Un tel titre pourrait sembler passablement anxiogène. Depuis quand en effet l’Europe pourrait-elle à nouveau connaître la guerre ? Autrefois habitués à un conflit majeur à chaque génération, les Européens – au moins ceux de l’Ouest – n’en ont plus connu depuis suffisamment longtemps pour imaginer être définitivement à l’abri de ce genre d’outrecuidance.
Et pourtant ! Avant même de parler d’actions militaires, il y a la guerre économique, cette nouvelle manière plus civilisée de défendre et de s’accaparer des intérêts. C’était d’ailleurs déjà le cas autrefois mais on a oublié que la probabilité que ces conflits d’intérêts débouchent sur des conflits tout court demeurait assez vraisemblable.
L’Europe est une puissance économique importante qui rivalise notamment avec les États-Unis dans un certain nombre de domaines, l’espace, l’aéronautique, l’automobile, l’agriculture, où l’on retrouve souvent, sans vouloir nous vanter, la France. On a un peu de mal à comprendre à quel point l’Union Européenne ne fait pas grand-chose pour défendre ces domaines d’excellence et comment, par exemple, elle négocie dans l’opacité la plus obscure un traité transatlantique qui visiblement ne fera qu’augmenter notre soumission au bon vouloir des multinationales américaines.
LE RÉFÉRENDUM CONTRE… LE PEUPLE
Plus près de nous, nous retrouvons d’autres Anglo-Saxons, nos amis britanniques dont le Brexit est apparu pour beaucoup comme un coup de poignard dans le dos. Cela étant, si on considère cet événement comme une remise en cause de la manière dont l’Union Européenne est dirigée aujourd’hui, il y aurait également matière à se réjouir, sauf qu’à cette occasion s’est renforcée la tentation d’une dérive totalitaire : puisque le peuple vote mal, changeons le peuple ! La démocratie deviendrait-elle gênante ? Les référendums seront-ils interdits ? À quand la guerre contre le peuple ?
Pour en revenir à l’option militaire, nous observons une certaine escalade à la frontière ukrainienne où l’OTAN accroît ostensiblement son déploiement en feignant d’être surprise par le mécontentement russe. J’aimerais savoir comment réagirait Washington si Moscou déployait à son tour des soldats et des armes en Amérique centrale. Alors que ce n’est ni l’intérêt des Russes ni le nôtre, les États-Unis ont réussi à nous imposer un embargo dont tout le monde souffre… sauf eux. Poursuivons l’escalade mais à la fin, voulons-nous vraiment une guerre en Europe ?
Qu’on le veuille ou non, les foules de migrants, concentrées en Turquie et en Afrique du Nord, constituent bien une menace. Que fait-on pour gérer cette situation ? Nos brillantes interventions en Syrie et en Libye ont considérablement aggravé le risque auquel nous sommes exposés. On pourrait presque finir par se demander si nous n’avons pas fait exprès… Le suicide démographique de l’Europe nous oblige (croit-on, parce que sinon, on pourrait aussi encourager la vitalité endogène) à lancer des rapts à grande échelle de population périphérique, mais sans réfléchir aux conséquences en termes de tensions culturelles et religieuses, à moins que là aussi, ce ne soit fait exprès.
Si jamais tous ces arguments ne suffisaient pas, il resterait simplement à se promener dans nos rues où le déploiement massif de l’armée demeure assez parlant, sauf à considérer qu’ils sont là pour rien, ce qui serait pour le coup encore plus inquiétant que le danger qu’ils sont censés contenir. Leur présence est venue répondre non pas à des menaces, mais à des attaques bien réelles sous forme d’attentats. Nous sommes en guerre contre le terrorisme, ce qui prouve bien au passage que nous sommes en guerre.
Un jour, il faudra bien nommer l’ennemi, l’islam radical, et cesser de simplement faire croire qu’il s’agit de Daesh. À Nice, l’assassin n’avait rien à voir avec le Proche-Orient. Nous avons donc parmi nous des personnes qui pourront basculer à tout moment, comme le montre encore le martyre du Père Hamel à Saint-Etienne du Rouvray. D’autres attentats se produiront et le jour venu, se transformeront en confrontation à grande échelle. Sauf implosion préalable de l’islam radical, on ne voit pas très bien comment nous pourrons éviter cette guerre, sans parler des autres évoquées plus haut. Quelles réponses apporter à l’islam radical ? Tant sur le plan politique que religieux, il nous faut trouver des solutions de toute urgence.
Marc Fromager
© LA NEF n°284 Septembre 2016