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Démographie, avortement et immigration

L’INSEE a publié en janvier son « bilan démographique 2017 » : le résultat, qui semble ne guère troubler ni même intéresser nos responsables politiques, est pourtant fort inquiétant : après trois années de baisse de la natalité, le taux de fécondité en France est de 1,88 enfant par femme (il faut être à 2,1 pour assurer le renouvellement des générations), se rapprochant de la catastrophique moyenne européenne qui conduit notre vieux continent à une mort lente. Si la France faisait mieux dans le passé, cela était dû pour une bonne part à la spécificité de sa politique familiale. Or, ce n’est pas un hasard si ce fléchissement démographique survient précisément après que les précédents gouvernements aient visé les familles, notamment par la mise sous conditions de ressources des allocations familiales, la réduction du plafond du quotient familiale et des exonérations fiscales pour les emplois à domicile ; bref, des mesures natalistes qui, bien qu’insuffisantes, avaient le mérite de permettre aux femmes françaises de concilier, mieux qu’ailleurs, maternité et vie professionnelle.

On voit là que la politique familiale a une réelle influence sur la natalité. L’enjeu est loin d’être secondaire, il devrait même être prioritaire, puisqu’il y va de la survie de notre peuple en tant que tel. La démographie a un lien évident avec deux sujets d’actualité, lien que l’on refuse obstinément d’établir : l’avortement et l’immigration. Deux domaines où toute critique est interdite, sous peine d’être taxé d’intégriste, de raciste et de sans-cœur.

DEUX POIDS, DEUX MESURES

Dans un pays qui pratique quelque 220 000 avortements par an (rappelons qu’il y a eu en France 760 000 naissances en 2017, ce qui signifie que l’avortement représente près de 30 % des naissances, presque une sur trois !), il faut quand même une bonne dose d’aveuglement pour n’y voir aucun rapport avec la crise démographique. Chaque année, la Marche pour la Vie – honneur à ses organisateurs – est heureusement là pour témoigner que tout le monde n’accepte pas l’inacceptable, pour rappeler aux consciences endormies cette triste réalité et crier publiquement contre le crime banalisé, accepté, encouragé et que l’on voudrait rendre intouchable, incritiquable.

Si l’avortement est le sujet par excellence que les médias étouffent, l’immigration subit le traitement exactement inverse. Mettre les chiffres de ces deux réalités en parallèle est fort instructif : il y a, chaque année, environ 50 millions d’avortements dans le monde et 230 millions de migrants (3 % de la population mondiale). Deux drames humains d’une brûlante actualité qui devraient appeler une égale compassion. Or, pour l’avortement, rien, excepté la voix des chrétiens, fort peu audible dans le brouhaha médiatique, y compris lorsque c’est le pape qui s’exprime ; en faveur de l’immigration, une information pléthorique à sens unique qui, là, aime à relayer les messages du pape plus conformes à l’idéologie dominante.

La ferveur de nos élites pour l’immigration s’explique par des raisons idéologiques et pratiques. Idéologiques, parce qu’elle est un vecteur du mondialisme et du multiculturalisme qui contribuent à gommer la réalité des nations. Pratiques, parce l’immigration est indispensable pour combler le vide démographique européen qui ne les gêne pas (relancer la natalité n’a jamais été envisagé) : dans leur schéma mental, l’enracinement et la culture des êtres humains ne comptent pas, ils sont interchangeables, n’étant que des consommateurs et des agents économiques.

VOCATION DE L’ÉGLISE

L’Église a pour vocation d’être toujours du côté des plus vulnérables (enfants à naître, migrants, pauvres…) et de défendre en toutes circonstances la dignité de la personne humaine. Comment nier les conditions parfois choquantes où sont parqués les migrants ? C’est une situation odieuse dont il est normal que les chrétiens s’émeuvent. Mais comment ne pas voir que c’est précisément le trop grand afflux de masses d’hommes qui rend impossible tout accueil digne de ce nom ? La seule façon de bien accueillir les migrants (qui est une exigence morale), c’est de parvenir à un juste contrôle de l’immigration (1). Et c’est aussi une nécessité du bien commun – personne ne s’intéresse aux autochtones victimes de l’immigration, alors qu’il s’agit des populations les plus pauvres, fragiles et abandonnées de la « France périphérique ».

L’immigration est un problème complexe dont il est illusoire de penser qu’il se réglera simplement en fermant les frontières : l’immigration zéro n’est ni possible ni souhaitable. On peut, en revanche, tâcher de maîtriser les entrées sur le territoire. Il est néanmoins une dimension de ce problème quasiment jamais abordée : le fait qu’il n’y a jamais eu d’assimilation ou d’intégration sans un dynamisme démographique du pays d’accueil, lui-même devant retrouver une juste fierté de ce qu’il est et de ce qu’il a à transmettre.

Christophe Geffroy

(1) Le pape François qui revient si souvent sur la question des migrants reconnaît sans ambages cette nécessité, même s’il l’exprime bien moins souvent que l’impératif de l’accueil : « Le Saint-Siège n’a pas l’intention d’interférer dans les décisions qui reviennent aux États, lesquels, à la lumière de leurs situations politiques, sociales et économiques respectives, et aussi des capacités propres et des possibilités d’hospitalité et d’intégration, ont la première responsabilité de l’accueil » (discours au Corps diplomatique, le 8 janvier 2018).

© LA NEF n°300 Février 2018