Cinéma Juillet 2019

So long my son (3 juillet 2049)
Au début des années 1980, en Chine, Yaojun et sa femme Liyun forment un couple heureux, alors que le régime vient d’instaurer la politique de l’enfant unique. La mort accidentelle de leur garçon va bouleverser leur vie. Pendant 40 ans, alors qu’ils tentent de se reconstruire, leur destin va s’entrelacer avec celui de la Chine.
Ce film marque une date dans l’histoire du cinéma chinois et une date dans l’histoire de la Chine tout court. Pour la première fois, un artiste chinois, un cinéaste, s’adresse à ses compatriotes pour leur parler de l’un des sujets qui les a le plus opprimés pendant quarante ans, l’interdiction d’avoir un deuxième enfant. L’abandon de cette politique et des moyens rigoureux de la faire observer auraient pu libérer la parole dans la population chinoise, mais le réalisateur Wang Xiaoshuai constate avec dépit que cette libération n’a pas eu lieu et que la société doit encore faire le bilan de ces décennies d’interdiction totalitaire. Ce bilan qui reste à faire, le film, lui, en dessine les contours dans sa trame subtile qui tisse un drame familial et social avec une maîtrise et une finesse remarquables. Si les ellipses et les flash-back ne permettent pas toujours de comprendre immédiatement les scènes, tout s’éclaire ensuite grâce à un découpage rigoureux, qui multiple l’émotion. Celle-ci est amenée par deux acteurs frémissants Wang Jingchun et Yong Mei, tous deux récompensés au Festival de Berlin.

Nevada (19 juin 2019)
Incarcéré dans une prison du Nevada, Roman n’a plus de contact avec l’extérieur ni avec sa fille. Pour le sortir de son mutisme et de sa violence, on lui propose de suivre un programme de réhabilitation par le dressage des mustangs. Le film de dressage de chevaux est devenu un genre à part entière. Laure de Clermont-Tonnerre, actrice devenue réalisatrice, couple un film de ce genre avec un film de prison ­ – autre genre – pour un résultat d’un souffle saisissant. Le ton épique est donné d’emblée, avec une scène de capture de mustangs, prise d’hélicoptère et de 4×4. Après cette ouverture grisante, le vrai sujet du film est la réhabilitation, pas à pas, d’un prisonnier enfermé dans sa rage, grâce au dressage d’un cheval sauvage qui a autant de colère rentrée que lui. Le programme est conduit par un vieux dresseur malcommode (Bruce Dern). Les figurants sont d’anciens détenus, ils n’ont pas de mal à « faire vrai ». Comme dans tous ses films, Matthias Schoenaerts, acteur charismatique, captive les regards. Il incarne en vérité un prisonnier solitaire, magnifique de puissance contenue. Au contact de sa fille qu’il a délaissée, mais qui vient le visiter, il fait paraître d’imprévisibles finesses d’émotion et de sentiment. Séduit par ce film franco-américain, Robert Redford s’en est fait le producteur exécutif.

François Maximin

DVD à signaler

POPIELUSZKO
FILM DE RAFAL WIECZYNSKI

Saje Distribution, 2019, 126 mn, 19,99 €
Ce film polonais est centré sur les quatre dernières années de la vie du Père Jerzy Popieluszko, lâchement assassiné par la police politique communiste le 19 octobre 1984. Aumônier de Solidarnosc à Varsovie, le jeune prêtre, très engagé dans la défense des ouvriers grévistes, devient vite une figure marquante de l’opposition au régime. Apôtre de la non-violence, il défend inlassablement la dignité de la personne et la liberté, devenant un danger pour le pouvoir qui, après l’avoir intimider en vain, finit par l’éliminer.
Ce film historique, qui intègre des images d’archives émouvantes (notamment de Jean-Paul II en Pologne), est fort instructif et d’un bel esprit, on peut juste regretter une mise en scène manquant de clarté pour qui ne connaît pas cette histoire touchante et dramatique.

Patrick Kervinec

© LA NEF n°316 Juillet-Août 2019