Contrairement à ce que ne cessent de dire nombre de politiques et de journalistes, l’extension de la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes seules et aux femmes lesbiennes n’était pas au programme d’Emmanuel Macron (1). Ce n’est nullement un « engagement de campagne », ce qui signifie que les Français ne l’ont pas « élu pour cela » (ce qui fut l’un des grands prétextes à passer en force sur la loi Taubira) et que le président de la République ne « doit » rien aux associations LGBT : rien ne « l’oblige », rien n’est inéluctable au contraire de ce qu’elles cherchent à faire croire.
Emmanuel Macron avait en revanche exprimé à diverses occasions sa position favorable, mais toujours en précisant qu’il s’agissait de son opinion « personnelle » et qu’il avancerait en ce sens « si le débat est favorable » (2). Or, le moins que l’on puisse dire, c’est que le consensus n’existe pas : les États généraux de la bioéthique, consultation légale, publique et officielle, ont en effet montré une opposition massive (à plus de 80 %) à cette idée.
Il s’agit là bien sûr d’éléments politiques et non d’arguments de fond, mais le « nouveau monde » est tout autant dans la politique que le prétendu « ancien monde ».
Est-ce là le motif du report du projet de loi bioéthique annoncé ce 15 novembre ? Rien n’est moins sûr. Décrochage du président de la République dans l’opinion, contestation sociale, approche de l’échéance électorale des Européennes… expliquent sans doute ce report au printemps prochain.
Ce décalage a néanmoins l’intérêt de donner à tous les Français conscients des enjeux davantage de temps pour agir et, notamment, pour intervenir auprès de leurs élus : il est impératif, en effet, de faire entendre aux politiques censés nous représenter qu’ils doivent sortir des postures, oublier les étiquettes – « progressiste » ou « réactionnaire » –, ouvrir leurs écoutilles et réfléchir en conscience, enfin. Car il y va de la justice la plus élémentaire pour les générations à venir et du monde que nous voulons pour demain.
Serait-il acceptable que l’État organise la conception d’enfants sciemment privés de père ? Autrement dit, peut-on prétendre qu’un père n’est pas vraiment important pour son enfant ? Peut-on considérer qu’une mère – ou « deux mères » – peut remplacer un père ? Et j’ajoute même : peut-on laisser penser aux jeunes d’aujourd’hui que leur père, finalement, ne compte pas vraiment ?
Alors bien sûr, certains prétendent que « tout ce qui compte, c’est l’amour ». C’est oublier que l’enfant a bien d’autres besoins : si l’amour est évidemment nécessaire, il n’est pas suffisant à l’enfant pour se construire. Le tout-petit, comme l’adolescent et le jeune, a fondamentalement besoin de savoir qui lui a donné la vie, à qui il ressemble, qui sont ceux qui l’ont précédé… en un mot, sa filiation : celle-ci le situe dans le monde, lui apporte les bases de son identité. Et il a besoin aussi, auprès de lui, de ce tuteur qu’est un père. Certes, la vie prive parfois les enfants de leur père et ils sont bien obligés de « faire avec », mais justement, nous savons que c’est un manque, une absence douloureuse.
D’autre part, nos élus croient encore, pour la plupart, que le commerce de l’humain commencerait avec la gestation pour autrui (GPA), c’est qui faux : la légalisation de la PMA sans père entraîne aussitôt et inéluctablement la marchandisation de l’humain. En effet, 100 % des femmes concernées ayant besoin d’apport de gamètes masculins, les dons ne suffisent jamais à répondre à leurs demandes. Cela a conduit tous les pays qui ont légalisé la PMA sans père à rémunérer les hommes (comme l’Espagne et le Danemark) ou alors, quand ils ont hypocritement maintenu la gratuité des gamètes, à les acheter à d’autres pays, en l’occurrence ceux qui payent. Il en est ainsi, par exemple, de la Grande-Bretagne et de la Belgique, lesquels achètent l’essentiel de leur « consommation » au Danemark. La PMA sans père est donc contraire aux principes bioéthiques français que tous les politiques, de tous bords, déclarent vouloir respecter.
À eux seuls, ces quelques points, s’ils sont réfléchis en conscience, devraient à tout le moins semer le doute sur l’opportunité d’aller en ce sens. Cependant, cela ne se fera pas tout seul. À nous tous d’insister auprès de nos élus pour qu’ils en prennent connaissance : rien de plus efficace auprès d’un député que des courriers de sa circonscription…
Ludovine de La Rochère
Présidente de LMPT
(1) https://en-marche.fr/emmanuel-macron/le-programme
(2) Interview parue dans Têtu, 24 avril 2017.
© LA NEF n°309 Décembre 2018