Mgr Pascal Gollnisch.

Chrétiens d’Orient : le défi de l’espérance

La pérennité de la présence des chrétiens en Orient représente des enjeux, des obstacles et des défis. Les chrétiens sont une minorité au Proche et Moyen-Orient : significative au Liban et en Égypte, symbolique en Iran et en Turquie, réduite dans les autres pays, où ils ne peuvent représenter ni une force politique, ni militaire, ni économique. Ce serait cependant une lourde erreur de croire que leur disparition de la région serait anodine. Les communautés chrétiennes représentent une force sociale importante engagée dans les domaines de l’éducation et de la santé au service de tous, chrétiens et musulmans, hommes et femmes. Elles constituent de véritables lieux d’apprentissage du « vivre ensemble ». Les chrétiens sont des citoyens à part entière de leurs pays respectifs, où ils sont souvent sources de médiation et d’ouverture. Leur disparition représenterait un recul important pour les sociétés du Moyen-Orient et emporterait dans l’abîme toutes les autres minorités. Chaque pays se raidirait alors dans un fondamentalisme nationaliste lourd de menaces de conflit.
Les obstacles à leur présence sont cependant nombreux. Spontanément on songe légitimement aux violences dont ils sont victimes, de manière organisée et ciblée de la part des groupes djihadistes comme le pseudo-État islamique ou al Noshra. Cependant les difficultés concernent aussi la vie courante. Les sociétés à majorité musulmane dans lesquelles ils vivent depuis treize siècles ne parviennent pas à leur reconnaître les droits de pleine citoyenneté. Dans un contexte massivement marqué par le fait religieux, il n’est pas aisé d’avoir une conviction minoritaire. Massivement les chrétiens sont confrontés à des réalités de discrimination sur les plans constitutionnels, légaux, judiciaires, administratifs, professionnels ou simplement de voisinage. Ces situations finissent par peser sur les familles qui souhaitent un avenir meilleur pour leurs enfants. En Orient, mais aussi parfois en Occident, la tendance demeure de voir dans les chrétiens d’Orient des appendices des nations européennes, oubliant leur existence historique antérieure à l’évangélisation de l’Europe. Les croisés autrefois, les Américains récemment sont les premiers à entretenir cette ambiguïté qui leur porte préjudice, car instrumentalisée par ceux qui veulent les éradiquer de la région.

LES CHRÉTIENS PEUVENT ÊTRE DES ACTEURS INCONTOURNABLES
Dès lors qu’elles sont les défis à relever ? Le premier est bien sûr de neutraliser les forces terroristes à l’œuvre en Syrie, en Irak et en Égypte. Certains intellectuels – ou pseudo-intellectuels auto-proclamés – qui suggèrent d’abandonner ce combat pour éviter des attentats en Europe n’ont manifestement rien compris aux visées djihadistes. Mais ce n’est qu’un aspect du problème. Il convient aussi de permettre aux différents pays de la région de progresser dans le respect des droits fondamentaux. Il ne s’agit pas de faire des chrétiens une minorité protégée avec condescendance, mais de mettre en place une pleine citoyenneté pour chacun, par-delà leur croyance religieuse. Il s’agit bien d’inventer une laïcité qui ne soit pas une imitation de la situation européenne mais qui respecte l’histoire et la sensibilité de la population. Et nous aurions tort de croire que des musulmans ne sont pas sensibles à la nécessité d’une telle évolution.
Un important défi est encore celui de la culture : juste lecture de l’histoire, juste compréhension des apports des chrétiens à la civilisation arabe, sauvegarde du patrimoine matériel et immatériel, En réalité, le modèle politique et le projet de société demeurent souvent à construire. La communauté internationale doit considérer cela avec délicatesse et humilité.
Cependant l’avenir des chrétiens au Moyen-Orient ne se vit pas dans une bulle à l’abri des tourments de la région. C’est l´ensemble de la région et c´est l’ensemble de l´islam qui ont des défis à relever. Les problèmes sociaux et économiques, la liberté d’expression, l´indépendance de la justice, la corruption, l´analphabétisme sont autant de questions qui concernent l’avenir des chrétiens.
Peut-être que le principal défi est celui de l’espérance, sans laquelle des populations peuvent verser dans la violence. Il n’y a aucune raison pour que le Moyen-Orient ne progresse pas pour trouver sa place dans le concert des nations. De cela les chrétiens peuvent être des acteurs incontournables. Beaucoup de musulmans éclairés en sont bien conscients.

Mgr Pascal Gollnisch

Mgr Pascal Gollnisch est directeur général de l’Œuvre d’Orient, il a notamment publié Chrétiens d’Orient, résister sur notre terre, Le Cherche-Midi, 2016, 192 pages, 16 €.

© LA NEF n°294 Juillet-août 2017