L’imposture du vivre-ensemble de A à Z, de Paul-François Paoli

Farcie d’une gamme de mots choisis pour produire certains effets, l’actuelle langue médiatique, mode d’expression et signe de reconnaissance de la superclasse dirigeante, assume une double fonction : empêcher de percevoir le réel en même temps que rendre impossible toute pensée déviante. Or, parmi ces mots manipulés, très en usage chez les perroquets du néoconformisme, la semonce de « Vivre ensemble », laquelle vise les seuls natifs français, contraints de supporter les communautarismes immigrés, nous est rabâchée du matin au soir. Et gare aux récalcitrants !
Évidemment, devant ce perpétuel bobard, où se trahit l’emprise du système dominant, quelques caractères intrépides sont déjà montés au filet. Citons Jean-Yves Le Gallou et Michel Geoffroy, auteurs d’un précieux Dictionnaire de novlangue. Aujourd’hui, voilà, publié par Paul-François Paoli, un autre ouvrage vigoureux qui, au même titre, démolit l’imposture en question et le « vocabulaire sacré » dont elle s’entoure. Politiquement et sémantiquement correcte car elle gomme les aspérités du réel en prétendant les faire disparaître, souligne Paul-François Paoli, la langue du vivre ensemble, langue destinée à nous dire ce que l’on ne doit pas dire, sert à « exclure du champ de la normalité idéologique tous ceux qui n’y adhèrent pas », tous ceux qui croient à la nécessité, sans quoi nul vivre ensemble n’existe, « des affinités et des représentations communes, des souvenirs à partager, des fidélités à entretenir et aussi d’un sentiment de ressemblance ». Sinon… eh bien ! sinon, ce vivre ensemble, quand il n’est pas souhaité, s’appelle promiscuité – et le peuple français passe à l’état de membrure disjointe.
Panorama de notre vie intellectuelle et du combat des idées, à travers une suite déterminée et limitée de termes et de notions présentés dans l’ordre alphabétique mais où s’intercalent beaucoup de noms propres, un tel livre, loin d’être au-dessus de la mêlée, prend parti. Clairement. Parfois vertement. Il nous semble peu probable que ses lecteurs s’en plaignent.

Michel Toda

L’imposture du vivre-ensemble de A à Z, de Paul-François Paoli, L’Artilleur, 2018, 362 pages, 20 €.

© LA NEF n°300 Février 2018