Le pape François est-il conservateur ou progressiste ? La question n’a aucun sens au regard de son parcours et de ses convictions les plus fondamentales. Pour un grand nombre de ses confrères jésuites en Argentine dans les années 1970-1980, il apparaissait comme un « rétrograde », trop attaché aux formes traditionnelles de la piété et à la pastorale familiale, trop critique envers la théologie de la libération. Il fut pour cela dénoncé au Ministre Général des Jésuites. Inversement, lorsqu’il était archevêque de Buenos Aires, il marquait souvent sa différence avec les évêques argentins rigoristi.
Il existe déjà de nombreuses biographies du pape François. Celle que lui a consacrée Austen Ivereigh en 2014 (révisée en 2015) et aujourd’hui excellemment traduite dans un style très fluide, est peut-être la meilleure qui soit, parce qu’elle ne consacre qu’un chapitre et un long épilogue à l’élection et aux premières années du pontificat. Austen Ivereigh a lu tous les écrits de Bergoglio antérieurs au pontificat, a largement exploré la presse argentine et a enquêté sur place pour interroger des témoins des différentes étapes de sa vie. Il raconte longuement l’enfance du futur pape, son milieu familial, sa formation jésuite, les responsabilités qu’il a exercées dans la Compagnie de Jésus et les oppositions qu’il a rencontrées, puis son ministère épiscopal à Buenos Aires.
Outre l’éclaircissement de points controversés (les relations de Bergoglio avec le péronisme, son action durant la dictature militaire, son rôle d’outsider lors du conclave de 2005), le livre met en lumière certains éléments clefs de sa pensée qui tous étaient déjà présents lorsqu’il était provincial des Jésuites d’Argentine ou archevêque de Buenos Aires : la teologia del pueblo fiel (la « théologie du peuple fidèle »), l’attachement à la religiosité populaire, les quatre principes qu’il a conceptualisés et qui guident son action pastorale, l’attention aux « périphéries existentielles », l’idée que l’Église d’Amérique latine est désormais une « Église-source » pour l’Église universelle.
Yves Chiron
François le Réformateur, de Buenos Aires à Rome, d’Austen Ivereigh, Éditions de l’Emmanuel, 2017, 534 pages, 20 €.
© LA NEF n°298 Décembre 2017