Étonnant paradoxe : si le 4 septembre 1870 est une date essentielle de notre histoire, puisqu’il a vu « l’invention » d’une République qui a duré 70 ans, contribuant à enraciner ce régime dans notre pays, sa mémoire est occultée. Et c’est le 14 juillet qui a été choisi comme fête nationale. C’est à l’expliquer que Pierre Cornut-Gentille consacre un livre passionnant, qui se dévore comme un roman. Comment est-on passé du jour au lendemain d’un Empire plébiscité, quelques mois plus tôt, par plus de 80 % des Français, à la République, sans qu’aucune goutte de sang soit versée ? Comment ce tour de prestidigitation fut-il réalisé par des hommes manquant pour la plupart de tout charisme ?
Prudence et opportunisme, ces qualités revendiquées par Gambetta, ont permis aux Républicains de profiter de la carence du pouvoir, entraînée par la défaite et la captivité de Napoléon III, pour instaurer, avec les conservateurs, une République avant tout soucieuse d’éviter la révolution qui menaçait. Thiers, le vieux ministre de Louis-Philippe, et Gambetta, le « jeune loup » républicain, ont travaillé main dans la main, avec pragmatisme, tenant à l’écart les idéologues des deux bords. En contrepoint, l’auteur narre avec empathie le naufrage de l’Empire, et le chapitre VIII, L’exfiltration de l’impératrice, est à la fois bouleversant et hilarant. Le 4 septembre 1870, une journée à découvrir d’urgence !
Jean-François Chemain
Le 4 septembre 1870. L’invention de la République, de Pierre Cornut-Gentille, Perrin, 2017, 350 pages, 19 €.
© LA NEF n°301 Mars 2018