Cinéma Février 2019

Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu (30 janvier 2019)

A la fin du premier film (Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?), les époux Claude et Marie Verneuil (Christian Clavier et Chantal Lauby), bourgeois cathos très classiques, avaient accepté le mariage de leurs quatre jolies filles avec quatre fiancés d’origine et de religion différentes : un arabe, un juif, un Chinois et un Africain. Au début de ce deuxième film, les gendres veulent tous s’installer, avec femme et enfants, chacun dans son pays d’origine. Les Verneuil, qui ne peuvent désormais plus imaginer de vivre sans eux, font tout leur possible pour les retenir.
Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? a été un énorme succès populaire : onze millions de spectateurs en France et à l’étranger. Une suite était prévisible, encore fallait-il trouver une nouvelle histoire et garder le style d’humour qui avait fait rire des publics très différents.
Dans le premier film le propos était celui de la tolérance : il fallait savoir s’ouvrir à l’autre, non seulement les Français à l’égard des étrangers mais aussi les différentes communautés étrangères entre elles. Dans le nouveau film il s’agit de maintenir dans leur pays d’accueil des étrangers qui pensent ne pas pouvoir y vivre. Les Verneuil, quitte à ruser, vont leur faire voir que la France est un merveilleux pays où l’on peut vivre plus heureux que nulle part ailleurs.
Dommage que les auteurs aient cru devoir payer leur écot au moralement correct en introduisant un mariage lesbien.

Kabullywood (6 février 2019)

Difficile dans l’Afghanistan d’aujourd’hui, qui rime avec rigorisme religieux, taliban et burqua, d’imaginer que dans les années 70, le pays faisait figure de havre de liberté et de vie culturelle active, avec concerts, projections de films (ce qu’on appelait « Kabullywood »)…
Aujourd’hui à Kaboul, quatre étudiants veulent renouer avec ce passé en rénovant le plus grand cinéma d’Afghanistan fermé depuis les années 1990. Ils voient leur travail de restauration comme un acte de résistance aux talibans. Ce travail n’est pas fictif : le tournage du film (réalisé par le Français Louis Meunier) a été l’occasion d’une réelle remise à neuf du cinéma et ce qui était rêve pour ces quatre étudiants à failli devenir réalité. Mais si le film raconte une fiction, des défenseurs de la culture attaqués par les obscurantistes, la réalité a rejoint la fiction : l’équipe du film a été menacée par des hommes en armes, leur maison criblée de balles, ils ont failli mourir dans un incendie et plusieurs ont été blessés dans un attentat !
Après Le sommeil d’or de Davy Chou, racontant l’assassinat du jeune cinéma cambodgien par les Khmers rouges, voici un fil évoquant le massacre des écrans en Afghanistan par les islamistes.

François Maximin

DVD

SACRIFICES OF WAR
Film de Zhang Yimou avec Christian Bale

Saje Distribution, 2018, 2h26, 14,99 €.
Curieusement, ce film de 2011 n’est jamais sorti sur grand écran en France. Anomalie d’autant plus incompréhensible qu’il ne s’agit pas d’une série B, mais d’un grand film, avec une ample mise en scène et œuvre d’un cinéaste reconnu, le chinois Zhang Yimou (Épouses et concubines en 1991), ayant reçu de nombreuses récompenses, avec dans le rôle principal une vedette incontestée d’Hollywood, Christian Bale (et la superbe actrice chinoise Ni Ni).
En pleine bataille de Nankin, en décembre 1937, John Miller, un Américain peu reluisant, doit embaumer le prêtre décédé d’un couvent catholique accueillant de jeunes filles pensionnaires. Il se retrouve coincé dans ce lieu protégé des combats où se réfugie aussi un groupe de prostituées fuyant les viols et massacres sans nom commis par l’armée japonaise. Comment sauver ces jeunes filles et ces femmes des griffes d’un occupant particulièrement cruel ? L’histoire raconte la métamorphose de cet Américain ordinaire qui devient un héros avec, en toile de fond, la cohabitation improbable entre ces orphelines chrétiennes et ces prostituées qui s’avèrent avoir une bien belle âme !
Un film vraiment magnifique et émouvant, remarquablement mis en scène (l’un des plus grands budgets du cinéma chinois), qui relate un épisode central du conflit sino-japonais (les effroyables massacres de Nankin ont été déclarés crimes contre l’humanité), avec une caméra qui parvient à donner une beauté hiératique aux scènes de guerre les plus horribles. À ne pas manquer.

Patrick Kervinec

© LA NEF n°311 Février 2019