Dans un contexte actuel particulier de peur provoqué par le coronavirus et celui, plus général, de raréfaction des prêtres en France, la communion spirituelle est un moyen très efficace de sanctification trop méconnu des fidèles et que tant de grands saints ont pourtant vivement recommandé.
De nos jours, nombreuses sont les personnes baptisées qui voudraient communier sacramentellement tous les dimanches, et même chaque jour, mais qui, de facto, ne peuvent pas recevoir le Corps du Seigneur en nourriture spirituelle parce qu’elles en sont matériellement empêchées : comme, par exemple, un soldat parti en « opex » dans une région du monde dépourvue d’aumônier militaire, une mère de famille retenue à la maison par les soins de son nourrisson, un père de famille ou une étudiante qui ne peuvent participer à la messe en semaine compte tenu de leur devoir d’état… Ces personnes sont-elles condamnées à être privées de la grâce de l’eucharistie ? La réponse est « non ». Elles peuvent faire une « communion spirituelle », c’est-à-dire une communion non sacramentelle, une « communion de désir ». Dans son Introduction à la vie dévote, saint François de Sales invite Philothée, fidèle laïque qui vit dans le monde, à recourir à cette pratique : « quand vous ne pourrez pas avoir ce bien de communier réellement à la sainte messe, communiez au moins de cœur et d’esprit, vous unissant par un ardent désir à cette chair vivifiante du Sauveur » (1). Ainsi, faire une communion spirituelle consiste à faire un acte de foi et de désir de la communion eucharistique en demandant à Dieu de verser en nous les grâces que nous aurions aimé recevoir en communiant sacramentellement mais que nous ne pouvons pas recevoir hic et nunc. Cette communion non sacramentelle porte les fruits du sacrement car si le Seigneur a lié sa grâce aux sacrements, le Seigneur n’est pas lié par ses sacrements : Il peut et, de facto, Il donne sa grâce aussi en dehors de la réception des sacrements (2). Cette forme de communion suppose la foi et la charité, donc l’état de grâce (3).
Une pratique aussi recommandée aux religieux et religieuses
Sainte Thérèse d’Avila incitait ses filles du Carmel à cet exercice de piété puisqu’à son époque (comme, plus tard, à celle de sainte Thérèse de Lisieux) les religieuses ne pouvaient pas communier tous les jours, même si elles participaient à la messe quotidiennement. Il leur fallait en effet une autorisation explicite de leur confesseur pour s’approcher de la sainte table. « Lorsque vous ne recevez pas la communion à la Messe que vous entendez, écrit la réformatrice du Carmel, communiez spirituellement, c’est là une méthode très avantageuse […] vous imprimerez ainsi en vous un amour profond pour notre Seigneur » (4). Dans la même ligne, le saint Curé d’Ars donnait cette belle comparaison à ses paroissiens : « la communion spirituelle fait à l’âme comme un coup de soufflet au feu qui commence à s’éteindre, mais où il y a encore beaucoup de braise : on souffle et le brasier se rallume » (5).
Une pratique sacerdotale quotidienne
De plus, notons que saint Josemaria Escriva faisait au moins une communion spirituelle chaque jour, même s’il avait déjà communié sacramentellement en célébrant la Messe. Il disait cette formule qu’il avait apprise au catéchisme lorsqu’il était enfant : « Je voudrais, Seigneur, te recevoir avec la pureté, l’humilité et la dévotion avec lesquelles ta très Sainte Mère te reçut, avec l’esprit et la ferveur des saints. » Saint Padre Pio faisait de même en utilisant cette prière qu’il récitait quotidiennement devant le tabernacle de l’église Sainte-Marie des Grâces de San Giovanni Rotondo : « Mon Jésus, je crois que vous êtes ici présent dans le Saint Sacrement. Je vous aime par-dessus toutes choses et je désire ardemment vous recevoir. Mais puisque, en ce moment, je ne peux le faire sacramentellement, venez au moins spirituellement dans mon cœur. Comme si vous y étiez déjà présent, je vous adore et je m’unis entièrement à vous ; ne permettez pas que je me sépare jamais de vous. Jésus, mon bien, mon doux amour, enflammez mon cœur d’amour, afin qu’il brûle toujours d’amour pour vous. Chérubins, Séraphins qui adorez Jésus au Saint-Sacrement, nuit et jour, priez pour nous et donnez-nous la sainte bénédiction de Jésus et de Marie. Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen. » La communion spirituelle peut donc s’ajouter à la communion sacramentelle quotidienne et pas seulement se substituer à elle.
Un moyen trop méconnu à redécouvrir
Au XVIIIe siècle, saint Léonard de Port-Maurice, prêtre capucin, disait : « O salutaire communion spirituelle ! Trésor caché et connu de bien peu de chrétiens […] Autant vous êtes précieuse, autant vous êtes peu connue, et surtout peu pratiquée des chrétiens de nos jours ! » Que dirait-il s’il venait interroger les fidèles d’aujourd’hui en France ? Il est donc urgent de faire connaître et de conseiller la « communion spirituelle » aux fidèles baptisés qui ne peuvent se rendre à la messe tous les jours car ils y puiseront les grâces dont ils ont besoin pour parvenir à une grande sainteté.
Abbé Laurent Spriet
(1) Cf. 2ème partie, chap 21 « Comme il faut communier ». Saint Thomas d’Aquin, IIIa q. 80 a. 1 et 2 ; Concile de Trente, session 13 c 8 ; saint Jean-Paul II, Ecclesia de Eucharistia vivit, n. 34 ; Benoît XVI, Sacramentum caritatis, n. 55 ; François le 21 mars 2018.
(2) Cf. CEC 1257.
(3) Cf. Mediator Dei de Pie XII, 20 novembre 1947.
(4) Chemin de la perfection, chap. 35, 1.
(5) Sermons.
© LA NEF n°319 Novembre 2019, mis en ligne le 9 mars 2020