Cinéma Octobre 2019

Atlantique (2 octobre 2019)

À Dakar, les ouvriers d’un chantier, sans salaire depuis quatre mois, décident de quitter le pays par la mer, pour gagner l’Europe. Parmi eux, Souleiman, laisse derrière lui celle qu’il aime, Ada, promise par ses parents à un autre homme.
Ce film d’une jeune réalisatrice franco-sénégalaise, Mati Diop, a reçu le grand prix au festival de Cannes, la plus haute récompense après la palme d’Or. Les jurés n’ont pas voulu s’arrêter aux quelques petits défauts, de rythme notamment, mais ont salué le traitement original de son sujet, le drame des émigrants africains, vu, d’une part, sous l’angle des femmes restées au pays et, d’autre part, sous celui des fantômes. Après le départ de Souleiman et de ses compagnons, il n’y a plus à l’écran que les femmes ou amies des navigateurs, spécialement la jolie Ada qui n’accepte qu’à regret d’épouser le fruste Omar choisi par ses parents. Mais un incendie se déclare dans la maison de la noce, brûlant la couche nuptiale. Et voilà que les filles ont des fièvres inexplicables. Ce sont leurs hommes, péris en mer, qui viennent les rejoindre dans leurs spectres de fantômes. Mais ce sont bien les femmes qui viennent réclamer justice pour leurs hommes sans salaire. Telle est la richesse de ce film, qui, autour d’une tragédie d’émigrants, parle éloquemment de la résistance féminine face au mariage forcé et à l’injustice sociale. Un beau film appelle une belle musique, celle-ci est aussi sensible qu’efficace.

Fahim (16 octobre 2019)

Forcés de fuir leur Bangladesh natal, le jeune Fahim et son père quittent la famille pour Paris. À l’arrivée, la demande de l’asile politique est un parcours du combattant. Fahim, qui est très doué pour les échecs, rencontre Sylvain, un grand entraîneur d’échecs. Il comprend que pour éviter l’expulsion, sa meilleure chance est de devenir champion de France.
C’est à nouveau une histoire d’immigrés mais cette fois du côté du pays d’accueil, la France. On pourrait croire dans la première partie du film qu’il s’agit d’un conte, une de ces histoires de pauvre enfant tournant merveilleusement au bonheur comme L’Odyssée de Pi. On le croirait d’autant plus que le réalisateur, Pierre-François Martin-Laval, apparaît plus comme un fantaisiste que comme un dramaturge. Pourtant il s’appuie ici sur une histoire réelle, un garçon bengalais et son père qui ont vécu trois ans à la rue et qui n’ont dû qu’au don exceptionnel de Fahim pour les échecs de n’être pas expulsés de France. Le film évite le misérabilisme et les scènes sont le plus souvent gaies, notamment les tournois d’échecs. Avec Isabelle Nanty et surtout Gérard Depardieu, la tristesse a peu de chance de s’imposer. On est frappé aussi de la conjuration de tous les agents de l’État ou du monde associatif pour faciliter les choses au couple père et enfant. N’empêche que pour qui penserait que tout est offert aux immigrés, le film rétablit la vérité, en suivant fidèlement l’histoire de Fahim.

François Maximin

© LA NEF n°318 Octobre 2019