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Pour une juste sexualité

La fornication est « l’union charnelle en dehors du mariage entre un homme et une femme libres » (CEC 2353). C’est un fléau très répandu, même dans les familles chrétiennes d’aujourd’hui. Tâchons de mener une réflexion rationnelle à son sujet.

La malice de la fornication n’est pas seulement démontrable théologiquement « à coups » de citations de la Sainte Écriture ou du Magistère de l’Église (1). C’est une question de morale naturelle. Toute personne de bonne volonté peut comprendre sa malice intrinsèque. Foi et raison se rencontrent.

POURQUOI VOULOIR REVENIR SUR CE SUJET ?
Parce que nous assistons à une formidable entreprise de déconstruction de notre culture et de ses fondations. Nous voyons notamment une inversion prodigieuse des valeurs. Ce qui est objectivement un mal est appelé bien, et inversement. Le prophète Isaïe a eu raison de dire : « Malheur à ceux qui appellent le mal bien, et le bien mal, qui changent les ténèbres en lumière, et la lumière en ténèbres » (Is 5, 20). Ainsi, pour beaucoup de nos contemporains, la fornication n’est pas un mal moral. Ce serait une forme de sexualité comme une autre. À partir du moment où les partenaires sont sincères, ou même simplement consentants, la fornication serait un bien. Ce serait un choix possible parmi d’autres. Pour ces personnes : avant ou après le mariage, une relation sexuelle est un bien.

INTERDIT D’INTERDIRE
Au fond, l’homme moderne reproduit à l’envi le péché originel : il mange de « l’arbre de la connaissance du bien et du mal », c’est-à-dire qu’il décrète par lui-même ce qui est bien et ce qui est mal, indépendamment de Dieu et de sa propre nature. C’est le règne du subjectivisme et du relativisme. C’est l’homme qui se fait Dieu… et qui se détruit parce qu’il ne respecte pas les lois qui sont inscrites en lui.

OÙ EST LE PROBLÈME ?
Une relation sexuelle conforme à la nature humaine implique deux personnes hétérosexuelles (mais même cela doit être démontré et justifié aujourd’hui, puisque la sexualité n’est plus nécessairement liée à la transmission de la vie, toute activité sexuelle étant légitime). Or une personne n’est pas seulement un amas de cellules. C’est une substance individuelle composée d’une âme et d’un corps. La sexualité humaine n’est donc pas uniquement spirituelle ou corporelle ; elle est l’une et l’autre. « Aimer c’est tout donner et se donner soi-même » (sainte Thérèse de Lisieux). Il ne s’agit pas de ne donner que son âme ou que son corps mais de se donner tout entier, corps et âme. Pour qu’un don soit objectivement vrai et bon, il faut le don de toute la personne.
Alors prenons l’hypothèse suivante : une personne « libre » (de tout lien matrimonial) se donne sexuellement à une autre personne « libre » du sexe opposé avant de s’être marié avec elle. Il s’agit d’un cas de fornication. Elle donne son corps mais elle n’a pas encore scellé sa vie à celle de son partenaire par l’engagement du mariage. Son intention peut être bonne (j’aime vraiment) mais l’acte lui-même qui est posé n’est pas vrai au sens où il dit plus que la situation des personnes impliquées : ce garçon donne tout son corps à cette fille, et réciproquement, pourtant ils ne se sont pas engagés l’un envers l’autre, ils ne s’appartiennent pas l’un l’autre.

LES CONSÉQUENCES DÉSASTREUSES DE LA FORNICATION
Bien souvent, malheureusement, le garçon ou la fille qui vivent dans la fornication finissent par se séparer et ne se marient pas. Ils ont tout donné avec leur corps mais ils ne se donneront jamais leur âme. Combien même ils se marieraient bientôt, ils ont « fêté Pâques avant les Rameaux », ils ont « mis la charrue avant les bœufs » parce que le don de leur corps aurait dû suivre le don de leur vie. Ils auraient dû d’abord sceller leurs âmes, avant de l’exprimer par un don de leur corps. Mais l’homme moderne ou postmoderne ne veut pas s’embarrasser de ce genre de logique.
En outre, en dehors du mariage, la venue d’un bébé n’est bien souvent pas souhaitée (elle est vue comme un risque) puisque les partenaires ne sont pas prêts à l’accueillir : ils prendront donc très probablement un moyen artificiel d’empêcher une naissance (contraception), ce qui aggrave encore moralement leur acte (puisqu’ils mettent un obstacle à leur union et qu’ils séparent artificiellement union et ouverture à la vie).
Et si ce moyen artificiel « ne fonctionne pas », qu’adviendra-t-il ? La femme peut se retrouver enceinte toute seule. Pour mémoire : 72 % des femmes qui avortent aujourd’hui en France étaient sous contraception lors de leur relation sexuelle qui a donné naissance à une nouvelle vie. L’importance pour un enfant d’avoir un papa et une maman est ainsi à nouveau soulignée. L’enfant a besoin d’un cadre stable pour vivre : ce cadre c’est la famille et le mariage qui la fonde. La fornication le nie.
Inversement, deux époux qui ont échangé leurs consentements et qui ne se donneraient pas l’un à l’autre sexuellement ne peuvent pas considérer leur mariage comme indissoluble, car ils n’ont pas donné toute leur personne à leur conjoint. Ils n’ont donné que leur âme : leur union n’est pas consommée. Elle n’est encore que partiellement vraie tant que leur corps n’est pas donné à leur conjoint.

CONVENTIONS SOCIALES ?
De nos jours, il est de bon ton de dire qu’un certain nombre de principes moraux ne sont pas liés à la nature de l’homme mais sont des produits de déterminismes sociétaux (qu’il faudrait déconstruire au plus vite pour redevenir enfin libres). Selon ces personnes, la malice de la fornication serait une invention de la société. Il ne s’agit pas de convenances mais d’une exigence liée à la sexualité et à la signification de la sexualité elle-même. Il y a un ordre que notre raison découvre dans la nature même de la donation des personnes. Une relation sexuelle exprime plus qu’elle-même. Elle est le signe, la manifestation, du don plénier qu’elle suppose. De plus, la fornication met en péril le bien de l’enfant potentiellement à naître. Elle est contraire à la droite raison et aux droits de l’enfant… et de la femme, oserais-je ajouter, car en cas de grossesse, c’est le plus souvent la femme qui se retrouve seule à assumer les conséquences de sa fornication plutôt que l’homme.

Abbé Laurent Spriet

(1) Cf. CEC 2390 ; Si 41, 17 ; 1 Co 6, 13-20 ; Col 5, 3 ; etc.

© LA NEF n°299 Janvier 2018