L’humour serait-il l’arme de destruction massive des pourfendeurs de l’art dit « contemporain » ? Nicole Esterolle est extrêmement drôle à défaut de pouvoir être sérieuse face à un système qui a anéanti le processus de créativité dans l’art aujourd’hui. Chaque mot choisi pour constituer son abécédaire propose une critique acerbe d’un « système de type totalitaire, borné, exclusif, répressif, qui empêche la création de s’épanouir ». Pour parer à ce drame, elle nous fait rire et nous rappelle un peu les Exorcismes spirituels de Philippe Muray. Nicole Esterolle nous déculpabilise de ne rien comprendre à cet art conceptuel, réhabilite en somme le flair et le bon sens en matière artistique.
Derrière la critique de ce système, l’auteur propose une réflexion sur l’art très proche d’ailleurs des idées politiques. Elle voit dans l’art contemporain l’expression de la mondialisation et de la marchandisation de l’Occident. Elle propose de « cesser de penser monumental et international », de « redevenir modeste, relocaliser, resocialiser, réenraciner, reterritorialiser l’art et le réinscrire dans la cité ».
Ce n’est pas parce qu’elle rejette l’art dit « contemporain » qu’elle en conclut que tout l’art récent doit l’être aussi. Elle n’oublie pas d’évoquer, derrière le processus de propagande et de censure qui découle de l’art officiel, les œuvres locales innombrables qui surgissent d’artistes avec de véritables talents. Elle rappelle ainsi qu’un artiste comme Soulages « est un vrai metteur en forme, avec un vrai langage plastique personnel ». Quand ce vaste système viendra à s’effondrer, ce qui ne saurait tarder, il faudra veiller à séparer le bon grain de l’ivraie, que nous puissions enseigner aux générations futures une véritable histoire de l’art de notre temps.
Pierre Mayrant
ABC de l’art dit contemporain, de Nicole Esterolle, Éditions Jean-Cyrille Godefroy, 2017, 240 pages, 18 €.
© LA NEF n°298 Décembre 2017