Mère Teresa © Manfredo-ferrari Commons Wikimedia.

Mère Teresa : « J’ai soif ! »

Mère Teresa a été canonisée le 4 septembre 2016. Laissons-nous enseigner par cette géante de la charité et de la miséricorde en actes.

«J’ai soif ! » Tel est le cri de Jésus sur la croix. Il traduit la soif d’amour de Jésus. Le Verbe incarné nous aime et Il désire être aimé en retour. Or « l’amour n’est pas aimé » constatera avec tristesse saint François d’Assise. « J’ai soif » : c’est l’inscription que Mère Teresa a voulu mettre au-dessus des tabernacles de toutes les chapelles de ses Missionnaires de la charité, afin que ses frères et sœurs étanchassent cette soif par leur amour et par leur adoration. Elle-même montra l’exemple à travers toute sa vie donnée… « jusqu’à souffrir ».

« TOUTE À JÉSUS PAR MARIE »
« Je veux seulement être une vraie missionnaire de la charité comme l’était Notre Dame. […] Notre règle nous demande de ne jamais aller dans les bidonvilles sans avoir tout d’abord récité les louanges de la Mère, c’est pourquoi nous devons dire le chapelet dans les rues et les trous obscurs des bidonvilles. Accrochez-vous au chapelet comme la plante grimpante s’accroche à l’arbre car sans Notre Dame, nous ne pouvons pas tenir. […] Dans notre congrégation, nous disons souvent à Notre Dame qu’elle est la cause de notre Joie parce qu’elle nous a donné Jésus. Puissions-nous devenir la cause de sa joie à elle parce que nous donnons Jésus aux autres. Restez près de Jésus, le visage souriant. »

PUISER SA FORCE DANS LA PRIÈRE
Pour pouvoir se pencher avec compassion sur les corps des malades et des pauvres et voir en eux « la chair du Christ » (Mère Teresa), il faut d’abord s’être mis à genoux devant le Seigneur et s’être laissé remplir de sa charité. C’est ce que fit Mère Teresa. Chaque jour, elle resta des heures et des heures devant le tabernacle : « Prier c’est voir le monde avec les yeux de Dieu, […] Dieu est l’ami du silence. Le silence nous donne une vision nouvelle de chaque chose. » Aussi la persévérance dans la prière de Mère Teresa ainsi que son sourire perpétuel furent-ils d’autant plus héroïques que, nous le savons désormais, elle a connu plus de cinquante années de « nuit de la foi ». Cette épreuve mystique, si bien décrite par saint Jean de la Croix, est réservée à ceux et celles qui sont capables de la supporter en raison de leur sainteté. « Un cœur joyeux est le résultat d’un cœur brûlant d’amour. » Paradoxalement, celle qui vivait dans les ténèbres intérieures reçut de Dieu la mission d’être « lumière » pour les autres. Et quelle lumière ! Benoît XVI a écrit : « Celui qui prie ne perd pas son temps, même si la situation apparaît réellement urgente et semble pousser uniquement à l’action. La piété n’affaiblit pas la lutte contre la pauvreté ou même contre la misère du prochain. La bienheureuse Teresa de Calcutta est un exemple particulièrement manifeste que le temps consacré à Dieu dans la prière non seulement ne nuit pas à l’efficacité ni à l’activité de l’amour envers le prochain, mais en est en réalité la source inépuisable » (Deus caritas est, n. 36).

DES ŒUVRES DE MISÉRICORDE
Dans les rues de Calcutta, Mère Teresa arborait son sari blanc aux trois bandes bleues. Trois bandes parallèles pour signifier les trois vertus théologales. Mais trois lignes d’épaisseur inégale car « la plus grande des trois c’est la charité » (cf. 1 Co 13) ! Le jugement général de l’humanité nous découvrira l’étendue de la charité de Mère Teresa : nous contemplerons avec admiration l’œuvre de la grâce dans son cœur ; tout ce que Dieu aura réalisé à travers les mains, les yeux, le cœur de cette petite religieuse au visage fripé mais à l’âme ardente. Il faut le souligner contre tous ses détracteurs aveugles et orgueilleux, Mère Teresa n’a pas seulement multiplié les actes de miséricorde corporelle : elle a aussi voulu étancher la soif de Jésus en sauvant les âmes. En cela encore, elle a voulu ressembler à la « petite Thérèse » à qui elle emprunta son nom de profession religieuse. Jésus a soif des âmes et Mère Teresa a voulu y répondre. Mère Teresa brûlait du désir de sauver les âmes et elle s’attelait à cette tâche de toutes ses forces. Comment ? « Le chrétien sait quand le temps est venu de parler de Dieu et quand il est juste de Le taire et de ne laisser parler que l’amour. Il sait que Dieu est amour (cf. 1 Jn 4, 8) et qu’il se rend présent précisément dans les moments où rien d’autre n’est fait sinon qu’aimer » (Benoît XVI, ibid. n. 31). En effet, « si tu vois l’amour, tu vois la Trinité » s’exclamait saint Augustin ! Mère Teresa « conduisait les âmes à Dieu et Dieu aux âmes ».

DÉFENDRE LA VIE
Nous devrions tous relire ce que Mère Teresa a osé dire aux « grands de ce monde » en 1979, à Oslo, lorsqu’elle reçut le prix Nobel de la Paix. Quelle audace ! « Le plus grand destructeur de la paix, aujourd’hui, est le crime commis contre l’innocent enfant à naître. Si une mère peut tuer son propre enfant, dans son propre sein, qu’est-ce qui nous empêche, à vous et à moi, de nous entre-tuer les uns les autres ? […] Aujourd’hui on tue des millions d’enfants à naître. Et nous ne disons rien. » Saint Jean-Paul II dira d’elle le jour de sa béatification : « elle avait choisi d’être non seulement la dernière, mais la servante des derniers », or « celui qui n’est pas encore né est le plus faible, le plus petit, le plus misérable ». Ces tout petits méritaient donc de trouver en elle leur protectrice courageuse. « Dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40). Mère Teresa fut l’icône vivante et lumineuse du Bon Samaritain. Elle, qui aimait répéter que la plus grande pauvreté est celle d’être indésirable et de n’avoir personne qui prenne soin de soi, ne fit pas semblant de ne pas voir la détresse de ces millions d’enfants massacrés dans le sein de leur mère. Elle s’arrêta, parla, accueillit, adopta, aima, sauva des bébés. « La vie est la vie, défends-la » écrira-t-elle ! Entendons son appel…

Abbé Laurent Spriet

NB – Pour entrer dans la spiritualité de Mère Teresa, lire Viens, sois ma lumière, Le Livre de Poche, 2009.

© LA NEF n°290 Mars 2017