (Tradition). Ce terme s’applique aux propos et comportements attribués à Mahomet dans les circonstances les plus variées, touchant aussi bien sa vie privée que l’organisation socio-politique ou la guerre. Sur les six recueils canoniques ainsi composés à partir de milliers de récits, les hadîth, rapportés par ses compagnons et sa famille, notamment ses épouses, deux jouissent d’une crédibilité supérieure aux autres : ce sont les hadîth sahîh (« authentiques ») de Boukhâri (810-870) et de Mouslim (817-875). Et parmi eux, il faut encore distinguer les hadîth qudsî (« saints »), équivalant à des dictées divines.
La Sunna apporte les compléments nécessaires à la compréhension du Coran et à l’élaboration de la charia. Il arrive même qu’elle l’emporte sur l’autorité du texte coranique ou qu’elle pallie une lacune de ce dernier. Ainsi, la codification des cinq prières quotidiennes se trouve dans la Sunna et non dans le Coran. Il en va de même de la sanction pénale réservée à l’apostat, qui se fonde sur une sentence attribuée à Mahomet : « Celui qui quitte la religion, tuez-le. »
Le statut privilégié de la Sunna résulte d’un précepte coranique : « Obéir au Prophète, c’est obéir à Dieu » (4, 80). Le prophète de l’islam lui-même a fait de sa conduite une norme obligatoire, selon un propos rapporté par ses compagnons : « Celui qui délaisse ma Sunna, celui-là ne fait plus partie de ma communauté » (3).
Annie Laurent
(1) Cf. Alfred-Louis de Prémare, Aux origines du Coran, Téraèdre, 2004, p. 65.
(2) Michel Cuypers et Geneviève Gobillot, Idées reçues sur le Coran, entre tradition islamique et lecture moderne, Le Cavalier bleu, 2014, p. 40-41.
(3) Cité par Asma Hilali in Dictionnaire du Coran, Robert Laffont, 2007, p. 850.
© LA NEF n°283 Juillet-août 2017