Yves Mamou © L'Artilleur

Élites françaises et islamisme

Yves Mamou, dans un ouvrage très référencé, montre comment les élites françaises ont, depuis longtemps, abdiqué face à l’islamisme, expliquant la situation actuelle. Décapant !

La nation française va-t-elle succomber aux assauts d’un communautarisme musulman anti-laïque ? Pour le journaliste Yves Mamou, cette perspective est plus qu’une hypothèse ; elle est probable, comme il le démontre dans Le grand abandon (1), ouvrage étayé par une copieuse documentation toujours soigneusement référencée, ce qui atteste du sérieux de son enquête. En achevant la lecture des douze chapitres, il n’est plus possible d’en douter : depuis plus de trente ans, l’installation de l’islam politique et culturel chez nous n’est pas le fait du hasard ; elle résulte d’un soutien programmé et actif conçu par des élites parfaitement déterminées, prêtes à toutes les inventions idéologiques et à toutes les manipulations intellectuelles pour en arriver à un degré inouï de compromission. Le bilan est accablant. Il s’agit donc d’une authentique trahison de ceux qui tiennent les rênes du pays. Aucun secteur de la vie nationale, à commencer par l’État lui-même, n’échappe d’ailleurs à cette grave responsabilité.
C’est bien l’État qui triche avec les chiffres de l’immigration musulmane, en refusant la prise en compte des critères d’appartenance religieuse ou ethnique lors des recensements et de la constitution des dossiers des nouveaux arrivés, méprisant au passage les travaux de démographes sérieux, telle Michèle Tribalat, à qui l’on fait subir un odieux « calvaire ». C’est aussi l’État qui a remplacé le concept traditionnel d’assimilation des personnes d’origine étrangère par celui d’intégration, qui permet l’émergence de communautés séparées. Ces évolutions désastreuses s’appuient sur des mouvements subventionnés par des fonds publics, qui entretiennent la victimisation des musulmans (antiracisme, islamophobie, droits de l’homme, discrimination positive), tandis que d’autres apportent un soutien juridique à l’immigration de masse.
Les institutions officielles de la République, notamment le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel, participent activement à l’islamisation de la France. Mamou a recensé un nombre incroyable de décisions favorables aux exigences musulmanes (voile à l’école, burqa, burkini, financement des lieux de culte par les collectivités locales ou des activités religieuses par la Caisse d’Allocations familiales). Il présente aussi les complaisances, dénis, lâchetés, incantations, des présidents, ministres, députés, chefs de partis, sans épargner Emmanuel Macron, ainsi que les dérives de l’école, et même de l’Université, lorsqu’il s’agit d’adapter les programmes (l’histoire, les sciences) aux demandes des parents et des étudiants.
Tout cela s’inscrit dans le cadre d’un « reformatage des consciences », dans lequel les médias et les spécialistes patentés jouent un rôle essentiel. « En France, intellectuels et journalistes de gauche ont réinventé le délit de blasphème : la liberté d’expression est certes officiellement reconnue, mais elle ne donne plus le droit de porter un regard critique sur l’islam, l’islamisme et l’immigration », note Mamou en relatant quelques procès retentissants contre des confrères qui tiennent à leur liberté. Un passage très intéressant concerne les « experts », comme Jacques Attali, François Burgat, Alain Minc, Olivier Roy, Raphaël Liogier et d’autres, qui, tels des oracles, délivrent à la radio, à la télévision et dans certains journaux bien-pensants l’analyse obligatoire destinée à rassurer à bon compte face aux dangers de l’islam. Même la justice est prise dans ce mouvement lorsqu’elle refuse de qualifier des crimes, par exemple pour les actes antijuifs, ou camoufle les véritables motifs des violences islamistes (cf. les « déséquilibrés » qui tuent en invoquant Allah). L’auteur relève aussi avec raison la complicité des groupes industriels dans la propagation de la charia en Occident.
L’Église catholique, avec sa vision « angélique » de l’islam, n’est pas oubliée par Mamou qui lui reproche d’avoir « abdiqué sans combattre » face aux orientations communautaristes de l’Union européenne, exprimées par son refus de reconnaître ses racines chrétiennes. Ce chapitre, seul point faible du livre, est cependant très insuffisant, non seulement parce que, contrairement aux autres, il n’approfondit pas le sujet, mais aussi parce qu’il omet les prises de position fermes de saint Jean-Paul II et comporte quelques injustices, notamment lorsque l’auteur regrette le silence des papes, nommant en particulier François, face aux souffrances infligées par des djihadistes aux chrétiens du Proche-Orient ou d’Afrique noire.
Ce sont donc des perspectives bien sombres qui ressortent de ce bilan et il faut saluer Yves Mamou de nous offrir un travail aussi précis, en souhaitant qu’il suscite un sursaut salutaire de la nation française.

Annie Laurent

(1) Yves Mamou, Le grand abandon. Les élites françaises et l’islamisme, préface de Pierre-André Taguieff, L’Artilleur, 2018, 570 pages, 22 €.

© LA NEF n°309 Décembre 2018