François et Jacinthe ont été canonisés par le pape François le 13 mai 2017 à Fatima, à l’occasion du centenaire de l’apparition.
Pour les deux petits bergers que sont François et Jacinthe, l’histoire de leur sainteté commence – et elle commence mal ! – le soir du 13 mai 1917, lorsqu’ils rentrent à la maison avec leurs brebis. Jusqu’à ce moment-là, tout allait pour le mieux : une enfance heureuse, sans souci, dans un milieu familial uni. Ils ont même eu par trois fois le privilège de recevoir la visite d’un Ange l’année précédente, puis celle de la Vierge Marie en ce 13 mai, à midi. Mais tout bascule brusquement le soir de ce même jour.
En effet, dès que Jacinthe aperçoit sa maman, elle se précipite vers elle pour lui annoncer la grande nouvelle de sa journée : elle a vu Notre Dame. La réaction est immédiate : « Pas possible ! Tu me parais une belle sainte pour voir Notre Dame ! » Devant l’insistance de sa fille, qu’elle n’hésite pas à traiter de « petite folle », elle interroge François, qui confirme les dires de sa sœur.
Malgré cette réaction abrupte, il faut bien reconnaître que Jacinthe et sa maman ont raison toutes les deux : l’une, parce qu’elle a effectivement vu une belle Dame ; et l’autre, parce qu’elle sait très bien que sa fille n’est pas une sainte.
Jacinthe a en effet ses défauts. Capricieuse à la moindre contrariété, elle est aussi fort possessive, sans parler de son penchant trop marqué pour les parures et la danse. François non plus n’est pas sans défaillances : espiègle à ses heures, il se montre parfois d’un entêtement excessif, quand il ne lui arrive pas de subtiliser de l’argent pour s’acheter l’harmonica tant convoité.
Mais Notre Dame, Mère et Reine des saints, va changer leur vie. Ou plutôt c’est une admirable coopération entre elle et eux qui va changer leur vie. Car il ne suffit pas que Notre Dame se manifeste à quelqu’un pour qu’il devienne un saint ou une sainte. Encore faut-il qu’il y ait consentement, et plus encore persévérance dans ce consentement, quelles que soient les épreuves qui peuvent intervenir.
Car les épreuves ne tardent pas à fondre sur eux, de toutes les sortes et jusqu’à leur dernier jour : moqueries, accusations de fourberie, interrogatoires malveillants, enlèvement et séquestration, menaces de mort réitérées, maladie implacable, et finalement mort prématurée, tous deux avant même l’âge de onze ans.
Ces multiples épreuves, dont l’une ou l’autre aurait sans doute suffi à nous faire chavirer, comment font-ils pour les surmonter ? En répondant « oui » à la question que la belle Dame leur a posée le 13 mai : « Voulez-vous vous offrir à Dieu ? »
De fait, ils se sont offerts à Dieu. Par une vie de renoncement à eux-mêmes jusqu’à la libre acceptation de mourir martyrs. Par une vie de dévouement aux autres et de prière pour le Saint-Père, les pécheurs, la paix dans le monde. Par une vie d’amour pour le Cœur immaculé de Marie et pour Dieu partout tellement offensé.
Ainsi ont-ils « atteint en peu de temps les sommets de la perfection », comme l’a dit Jean-Paul II à Fatima le 13 mai 2000. Mais, pour aller jusqu’à la canonisation officielle, il reste le plus décisif de tout : la reconnaissance d’un miracle dûment étudié et vérifié selon les rigoureuses procédures en vigueur. Et voilà que ce miracle indispensable a eu lieu. Le décret attestant l’authenticité de la guérison – rapide, complète, durable et scientifiquement inexplicable – d’un enfant brésilien, grâce à leur intercession, a été approuvé par le pape François le 23 mars 2017. La voie est ainsi ouverte à leur canonisation effective, et cela en l’année du centenaire des apparitions de Notre Dame. Impossible de choisir plus belle circonstance pour cet événement exceptionnel et historique qu’est leur canonisation.
Il faut y insister : les mots « événement exceptionnel et historique » n’ont rien d’excessif, tant s’en faut. Car il s’agit réellement d’enfants, et non pas d’adolescents ni même de préadolescents. Ces enfants, tout en ayant pleinement accepté la perspective de mourir martyrs, ne sont pas morts martyrs, mais suite à la maladie qu’ils avaient contractée. Jamais en 2000 ans d’histoire de l’Église des enfants non martyrs n’ont été canonisés. C’est donc une première, qui va permettre la canonisation d’autres enfants non martyrs.
C’est vrai, Jacinthe n’était pas une sainte en 1917, pas plus que François. Mais ils le sont devenus, comme l’a reconnu le Saint-Père en approuvant le décret concernant le miracle accompli par leur intercession. Mieux : ils le sont devenus en un temps record, si l’on peut dire, puisqu’entre le 13 mai 1917 et la mort de Jacinthe un peu moins de 33 mois seulement se sont écoulés, et pour François à peine plus de 22 mois. Et s’ils sont parvenus si haut en si peu de temps, c’est en raison de leur brûlant amour pour Dieu et de leur totale disponibilité à se laisser conduire par Notre Dame qui s’est plu à transformer ces deux frère et sœur en deux chefs-d’œuvre de sainteté pour l’Église et pour le monde.
Père Jean-François de Louvencourt
Le Père Jean-François de Louvencourt est moine cistercien de l’abbaye de Rochefort en Belgique. Il est l’auteur de l’ouvrage de référence, François et Jacinthe de Fatima, Éditions de l’Emmanuel, 2010.
© LA NEF n°292 Mai 2017