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Charles de Foucauld et l’attrait du désert

Le désert, le silence, la solitude, ne sont pas des fins en soi, ce sont des moyens, de bons moyens au service de la mission. Mettons-nous à l’école du Bienheureux Charles de Jésus.

«L’Évangile me montra que le premier commandement est d’aimer Dieu de tout son cœur et qu’il fallait tout enfermer dans l’amour ; chacun sait que l’amour a pour premier effet l’imitation. Il me sembla que rien ne me présentait mieux cette vie que la Trappe. » Mais la Trappe ne suffit pas au « frère Albéric ». La cabane au fond du jardin des clarisses de Nazareth ne suffit pas non plus au « frère Charles ». Il veut prendre l’avant-dernière place puisque Jésus a pris la dernière ! Il partira donc au désert.
De plus, sur le conseil des supérieures clarisses de Nazareth, il retourne à la Trappe de Notre-Dame des Neiges pour devenir prêtre et ainsi pouvoir mettre Jésus là où il n’est pas encore sacramentellement. Il ira donc le rendre réellement et substantiellement présent à Béni-Abbès d’abord, puis, à l’invitation de son ami le commandant Laperrine, au milieu des Touaregs à Tamanrasset dans le Hoggar. Là, il pourra passer des heures agenouillé juste devant le tabernacle ou devant l’ostensoir pour adorer son Seigneur et son Dieu dans le silence. Ce silence dont le cardinal Sarah chante l’absolue nécessité pour nous aussi aujourd’hui. Un silence qui aide à s’ouvrir à la présence de Dieu.

LE BIENFAIT DU SILENCE : SE REMPLIR DE DIEU
« Il faut passer par le désert et y séjourner pour recevoir la grâce de Dieu ; c’est là qu’on se vide, qu’on chasse de soi tout ce qui n’est pas Dieu et qu’on vide complètement cette petite maison de notre âme pour laisser toute la place à Dieu seul. Les Hébreux ont passé par le désert, Moïse y a vécu avant de recevoir sa mission, saint Paul, saint Jean Chrysostome se sont aussi préparés au désert… C’est un temps de grâce, c’est une période par laquelle toute âme qui veut porter des fruits doit nécessairement passer. Il lui faut ce silence, ce recueillement, cet oubli de tout le créé, au milieu desquels Dieu établit son règne et forme en elle l’esprit intérieur : la vie intime avec Dieu, la conversation de l’âme avec Dieu dans la foi, l’espérance et la charité. Plus tard l’âme produira des fruits exactement dans la mesure où l’homme intérieur se sera formé en elle. […] On ne donne que ce qu’on a et c’est dans la solitude, dans cette vie seul avec Dieu seul, dans ce recueillement profond de l’âme qui oublie tout pour vivre seule en union avec Dieu, que Dieu se donne tout entier à celui qui se donne ainsi tout entier à lui. Donnez-vous tout entier à lui seul… et il se donnera tout entier à vous. […] Regardez saint Paul, saint Benoît, saint Patrice, saint Grégoire le Grand, tant d’autres, quel long temps de recueillement et de silence ! Montez plus haut : regardez saint Jean Baptiste, regardez Notre Seigneur. Notre Seigneur n’en avait pas besoin, mais il a voulu nous donner l’exemple… Rendez à Dieu ce qui est à Dieu… » (lettre au Père Jérôme du 19 mai 1898).

LE DÉSERT : UN LIEU À ÉVANGÉLISER
Pour le Père de Foucauld, le « désert » désigne les 40 jours que Jésus a voulu passer en retraite, « poussé par l’Esprit-Saint », pour y jeûner et y prier avant de prêcher la bonne nouvelle du Royaume. Mais comme il ne peut pas suivre toute sa vie cet exemple, frère Charles va chercher à vivre « comme à Nazareth ». « Quand on aime, on voudrait parler sans cesse à l’être qu’on aime, ou au moins le regarder sans cesse : la prière n’est pas autre chose : l’entretien familier avec notre Bien-Aimé : on Le regarde, on Lui dit qu’on L’aime, on jouit d’être à Ses pieds. » Il ne s’agit pas de partir au désert pour ne voir personne, mais au contraire d’attirer à Jésus à travers sa Présence et par une présence charitable. Être le « frère universel » qui imite Jésus, qui adore Jésus pour sauver les âmes des musulmans, des Touaregs, des soldats français. « Pour l’extension du saint Évangile : je suis prêt à aller au bout du monde et à vivre jusqu’au jugement dernier… », « Mon Dieu, faites que tous les humains aillent au ciel ! » « Aujourd’hui, j’ai le bonheur de placer – pour la première fois en pays touareg – la Sainte Réserve dans le Tabernacle ». « Cœur Sacré de Jésus, merci de ce premier Tabernacle des pays Touaregs ! Qu’il soit le prélude de beaucoup d’autres et l’annonce du salut de beaucoup d’âmes ! Cœur Sacré de Jésus, rayonnez du fond de ce Tabernacle sur le peuple qui Vous entoure sans Vous connaître ! Éclairez, dirigez, sauvez ces âmes que Vous aimez ! » « Envoyez de saints et nombreux ouvriers et ouvrières évangéliques chez les Touaregs, au Sahara, au Maroc, partout où il en faut ; envoyez-y de saints petits frères et petites sœurs du Sacré Cœur, si c’est votre Volonté ! »
Nous savons, nous, que telle ne fut pas la Volonté du Seigneur : Charles resta seul. Sa vie, il faut bien le dire, était trop difficile à imiter et à suivre. « Il faudrait que le pays fût couvert de religieux, religieuses et de bons chrétiens restant dans le monde pour prendre contact avec tous ces pauvres musulmans et pour les instruire ». « Mon apostolat doit être l’apostolat de la bonté. Si l’on demande pourquoi je suis doux et bon, je dois dire : “Parce que je suis le serviteur d’un bien plus bon que moi” ». « Demain, dix ans que je dis la Sainte Messe dans l’ermitage de Tamanrasset ! Et pas un seul converti ! Il faut prier, travailler et patienter. »
« Quand le grain de blé qui tombe à terre ne meurt pas, il reste seul ; s’il meurt, il porte beaucoup de fruits » : « Frère Charles » est tombé dans le sable du désert, une balle dans la tête, et il a porté du fruit !

Abbé Laurent Spriet

Prière d’abandon du bienheureux Charles de Foucauld

Mon Père, je me remets entre Vos mains ;
mon Père, je me confie à Vous ;
mon Père, je m’abandonne à Vous ;
mon Père, faites de moi ce qu’il Vous plaira ;
quoi que Vous fassiez de moi, je Vous remercie ;
merci de tout ;
je suis prêt, à tout ; j’accepte tout ;
je Vous remercie de tout ;
Pourvu que Votre Volonté se fasse en moi, mon Dieu,
Pourvu que Votre Volonté se fasse en toutes Vos créatures,
en tous Vos enfants, en tous ceux que Votre cœur aime,
je ne désire rien d’autre, mon Dieu ;
Je remets mon âme entre Vos mains ;
je Vous la donne, mon Dieu,
avec tout l’amour de mon cœur,
parce que je Vous aime,
et que ce m’est un besoin d’amour de me donner,
de me remettre en Vos mains sans mesure ;
je me remets entre Vos mains avec une infinie confiance,
car Vous êtes mon Père.

© LA NEF n°287 Décembre 2016