L’assistance indéfectible du Christ et de l’Esprit Saint au Pontife romain (1)

Après une brève introduction, nous restituons ici l’enseignement de Jean-Paul II à partir du texte italien

Jean-Paul II a donné de juin 1991 à août 1995 une ample catéchèse sur l’Eglise. Cette catéchèse du 24 mars 1993 conclut le cycle consacré au Ministère des évêques, et en particulier au Ministère de Pierre.

Dans le contexte actuel de désarroi et de controverses autour du magistère pétrinien exercé par le pape François, il apparaît opportun de commencer par cette catéchèse, avant de remonter aux précédentes.

Le titre en donne la substantielle vérité de Foi : « Le Christ et le Saint-Esprit assistent indéfectiblement le Pontife romain ».

Une formulation plus précise est proposée au n.4 : « Le charisme de l’assistance du Saint-Esprit, accordé à Pierre et à ses successeurs afin qu’ils ne se trompent pas en matière de foi et de morale, mais qu’ils éclairent le peuple chrétien, ne se limite pas à des cas exceptionnels, au seul magistère extraordinaire ou infaillible, mais englobe à des degrés divers tout l’exercice du Magistère. »

Là où Jean-Paul II insiste sur l’assistance du Saint-Esprit au Pontife romain enseignant, exerçant son Magistère de Vicaire de Pierre, Pie XII partait dans Humani generis, de la réalisation singulière et réelle en Pierre et ses Successeurs de la Parole du Christ à Ses Apôtres : « Qui vous écoute M’écoute. »

« L’on ne doit pas penser que ce qui est proposé dans les lettres Encycliques n’exige pas de soi l’assentiment, sous le prétexte que les Papes n’y exerceraient pas le pouvoir suprême de leur magistère. C’est bien, en effet, du magistère ordinaire que relève cet enseignement et pour ce magistère vaut aussi la parole : « Qui vous écoute, m’écoute… », et le plus souvent ce qui est proposé et imposé dans les Encycliques appartient depuis longtemps d’ailleurs à la doctrine catholique. Que si dans leurs Actes [enseignements signés des papes pour l’Eglise], les Souverains Pontifes portent à dessein un jugement sur une question jusqu’alors disputée, il apparaît donc à tous que, conformément à l’esprit et à la volonté de ces mêmes Pontifes, cette question ne peut plus être tenue pour une question libre entre théologiens. »

Cette doctrine se retrouve en fait dans les enseignements de la totalité des papes de Pie IX à François. Nous ne multiplierons pas ici les exemples, nous contentant d’en restituer avec la plus grande fidélité la ligne et la logique.

Le Saint-Esprit assiste l’intégralité des Actes du Magistère pétrinien.

Le Christ fait toujours entendre Sa Voix par le Magistère pétrinien.

Le Magistère pétrinien est donc toujours vrai. Il est toujours vrai sur la Foi et la morale.

Le pape confesse et transmet donc toujours l’intégralité de la Foi et de la morale chrétiennes.

L’Eglise, fondée sur Pierre, reçoit, confesse, et proclame donc toujours l’intégralité de la Foi et de la morale chrétiennes.

C’est pourquoi les Portes de l’Enfer ne peuvent prévaloir contre l’Eglise que le Christ a fondée sur Pierre.

Cependant, tout discours est toujours limité (y compris, enseigne Pie XII, les formules dogmatiques, toujours perfectibles). La Voix du Christ, que le Magistère pétrinien fait toujours entendre, est donc à recevoir le cœur et l’esprit ouverts aussi bien à la réalité exprimée dans tel document pontifical qu’à la totalité du discours professé par l’Eglise – et en particulier les papes – depuis les origines. Avec un cœur docile, ouvert, bienveillant, qui se laisse enseigner et conduire sans rien rejeter, qui accepte éventuellement de ne pas tout comprendre, qui accepte de se laisser dilater vers plus, d’être éclairé et conduit par le Vicaire du Christ, Vicaire de Pierre, Voix du Christ, Voix de Pierre, vers la Totalité ineffable du Mystère divin.

L’assistance indéfectible du Christ et de l’Esprit Saint au Pontife romain

Bertrand Kammerer

Laïc de Saint Dominique, doctorant en théologie (Université de Lorraine)

Catéchèse de Jean-Paul II sur l’Église

Audience générale du 24 mars 1993

1. L’infaillibilité du Pontife romain est un thème de notable relief pour la vie de l’Église. C’est pourquoi semble opportune quelque réflexion ultérieure sur les textes conciliaires, pour mieux préciser le sens et l’extension d’une telle prérogative.

Avant tout, les Conciles assurent que l’infaillibilité attribuée au Pontife romain est personnelle, dans ce sens qu’elle dérive à lui avec la Succession personnelle à Pierre dans l’Église romaine. En d’autres mots, ceci signifie que le Pontife romain n’est pas le simple porteur d’une infaillibilité qui appartiendrait en réalité au Siège romain.

Le pape exerce le Magistère et, en général, le ministère pastoral, comme vicarius Petri, vicaire de Pierre : il [en] est venu souvent [à être] appelé ainsi [durant] le premier millénaire chrétien. En lui, il est [que] nous avons quasi une personnification de la mission et de l’autorité de Pierre, portée [gestite] au nom de celui à qui Jésus Lui-même les a conférés.

Et toutefois, il est clair que l’infaillibilité n’est pas donnée au Pontife Romain comme à [une] personne privée, mais en tant qu’il remplit l’office de Pasteur et de Maître de tous les chrétiens. Lui, en outre, ne l’exerce pas comme ayant l’autorité en lui-même et de lui-même, mais « par la suprême autorité apostolique » et « par l’assistance divine à lui promise dans le Bienheureux Pierre ». Lui, enfin, ne la possède pas comme s’il pouvait en disposer ou compter [sur] elle en toute circonstance, mais seulement « quand il parle de la cathèdre », et seulement dans un champ doctrinal limité aux vérités de Foi et de morale et à celles qui leur sont étroitement connexes.

2. Selon les textes conciliaires, le Magistère infaillible vient [à être] exercé dans la « doctrine concernant la Foi et les coutumes ». Ceci a trait au champ des vérités explicitement ou implicitement révélées, qui requièrent une adhésion de Foi, et dont l’Église garde le Dépôt, confié par le Christ et transmis par les Apôtres : elle ne le garderait pas convenablement si elle n’en protégeait [tutelasse] pas la pureté et l’intégrité. Ceci a trait aux vérités regardant Dieu en Lui-même et dans Son Œuvre créatrice et rédemptrice ; l’homme et le monde dans leur condition créaturale et dans leur destin selon le Dessein providentiel ; la Vie éternelle et la vie terrestre elle-même dans leurs exigences fondamentales dans l’ordre à la Vérité et au Bien. Ceci a donc trait aussi à des « vérités pour la vie » et à leur application au comportement humain.

Le divin Maître, dans le mandat de l’Évangélisation, a ordonné aux Apôtres : « Allez et rendez Maîtres [ammaestrate : enseigner, rendre expert, faire des maîtres] toutes les nations… en leur enseignant d’observer tout ce que Je vous ai commandé » (Mt 28, 20). Rentrent dans l’aire des vérités que le Magistère peut proposer sous un mode définitif les principes de la raison qui, même s’ils ne sont pas contenus dans les vérités de la Foi, leur sont intimement connexes. Dans sa réalité effective d’hier et d’aujourd’hui, c’est le Magistère de l’Église, et spécialement du Pontife romain, qui sauve ces principes et les rachète continuellement des obnubilations et des distorsions qu’ils subissent sous la pression d’intérêts et de vices consolidés en modèles et courants culturels.

En ce sens, le Concile Vatican I déclara que l’objet du Magistère infaillible est « la doctrine regardant la Foi et les coutumes à retenir par toute l’Église » (DS 3074). Et dans la nouvelle formule de la profession de Foi, récemment approuvée (AAS 81 [1989] 105, 1169), est faite une distinction entre les Vérités divinement révélées, auxquelles est due une adhésion de Foi, et les vérités proposées sous un mode définitif mais non comme divinement révélées, lesquelles pour cela requièrent un assentiment définitif, qui pourtant n’est pas un assentiment de Foi.

3. Des textes conciliaires se relèvent aussi les conditions de l’exercice du Magistère infaillible de la part du Pontife romain.

Celles-ci peuvent être ainsi synthétisées : le pape doit agir comme « pasteur et docteur de tous les chrétiens », se prononçant sur des vérités concernant « la Foi et les coutumes », avec des termes qui manifestent clairement son intention de définir une certaine vérité et de requérir l’assentiment définitif à celle-ci de tous les chrétiens.

Cela est advenu, par exemple, dans la définition de l’Immaculée Conception de Marie, au sujet de laquelle Pie IX a affirmé : « C’est une doctrine révélée par Dieu et qui doit être, pour cette raison, fermement et constamment crue de tous les fidèles » (DS 2803) ; ou aussi dans la définition de l’Assomption de la Très Sainte Marie, quand Pie XII a dit : « Avec l’autorité de notre Seigneur Jésus, Christ, des Bienheureux Apôtres Pierre et Paul, et avec notre autorité, nous déclarons et définissons comme dogme divinement révélé… etc. » (DS 3903).

À ces conditions, il se peut parler de Magistère papal extraordinaire, dont les définitions sont irréformables « de par soi, et non de par le consentement de l’Église » (ex sese, non autem ex consensu Ecclesiae).

Cela signifie que ces définitions, pour être valides, n’ont pas besoin du consentement des Évêques : ni d’un consentement antécédent, ni d’un consentement conséquent, [car] « ayant été prononcées avec l’assistance du Saint-Esprit, à lui promise (au Pontife romain) dans la personne du Bienheureux Pierre, par quoi elles n’ont besoin d’aucune approbation d’autres, ni n’admettent appel aucun à autre jugement » (Lumen Gentium 25).

4. Les Souverains Pontifes peuvent exercer cette forme de Magistère. Et cela est de fait advenu. Moults papes, cependant, ne l’ont pas exercée. Mais il convient d’observer que, dans les textes conciliaires que nous sommes [en train] d’illustrer, vient [à être] distingué le Magistère « ordinaire » de celui « extraordinaire », soulignant l’importance du premier, qui est de caractère permanent et continuatif, tandis que celui qui s’exprime dans des définitions se peut dire exceptionnel.

À côté de cette infaillibilité des définitions ex cathedra, existe le charisme de l’assistance de l’Esprit Saint, concédé à Pierre et à ses Successeurs pour qu’ils n’errent pas en matière de Foi et de morale, mais donnent au contraire une bonne illumination au Peuple chrétien. Ce charisme n’est pas limité aux cas exceptionnels, mais embrasse dans une mesure variée tout l’exercice du Magistère.

5. Des textes conciliaires se relève aussi combien est grave la responsabilité du Pontife romain dans l’exercice de son Magistère, de celui [qui est] extraordinaire comme de celui [qui est] ordinaire. C’est pourquoi lui ressent le besoin, il se peut même dire le devoir, d’explorer le « sensus Ecclesiae » avant de définir une vérité de Foi, sachant bien que sa définition « expose ou défend la Doctrine de la Foi catholique » (Lumen Gentium 25).

Ceci est advenu avant les définitions de l’Immaculée Conception et de l’Assomption de Marie, avec une ample et précise consultation de toute l’Église. Dans la bulle Munificentissimus sur l’Assomption (1950), Pie XII, entre les arguments en faveur de la définition, porte celui de la Foi de la communauté chrétienne : « Le consentement universel du Magistère ordinaire de l’Église fournit un argument certain et solide pour prouver que l’Assomption corporelle de la Bienheureuse Vierge Marie au ciel (…) est une vérité révélée par Dieu » (AAS 42 (1950) 757).

Du reste, le Concile Vatican II, parlant de la vérité à enseigner, rappelle : « Pour qu’il soit enquêté comme il se doit, et énoncé [sous un] mode adapté, le Pontife romain et les Évêques, de par leur office et selon l’importance de la chose, [se] prêtent à une œuvre vigilante en usant des moyens opportuns » (Lumen Gentium 25). C’est une indication de sagesse, qui trouve rencontre dans l’expérience des procédures suivies par les papes et les Offices du Saint-Siège à leur service, pour accomplir [espletare] les tâches de Magistère et de gouvernement des Successeurs de Pierre.

6. Nous conclurons avec l’observation que l’exercice du Magistère concrétise et manifeste la contribution du Pontife romain au développement de la Doctrine de l’Église. Le pape – qui joue [svolgere : dérouler, développer, jouer] non seulement un rôle comme Chef [capo : tête, chef] du Collège des Évêques dans les définitions de Foi et de morale sur lesquelles ils se prononcent, ou comme notaire de leur pensée, mais aussi [joue] un rôle plus personnel soit dans son Magistère ordinaire soit dans les Définitions – parachève [adempiere] sa tâche en s’appliquant personnellement et en stimulant l’étude des pasteurs, théologiens, sages [peritus] de doctrine dans [ses] champs variés, les experts de la cure pastorale, de spiritualité, de vie sociale, etc.

 [Sous] ce mode, il provoque ainsi un enrichissement culturel et moral à tous les niveaux de l’Église. Aussi dans cette organisation du travail de consultation, d’étude, il apparaît comme le Successeur de la « Pierre » sur qui le Christ a édifié Son Église.


Après la catéchèse, le pape s’est adressé aux pèlerins, notamment à ceux de langue française :

Chers Frères et Sœurs,

J’adresse un salut cordial à toutes les personnes de langue française présentes à cette audience.

En particulier, j’accueille avec joie les membres du “centre Madeleine Daniélou” qui sont venus à Rome en voyage spirituel et culturel. Chers jeunes, je vous encourage à bien accueillir la Parole de Dieu, comme l’a fait la Vierge Marie, à l’Annonciation, en ouvrant tout son cœur au message de l’Ange. Et vous aussi, annoncez l’Évangile en menant une vie chrétienne authentique.

À tous, jeunes et adultes, je donne de grand cœur ma Bénédiction Apostolique.

© LA NEF le 4 juillet 2019, exclusivité internet

© Texte : Librairie éditrice vaticane
© Traduction : Bertrand Kammerer, laïc de Saint Dominique