Alep détruite © SOS Chrétiens d'Orient

Irak, Syrie : vers la paix ?

Alors que la région nous avait habitués à de mauvaises nouvelles, il est difficile aujourd’hui de ne pas observer sur le terrain un certain nombre de signaux positifs, même si rien n’est jamais vraiment joué d’avance.

Des centaines de milliers de morts, autant si ce n’est plus de blessés, des États faillis, des milices en tous genres et de toutes nationalités, des minorités dont la chrétienne en phase d’extinction, aucune espèce d’embellie en vue, c’était le lot quasi quotidien des informations provenant de la Syrie depuis plus de sept ans et de l’Irak depuis ce qui semble être la nuit des temps. Faut-il remonter à 1991 et la première du Golfe ou plutôt 1980 avec le début de la guerre contre l’Iran ? Dans ce cas, il s’agit d’une guerre de 37 ans, et elle n’est pas terminée.
De fait, ces deux pays étaient programmés pour disparaître. L’Irak n’existait plus que sur le papier, découpé entre une région autonome kurde quasi indépendante et le reste du pays divisé entre le nord sunnite et le sud chiite, le tout constellé de zones livrées à des milices diverses, le tiers du pays étant occupé par l’État islamique. La Syrie, occupée à plus de 50 % par cette même entité djihadiste, semblait vivre ses derniers jours, acculée à des pertes militaires qu’elle ne parvenait plus que difficilement à compenser.

RESPONSABILITÉ OCCIDENTALE
On rappelle ici brièvement que l’État islamique, le Front al Nosra (désormais Jabhat Fatah al-Sham) et les autres groupes islamistes ont été conjointement soutenus par une coalition internationale qui comprenait l’Arabie Saoudite (en lutte contre l’Iran, l’implosion de la Syrie affaiblissant l’axe irano-chiite), le Qatar (le refus syrien de leur gazoduc signa leur condamnation à mort), la Turquie (en pleine nostalgie d’Empire ottoman), les États-Unis (projet de fragmentation de la région, contrôle des réserves de pétrole de la Syrie et lobbying israélien pour les mêmes raisons que l’Arabie Saoudite) et, enfin, la Grande-Bretagne et la France, doublement vassalisées aux États-Unis et à la péninsule arabique (vente d’armement, rachat de la dette et investissements).
Or, dans ce chaos oriental auquel on finissait par s’habituer (et auquel nous avons donc contribué), les lignes semblent avoir changé, à commencer par une réelle dynamique de rétablissement des États. En Syrie, la résilience de l’État, l’appui iranien et enfin l’atout majeur de l’implication russe auront totalement rebattu les cartes. Avec la toute récente reprise de Deir ez-Zor, Damas fait un pas supplémentaire vers la reconquête complète de son territoire. En Irak, la reprise de Mossoul (à moitié rasée) et de Kirkouk (occupée par les Kurdes et dont le pétrole représentait la moitié des ressources du Kurdistan), mais aussi la démonstration de force de l’armée irakienne sur la « frontière » kurde, signifient que l’État irakien redevient une réalité concrète.
Même si tout n’est pas réglé, que ce soit en Syrie, où les djihadistes conservent des points d’appui et où les Américains continuent de soutenir les Kurdes (avant de les abandonner lorsqu’ils n’en auront plus besoin pour conserver à leur profit les zones pétrolifères dans le nord-est du pays), ou en Irak où la division entre sunnites et chiites, aggravée par le contrôle iranien du pays, demeure porteuse d’un conflit insoluble, force est constater une diminution de la violence pour les populations locales.
Pour les chrétiens, cette amélioration est salutaire. Quelques mois de guerre supplémentaires et ils disparaissaient pour de bon des deux pays. En Syrie où les relations intercommunautaires étaient plutôt correctes, le retour des chrétiens, pour la plupart réfugiés au Liban, relève désormais du possible. Plus de 500 000 Syriens (dont des chrétiens) sont déjà rentrés dans leur pays, une dynamique qu’on peut imaginer pérenne. En Irak, les 90 000 chrétiens, réfugiés de la plaine de Ninive, encore présents au Kurdistan ont commencé à rentrer chez eux, l’urgence étant à la reconstruction de leurs maisons.

Marc Fromager

© LA NEF n°298 Décembre 2017