Cinéma Janvier 2019

Forgiven (9 janvier 2019)
En 1994, à la fin de l’Apartheid, Nelson Mandela nomme l’archevêque Desmond Tutu président de la commission Vérité et Réconciliation (les criminels sont amnistiés en échange de leurs aveux). Il se heurte le plus souvent au silence d’anciens tortionnaires. Jusqu’au jour où il est affronté à Piet Blomfeld, un assassin condamné à perpétuité. Aussi intelligent qu’incapable de remords. Ce film dur, moins par la violence des images que par le rappel des actes de barbarie, est adapté d’une pièce de théâtre, L’Archevêque et l’Antéchrist, dont l’auteur, Michael Ashton, a co-écrit le scénario avec le réalisateur Roland Joffé (La déchirure, Mission).
Piet Blomfeld est un personnage composite imaginé par les scénaristes. Ame noire aux crimes inexpiables, il a les traits inattendus d’Éric Bana, acteur au visage lisse, habitué aux rôles de gentils. Il lui faut beaucoup de talent pour être perçu comme monstrueux. Et il en a.
En face de lui est un personnage réel, Desmond Tutu, bien connu avec sa soutane violette. À cause de cette notoriété, son interprète est tenu à une certaine ressemblance d’attitude. C’est ce que réalise Forest Whitaker, acteur prodigieux qui porte le film.
Le cœur du drame est le pardon, issue idéale des auditions de la commission Vérité et Réconciliation. Hors champ, Mandela cite Alexander Pope : « L’erreur est humaine, le pardon est divin. » La fin du film, une audition dramatique, débouche sur le pardon donné par une mère noire à son bourreau. Un pardon surhumain. Surnaturel.

Edmond (9 janvier 2019)
Décembre 1897, Paris. Edmond Rostand n’a rien écrit depuis deux ans et il s’angoisse. En désespoir de cause, il propose au grand Coquelin une pièce nouvelle, une comédie héroïque en vers. Seul hic : il n’en a que le titre : Cyrano de Bergerac.
Edmond est l’adaptation, par son auteur, de la pièce de théâtre éponyme, lauréate de cinq Molière en 2017. Alexis Michalik avait d’abord voulu faire un film mais s’était tourné vers le théâtre faute de réalisateur. Maintenant le réalisateur, c’est lui ! Il a relevé le défi de faire de la vie de Rostand, réelle ou imaginée, la source directe des vers immortels de sa pièce. Tout est alors prétexte à transposition poétique et dramatique, rien n’est incapable de devenir alexandrin, lumineux ou potache.
Le film se passe à Paris mais a été tourné à Prague. Les effets spéciaux ont permis de recréer la Belle Époque où les débuts de l’électricité donnaient à Paris un air de merveilleux. Un air qui vient aussi de l’acteur inconnu Thomas Solivérès, dont l’élégance et la vivacité donnent à Rostand tout le charme et l’optimisme désirables, et ayant la courtoisie de ne pas tirer la couverture à lui.

François Maximin

© LA NEF n°310 Janvier 2019