Protéger la conscience des collégiens

S’alarmant de la progression impressionnante de la culture de mort dans nos sociétés, saint Jean-Paul II évoque dans Evangelium vitae (25 mars 1995) une « conspiration qui se déchaîne contre la vie » activement soutenue par de « forts courants culturels, économiques et politiques » (n.12) dont l’une des stratégies les plus pernicieuses réside dans la volonté de manipuler la conscience collective. Et en effet, les promoteurs de ces courants ne se contentent pas de faire voter dans les enceintes parlementaires, des législations iniques et immorales. Ils veulent changer les mentalités en profondeur, et pour parvenir à leur fin, rêvent de faire de l’école un lieu de (ré)éducation morale et de l’enseignement un moyen d’endoctrinement des nouvelles générations.
La réforme du collège, effective dès cette rentrée, possède ainsi une force de subversion des consciences qui n’a pas été assez soulignée et qui va frapper cruellement l’enseignement catholique, qu’il soit sous contrat d’association avec l’État ou non. De fait, à l’issue du nouveau cycle 4 regroupant les classes de cinquième, quatrième et troisième, les collégiens auront à présenter un brevet remanié dès juin 2017 où l’épreuve scientifique pourra désormais comprendre des questions de sciences de la vie et de la terre (SVT) dont fera partie le chapitre « reproduction et comportement sexuel responsable ». Jusqu’ici, cette thématique était confinée à la classe de quatrième et donc soustraite non seulement au contrôle continu de l’année de troisième mais également à toute évaluation nationale comptant pour l’obtention du diplôme national du brevet (DNB). Ce ne sera plus le cas.

UNE AFFAIRE GRAVE
Pour mesurer la gravité de l’affaire, il suffit de lire le nouveau dossier d’accompagnement du professeur des Éditions Hatier pour le cycle 4 de SVT qui liste plusieurs activités censées répondre aux nouvelles compétences que devront maîtriser nos adolescents avant d’entrer au lycée : les élèves devront savoir « présenter les moyens de mettre un terme à une grossesse non désirée » ; il leur faudra également se mettre à la place d’un médecin et « proposer la méthode la plus pertinente » de procréation artificielle en fonction de la cause de l’infertilité d’un couple exposée dans une étude de documents (comme conseiller une insémination artificielle avec sperme d’un donneur anonyme et étranger si le spermogramme de l’homme indique une forte proportion de spermatozoïdes déficients ou au contraire une fécondation in vitro avec fabrication d’embryons surnuméraires si la femme a les trompes obturées). Il leur sera encore demandé de bien connaître les moyens de « contraception » les plus utilisés actuellement par les jeunes (pilule, implant, contraception d’urgence…), expliquer leur mode d’action pour être ensuite capables de « fonder leur propre choix sur des arguments scientifiques ».

NÉCESSITÉ D’UN PROJET ALTERNATIF
Le projet du gouvernement est d’ailleurs d’une redoutable cohérence puisqu’après sa collègue de l’Éducation Nationale, la ministre de la Santé a fait publier le 5 juin un décret d’application de la nouvelle loi santé pour permettre à toute élève mineure des collèges et des lycées d’obtenir sur simple demande la pilule du lendemain auprès de l’infirmière scolaire de son établissement, levant par là même les restrictions antérieures. Enfin, les nouveaux programmes stipulent que tous les collégiens français soient en mesure de « montrer l’importance d’avoir des lieux permettant de répondre à leurs interrogations » (crainte pour certains d’avoir des rapports sexuels, découverte chez d’autres de leur homosexualité ou bisexualité, planning familial…) (1).
La réponse de l’Enseignement catholique doit être à la hauteur des dangers qui pèsent ici sur la liberté de conscience des enfants et de leurs parents. Nous ne pourrons pas une nouvelle fois nous reposer sur la bonne volonté de quelques chefs d’établissements ou professeurs de SVT tout en laissant les familles affronter seules cette question. Avec le soutien des évêques, un vrai travail de concertation et d’élaboration d’un projet alternatif, rigoureux sur le plan académique et ambitieux sur le plan éthique, dans le plein respect du magistère de l’Église devrait pouvoir être mis en œuvre afin de ne pas laisser nos enfants passer sous les fourches caudines du contrôle idéologique de l’Éducation Nationale qui s’effectuera dorénavant en fin de troisième. Ce travail pourrait par exemple prendre la forme d’un livret envoyé à tous les chefs d’établissements et professeurs de sciences avant les vacances de la Toussaint. Dans un discours important qu’il a donné le 18 juin 2001, saint Jean-Paul II parle du « droit fondamental à la formation selon sa conscience ». C’est ce droit que nous devons aujourd’hui honorer.

Pierre-Olivier Arduin

(1) SVT, Manuel de cycle 4, Nouveaux programmes 2016, Hatier, pp. 314-319.

© LA NEF n°284 Septembre 2016