Nos dates de bouclage nous avaient empêchés de consacrer un reportage aux JMJ au Panama, du 22 au 27 janvier. Retour sur cet événement avec le témoignage de Mgr Marc Aillet, l’un des treize évêques français qui y étaient.
Les JMJ de Panama sont les quatrièmes auxquelles j’ai participé depuis que je suis évêque, après Madrid avec Benoît XVI, Rio et Cracovie avec François. Si la formule inspirée à saint Jean-Paul II fait toujours recette et si le format s’est peu à peu stabilisé, il va sans dire que ces journées se suivent et ne se ressemblent pas. Cela est dû sans doute aux générations de jeunes qui changent rapidement, mais aussi aux charismes respectifs des papes qui les convient à ces grands rassemblements festifs auxquels saint Jean-Paul II avait fixé comme principal objectif la rencontre avec le Christ et l’expérience de l’Église universelle.
La date choisie par le pape François, en janvier, pour cette 34ème Journée mondiale de la Jeunesse, n’était certes pas faite pour mobiliser la jeunesse européenne, à l’exception des jeunes professionnels : la délégation française, avec près de 1500 jeunes, était la seconde délégation du vieux continent, après la Pologne avec 3800 pèlerins. J’emmenais, quant à moi, une vingtaine de jeunes du diocèse de Bayonne auxquels se rattachèrent les JMJistes à la voile que je parrainais.
Des jeunes matures
J’ai été frappé par la maturité de ces jeunes, palpable en particulier lors des catéchèses qui précèdent toujours les journées avec le pape : on pouvait percevoir leur soif d’enseignement, de témoignage et de prière, mais aussi leur désir de rencontrer un prêtre pour se confesser ou échanger sur leur vie.
Je note que cette génération, qui n’a pas de comptes à régler avec l’Institution, attend quelque chose de l’Église : un discours vrai, une formation à l’intériorité, un accompagnement pour ses choix de vie. De plus, ces jeunes manifestent spontanément leur amour de l’Église, en particulier à travers l’accueil qu’ils réservent au pape, et cela quel qu’il soit. Je me souviens que c’est à Madrid, pour Benoît XVI, qu’est né ce slogan, répété désormais à l’envi : « Esta es la juventud del Papa – Voici la jeunesse du Pape ». En ce sens, j’ai été très ému lorsque le pape François a commencé son discours d’accueil en disant : « Je me souviens qu’à Cracovie certains m’avaient demandé si j’irais à Panama et je leur avais répondu : “je ne sais pas, mais Pierre ira sûrement”. Aujourd’hui, je suis heureux de vous dire : Pierre est avec vous pour célébrer et renouveler la foi et l’espérance. » Jean-Paul II soulevait l’enthousiasme des jeunes en les engageant à une foi décomplexée ; Benoît XVI les touchait par la profondeur de son discours qui les entraînait sur un chemin d’intériorité ; François les remue par sa force d’interpellation qui les exhorte, avec des interrogations ciblées et des formules existentielles, à engager leur vie au service du Christ, de l’Église et des hommes, « hoy – aujourd’hui ». Mais c’est toujours le Successeur de Pierre.
La vitalité de l’Église sud-américaine
J’ai été marqué par la vitalité de cette Église d’Amérique centrale qui, avec moins de moyens qu’à Madrid ou à Cracovie où l’on rivalisait de prouesses techniques et artistiques, a su conduire des milliers de jeunes du monde entier au cœur de la foi, tout en les rejoignant dans l’actualité de leur vie. En ce sens, le Chemin de Croix fut exemplaire : chaque station évoquait l’actualité douloureuse de ces pays d’Amérique du Sud, en la reliant au Crucifié et en la confiant à la Vierge Marie, invoquée sous le vocable propre à chaque pays.
En outre, il me semble que la Veillée de prière du samedi soir fut particulièrement réussie. Après une chorégraphie sobre et belle évoquant le mystère de l’arbre de vie, s’ensuivirent trois témoignages percutants dont celui, bouleversant, d’une famille ayant accueilli un enfant trisomique, puis le discours du pape centré sur le « Oui » de Marie et une longue veillée d’adoration. Silences d’une poignante intensité, chants et méditations alternaient tout au long de l’adoration du Saint-Sacrement. Après la bénédiction eucharistique, le pape s’est dirigé vers la statue de ND de Fatima, amenée spécialement du Portugal pour la circonstance, et est demeuré en dialogue silencieux avec elle, entraînant toute l’assistance dans le silence, pendant cinq bonnes minutes. À voir le pape longuement en prière, d’abord devant Jésus-Hostie, puis devant la Vierge Marie, j’ai pensé spontanément aux trois blancheurs du songe de Don Bosco : quand Jésus, présent dans l’Eucharistie, la Vierge Immaculée et le Successeur de Pierre sont réunis, l’Église, même ballottée par la tempête, est en sécurité !
Mgr Marc Aillet
Évêque de Bayonne, Lescar et Oloron
© LA NEF n°312 Mars 2019