Cathédrale de Digne.

Proclamer le kérygme

Évêque de Digne depuis 2015, Mgr Jean-Philippe Nault s’est notamment intéressé aux vocations. Entretien avec un évêque dynamique porté par la foi.

La Nef – Qu’est-ce qui vous a le plus marqué depuis que vous avez été nommé évêque ?
Mgr Jean-Philippe Nault – Je m’étais alors peu penché sur ce qu’était un évêque, non seulement dans sa dimension théologique, mais aussi pastorale ! La première impression fut peut-être le contraste entre la mission et la pauvreté des moyens… Mais cela invite à s’appuyer davantage sur Dieu ! Ce qui me marque, c’est à la fois la dimension de pasteur et celle de serviteur ; l’évêque rend présent dans son ministère la sollicitude du Christ, Bon pasteur et Serviteur. Le ministère est alors multiforme autour du lien permanent entre vérité et charité, c’est-à-dire dans la grâce du Christ, tête de l’Église. Il faut inlassablement chercher à accueillir la grâce d’une vraie conversion, et à en témoigner. La charge est immense, mais le Seigneur est là ! Il s’agit donc de Lui être fidèle, de discerner humblement Sa volonté et de tout faire pour la mettre en œuvre ! Notre horizon, c’est bien la Vie éternelle et donc le salut !

Vous avez maintenant 8 séminaristes dans votre diocèse (pour 26 prêtres de moins de 75 ans) ; avez-vous mené une action spécifique pour cela ?
Il n’y a pas de recette, mais la conviction profonde, qui oriente l’ensemble, que les prêtres sont ô combien nécessaires pour « donner Dieu aux hommes et donner les hommes à Dieu » pour citer le Curé d’Ars. Ceci n’écarte pas, bien sûr, la vocation des baptisés-confirmés et plus spécifiquement celle des laïcs, mais au contraire souligne la spécificité du sacerdoce dans notre marche vers le salut et la complémentarité des vocations. Accueillir et porter la formation de jeunes qui veulent donner leur vie à Dieu comme prêtres (même si c’est difficile pour un petit diocèse !) est une vraie source d’espérance et une joie ! Les vocations sont aussi le fruit de la prière et de l’offrande cachée de ceux qui portent cette intention avec foi.

La raréfaction des vocations est-elle inéluctable et que peut y faire l’évêque ?
Le Seigneur appelle toujours, mais le bruit du monde brouille cet appel ! C’est surtout, me semble-t-il une question de foi. Aujourd’hui la foi a fortement diminué dans notre pays. Si la foi s’amenuise, cela engendre des conséquences tant sur la visibilité de nos communautés et la voix de l’Église dans les débats actuels, que sur les grandes orientations du pays et de la nation, et, bien entendu, sur la vitalité chrétienne et le nombre de vocations. Prenons conscience de cet état de fait ; certes un réveil de la foi, et par ricochet de la conscience chrétienne, est possible, mais ce n’est pas encore le cas.
Sur la question des vocations, le rôle de l’évêque est multiple : témoigner de l’Espérance (au sens théologal), appeler et accompagner… Témoigner dans le sens d’inviter à porter le regard sur le Ciel et donc à intégrer la question du Salut dans notre vie et les décisions qui l’habitent ; cela sous-entend le souci permanent de ramener à Dieu. Appeler c’est-à-dire transmettre clairement l’invitation du Seigneur à le suivre, soit dans le cadre de la vocation de tout baptisé, soit dans celui d’une vocation particulière dont la vocation sacerdotale ou religieuse ; aujourd’hui cela doit certainement être rendu plus explicite, en respectant la liberté de chacun. Accompagner enfin, qui signifie l’attention dans la durée aux jeunes qui ont peut-être maintenant plus de difficultés à choisir ou à s’engager pour toujours ; il s’agit de donner un contexte favorable au discernement et à l’accompagnement des vocations (vie de prière, vie chrétienne, joie du témoignage…).

Mgr Jean-Philippe Nault

La baisse des vocations est une question de foi, dites-vous, liée au fait qu’il y a moins de chrétiens : autrement dit, le problème n’est-il pas prioritairement celui de l’évangélisation ?
Bien sûr, le manque de vitalité des vocations reflète celui de l’ensemble de la communauté chrétienne. Il s’agit pour nous de retourner aux fondamentaux de l’évangélisation, telle que nous la voyons dans les Actes des Apôtres : la proclamation du kérygme, le témoignage d’une vraie joie chrétienne qui attire (soulignait Benoît XVI), et le désir d’une vraie conversion à commencer par soi-même. Dans le diocèse de Digne, on met en avant les « cinq essentiels » (vie de prière, vie fraternelle, formation, souci des plus pauvres et évangélisation) que nous cherchons à pratiquer à tous les niveaux. Un lieu source, en cours de réalisation, servira à porter cette dynamique de l’évangélisation (1).

Les entrées nombreuses, hors des filières diocésaines, dans des communautés comme Saint-Martin, les charismatiques ou les traditionalistes, ne sont-elles pas le signe d’une évolution : comment l’appréciez-vous ?
Une des clés, me semble-t-il, est le désir des jeunes de porter à plusieurs le souci de la mission, et ce dans la période à la fois passionnante mais difficile que traverse notre Église : vivre ensemble la mission, se garder par la vie commune, et témoigner joyeusement, telles sont les grâces (ou aides) recherchées. Ce désir se manifeste de plusieurs façons (communautés, fraternités sacerdotales…) mais dans un cadre où la prière et la liturgie, la vie fraternelle et le souci missionnaire ont une place importante. J’en suis moi-même le fruit puisque j’ai désiré être prêtre diocésain dans la Société Jean-Marie Vianney (SJMV). La diversité légitime et le souci d’une annonce fraternelle de la mission, sont donc une vraie chance pour l’Église de France. À nous d’accueillir ce désir, de l’accompagner et de discerner ensemble la Volonté du Seigneur.

Comment l’évêque que vous êtes aborde-t-il la question de l’évangélisation dans le contexte d’une société aussi sécularisée ?
La question de l’évangélisation est centrale aujourd’hui ! Le paradigme a changé : on était dans une société très majoritairement chrétienne où se transmettait naturellement ce que l’on avait reçu, tant sur le plan de la foi que sur celui de la vie chrétienne au sens large. À présent notre société n’est plus chrétienne (malgré de nombreuses « traces »…), et il faut donc ré-évangéliser ! Il ne s’agit pas de se lamenter, mais d’annoncer le Christ, « Chemin, Vérité et Vie ». C’est à la fois stimulant et urgent ! La question du salut revient avec force nous obliger à l’annonce, en retrouvant la situation des débuts de l’ère chrétienne, et en reprenant les fondamentaux de l’évangélisation. Celle-ci n’est pas la divulgation d’une idéologie ou d’un courant d’idées ; elle vise à permettre à chacun de rencontrer le Christ en vérité, personnellement déjà. Il s’agit donc d’une grâce reçue du Seigneur, dont l’Église a pour mission de témoigner et qu’elle doit annoncer ; son unique mission, conduire vers Dieu !

Vous avez été longtemps recteur du sanctuaire d’Ars : que représente pour vous la figure de saint Jean-Marie Vianney ?
C’est une figure merveilleuse, souvent mal comprise. Mais, malgré son ancrage bien réel dans les suites de la Révolution française, il est étonnamment actuel, et c’est bien ce qu’a signifié Benoît XVI en le donnant comme guide lors de l’Année Sacerdotale en 2010. C’est la figure d’un pauvre, d’un petit qui veut ne s’appuyer que sur Dieu. C’est aussi la merveilleuse figure d’un prêtre donné par l’Église comme patron et modèle des curés. Un admirable pasteur soucieux du salut de ceux qui lui sont confiés, et mettant tout en œuvre pour aider chacun à rencontrer Dieu et à vivre de Lui. Son témoignage et la radicalité de sa vie sont un repère pour aujourd’hui et une invitation à revenir à l’essentiel.

Quel regard portez-vous sur notre société actuelle qui semble rejeter toujours plus loin les limites de la transgression (la PMA risque d’être la prochaine étape) : comment envisagez-vous votre rôle d’évêque face à ces dérives ?
Un regard à la fois peiné (voire parfois effrayé !) mais aussi de plus en plus convaincu que la seule solution est bien le Christ, et que Lui seul nous révèle la vérité sur l’homme ! Solution dans le sens d’une direction (Chemin), mais aussi d’une réponse aux différentes questions d’aujourd’hui (Vérité), et enfin d’une relation personnelle sanctifiante et transformante (Vie). Cet afflux de lois sociétales illustre l’éloignement de nos contemporains vis-à-vis de l’Évangile. Je rends grâce pour la dynamique portée par de nombreux laïcs (tout spécialement des jeunes) et pour leur implication courageuse dans l’annonce de l’Évangile et la transformation de la société. C’est une véritable espérance pour l’Église !

Propos recueillis par Christophe Geffroy

(1) Le Bartèu, une maison en Haute Provence, pour porter l’évangélisation ! Axée autour des cinq essentiels, elle veut, par la voie du Beau et du respect de la Création (Laudato Si), mettre en œuvre le souci de l’annonce joyeuse de l’Évangile et de la Foi…
Pour nous aider : www.catho04.fr

© LA NEF n°295 Septembre 2017