Ce Dictionnaire, qui intègre de vivants récits appuyés sur de nombreuses sources, est une véritable somme qui contribue à mieux connaître et comprendre cette histoire méconnue de la Seconde Guerre mondiale et de l’après-guerre. Les journalistes, écrivains et artistes sont loin d’avoir été épargnés par l’épuration au regard des autres catégories professionnelles. Comme le souligne Henri-Christian Giraud dans la préface, « c’est un fait : l’épuration économique s’est moins pratiquée que l’épuration intellectuelle ». C’est pourquoi le général de Gaulle institua une Commission nationale d’épuration des gens de lettres, le 30 mai 1945.
L’intention de Jacques Boncompain est de ne pas marquer de rupture entre la collaboration, puis l’épuration sauvage et légale. De 1939 à 1949, la continuité est ainsi faite entre la IIIe République, l’Occupation et le régime de Vichy, l’Épuration et le début de la IVe République jusqu’à la fin de la menace communiste en France. L’auteur transgresse les traditionnelles ruptures historiques pour évoquer une seule et même épuration des gens de lettres, non pas victimes de l’occupant ou des libérateurs, mais du totalitarisme incarné successivement par le nazisme et le communisme. On a vite fait de comprendre que l’épuration des artistes après la guerre a tourné aux règlements de compte, à une nouvelle forme de terrorisme intellectuel dans le but d’éliminer ou marginaliser toute pensée non marxiste, tandis que les communistes n’ont jamais été aussi proches de prendre le pouvoir en France.
Pierre Mayrant
Dictionnaire de l’épuration des gens de lettres (1939-1949), de Jacques Boncompain, Éditions Honoré Champion, 2016, 800 pages, 70 €.