L’abbé Jean-Marc Bot, prêtre du diocèse de Versailles, est l’auteur d’une douzaine d’ouvrages. Il nous parle de son dernier livre.
La Nef – Le baptême ne suffit pas pour être chrétien et votre ambition est d’aider à « prendre conscience des conditions requises pour assumer la cohérence chrétienne » : avant d’évoquer ces « conditions », pouvez-vous nous expliquer ce qu’est la « cohérence chrétienne » ?
Abbé Jean-Marc Bot – Mon livre se propose d’aider à vivre le mieux possible ce que j’appelle « la cohérence chrétienne ». De quoi s’agit-il au juste ? On pourrait dire, en bref, que les vrais disciples du Christ sont les saints. Un idéal de perfection morale et spirituelle trace l’horizon de toute existence chrétienne authentique. Pourtant la traduction psychologique de cet idéal peut se dégrader en une mentalité perfectionniste. On rêve d’exploits héroïques, à la manière de saint Ignace au début de sa conversion, ou de sainte Thérèse de Lisieux avant son entrée au Carmel. Ce modèle naïf peut être dépassé par l’accès au réalisme de la maturité ou se figer dans la posture hypocrite et moralisante du puritanisme. C’est pourquoi la cohérence des disciples du Christ doit commencer par une juste appréciation des contradictions qui nous habitent et de la manière de les traiter en souplesse, avec l’aide de Dieu.
Venons-en maintenant aux « conditions » : pouvez-vous les présenter succinctement ?
Les conditions requises pour atteindre cet objectif construisent la spiritualité des disciples du Christ. La première est la rencontre personnelle avec le Ressuscité. Il s’agit d’une expérience spirituelle dont nous avons des récits par d’innombrables témoins. Faute de cette expérience le langage idéaliste de la foi chrétienne est vidé de son contenu. À partir de cette conversion initiale, une progression se poursuit dans trois directions : une vie de prière profonde, liturgique et personnelle ; une vie fraternelle dans un réseau de relations ouvertes ; un témoignage audacieux alimenté par une formation de base au contenu de la foi. Les repères proprement catholiques, comme la papauté, le culte marial et l’adoration du Saint Sacrement, doivent éviter de se durcir en excès identitaires. Enfin le bon rapport entre foi et raison nous rend capables de mettre en œuvre la pensée sociale chrétienne au niveau des valeurs les plus universelles.
Vous recommandez particulièrement les parcours Alpha dans votre livre : en quoi consistent-ils et en quoi sont-ils plus « efficaces » que d’autres moyens d’évangélisation ?
En ce qui concerne la mission chrétienne, mon livre insiste sur la pertinence des parcours Alpha. Loin de moi l’idée d’en faire un modèle exclusif. Je suis convaincu que les voies de l’évangélisation sont diversifiées selon une multitude de charismes aussi valables les uns que les autres. Si j’insiste sur ces parcours c’est qu’ils constituent un réseau mondial, interconfessionnel, mobilisant les communautés chrétiennes en tant que telles. Selon mon expérience ils ont l’avantage de décloisonner ce que nous avons trop l’habitude de proposer en ordre dispersé et que l’on nomme, dans certains milieux, « les cinq essentiels » : la prière, la convivialité, le service, la formation et le témoignage. Au lieu de relever de spécialités assumées dans des contextes différents, ces dimensions se combinent ici en un cocktail savoureux qui ressemble à ce que vivaient les premières communautés chrétiennes.
Beaucoup de chrétiens semblent ne plus croire au diable ni aux fins dernières : comment l’expliquez-vous et que suggérez-vous en la matière ?
L’un des obstacles les plus graves au développement d’une vraie cohérence chrétienne est celui de la déviation doctrinale. Trop d’intellectuels, théologiens, exégètes, moralistes, s’écartent de la Bible, de la Tradition et du Magistère de l’Église sur des thèmes fondamentaux. Je l’explique par le désir de rendre crédible le contenu de la foi face à la modernité. Par exemple, dans le petit livre d’un théologien reconnu, sur les fins dernières, je relève cette expression étrange : « L’homme adulte de la société avancée ne croit plus à des histoires de croque-mitaine. » Cela pour écarter ce qu’il appelle « la pastorale de la peur ». Résultat : l’enfer, les démons, le purgatoire, le ciel lui-même, finissent par se diluer dans un flou tellement insaisissable que l’attention se détourne de préférence vers les réalités d’ici-bas. Les abstractions remplacent les représentations imagées propres au langage de la Révélation et des saints.
Dans un monde de plus en plus déchristianisé, quelles sont aujourd’hui les priorités pour les chrétiens ?
En tenant compte de ce que je viens de dire, avec les cinq essentiels, je mettrais en priorité, pour les chrétiens affrontés à un monde déchristianisé, les écoles d’oraison, inspirées par les spiritualités carmélitaine et ignatienne. À une époque où la méditation est à la mode, pour le développement personnel hors spiritualité, il me semble urgent que les disciples du Christ ne se contentent pas d’une vie de prière minimum et superficielle. Je crois également que le Catéchisme de l’Église catholique est un outil précieux pour des séances de formation qui évitent de se laisser piéger par de soi-disant maîtres à penser ; ainsi que le Compendium de la doctrine sociale de l’Église et tous les produits dérivés qui permettent de le monnayer de manière pédagogique.
Propos recueillis par Christophe Geffroy
Jean-Marc Bot, Ils reconnaîtront en vous mes disciples. Ce qui fait que nous sommes catholiques, Artège, 2019, 240 pages, 15,90 €.
© LA NEF n°316 Juillet-Août 2019