Chronique cinéma Juin 2018

Bécassine (date de sortie : 20 juin 2018)

Bécassine naît dans une ferme bretonne, un jour où passe un vol de bécasses. Devenue adulte, sa naïveté d’enfant reste intacte. Elle rêve d’aller à Paris mais sa vie est bouleversée quand elle devient la nourrice de Loulotte, le bébé adopté par la marquise de Grand-Air. Au château les dettes s’accumulent et l’arrivée d’un marionnettiste douteux n’arrange rien. Mais c’est sans compter sur Bécassine qui va prouver qu’elle est la femme de la situation.
Bécassine est née en 1905, sous la plume de Jacqueline Rivière et le crayon de Joseph Pinchon. Le succès de ce personnage naïf et attachant est un des plus étonnants de la bande dessinée. Aujourd’hui où l’on ne lit pratiquement plus ses livres, tout le monde la connaît, et même en se moquant de sa supposée bêtise on pense à elle affectueusement parce qu’on la sait gentille. Connaissant cette popularité du personnage, Bruno Podalydes a découvert toute la richesse qu’il recelait et le parti qu’on pouvait en tirer pour un film. Un calcul qui avait déjà été fait auparavant par les réalisateurs Pierre Caron en 1939 et Philippe Vidal en 2001. Bruno Podalydes a fait appel une nouvelle fois à ses comédiens familiers, à commencer par son frère Denis, le subtil comédien du Français. Rejoints par la toujours parfaite Karin Viard. Mais la bonne surprise est l’interprète de Bécassine, Émeline Bayart, une actrice de théâtre qu’on découvre dans un grand rôle de cinéma comme une révélation. Elle est plus touchante encore qu’hilarante. Sur un scénario simple, le film enchaîne non pas les gags mais les situations drôles ou charmantes qui maintiennent constamment la gaîté en alerte et charment l’œil par la joliesse des images. Ce film charmera toutes les générations parce qu’il bannit la médiocrité et la vulgarité et vise toujours l’excellence. Belle, simple et vraie.

 

L’extraordinaire voyage du fakir (date de sortie : 30 mai 2018)

Aja, petit arnaqueur pauvre de Bombay, va à Paris où a vécu son père qu’il n’a jamais connu. C’est le début d’aventures prodigieusement variées, à Paris où il rencontre l’amour, en Angleterre où il partage le sort d’émigrés somaliens, à Rome où il découvre la célébrité en dansant, au-dessus de la Méditerranée où il voyage en montgolfière, avant de découvrir la vraie richesse et quelle vie il désire vraiment.
Ce film rappelle Slumdog Millionaire, de Danny Boyle, qui contait également le destin fabuleux d’un enfant pauvre de Bombay. Mais les deux films divergent par leurs intentions. Danny Boyle avait une perspective sociale et ses aventures picaresques ne masquaient jamais la misère. Pour Ken Scott, le réalisateur du Voyage du Fakir, il n’est question de drame que dans le sens courant du terme : les affres de l’argent et de l’amour. Il n’y a de drame qu’autant qu’il tend la corde aventureuse, et que celle-ci vibre en sympathie avec la corde du plaisir.
Il faut donc oublier la comparaison avec Slumdog millionnaire et prendre l’aimable fakir pour ce qu’il est, un « feel good movie », un film qui fait du bien.

François Maximin

© LA NEF n°304 Juin 2018