L'Ascension par Giotto © Wikipedia

Petite méditation sur l’Ascension

En cette fête, si chargée de joie et d’une nouvelle présence du Christ, je désirais vous rejoindre, non seulement par la prière – elle est quotidienne ! – mais par ces quelques lignes.

Saint Augustin, en méditant ce mystère, nous porte en effet à la joie et à l’espérance. Le Christ était mort, explique-t-il, dans cette chair qui doit mourir en nous, et ressuscité dans cette même chair selon laquelle nous pourrons ressusciter. Son exemple nous apprend donc à ne pas craindre, mais à espérer. « Tu redoutais la mort, et le voilà qui meurt ; tu désespérais de ressusciter, le voilà qui ressuscite. Mais, diras-tu, le Christ est ressuscité ; et moi, ressusciterai-je ? Il est ressuscité dans cette chair qu’il a prise de toi et pour toi. C’est donc ta nature qui t’a précédé en lui : c’est ce qu’il tenait de toi qui est monté au ciel avant toi ; tu y es donc monté aussi toi-même. Le Christ y est monté le premier, et nous en lui : parce que sa chair était de nature humaine. Donc, à sa résurrection nous avons été retirés des entrailles de la terre. »

Chers amis, avec cette Ascension, nous savons que nous avons une place auprès de Dieu, que là est aussi notre Patrie et notre terre, notre famille. En Dieu, dans la Trinité éternelle, il y a de l’espace pour vous, pour moi, pour tout l’homme. Car c’est aussi comme homme que Jésus entre dans la joie de son Père. Avec son humanité glorieuse.

Oui, saint Augustin a raison de nous garder aujourd’hui dans cette perspective de joie : « En venant dans ce monde, dit-il ailleurs, il est sorti du Père sans abandonner le Père ; et il retourne au Père en laissant le monde, mais sans quitter le monde. »

Jésus n’a donc pas disparu de la scène de ce monde. « Voici que je demeure avec vous sans cesse jusqu’à la consommation des siècles. » Oui, le Christ est là toujours vivant, toujours présent au milieu des siens et toujours agissant. Par son humanité sainte, dont l’action traverse les sacrements et vient vous toucher.

L’Ascension, voilà l’irruption de l’humanité au « ciel », c’est-à-dire au plus profond de la Trinité. Tout ce qui par la suite descendra du ciel sera en quelque sorte marqué par cette dimension charnelle : nous avons besoin de ces sacrements, que vous allez enfin, pouvoir retrouver. de ces touchers sensibles, visibles qui sont les actions du Christ Prêtre.

Que le chrétien témoigne, plus que tout autre, que le corps est digne, puisqu’il a aussi vocation à la gloire ; que vos gestes, vos attitudes soient les signes d’une vie transfigurée. Que votre sourire, vos mains soient des signes de ce que portent des âmes de chrétiens ressuscités ; que votre démarche dise aussi ce que vous êtes. Lorsque vous pourrez vous serrer la main – enfin ! –, que ce ne soit pas un geste mondain et simplement « citoyen », mais le signe sensible de ce que les mains offrent de plus beau : l’amitié. Que nos génuflexions soient de vrais signes d’adoration, où l’âme dit par son corps l’adoration. Que le baiser des lèvres ne fasse pas mentir l’affection ou l’amour du cœur.

La flamme du cierge pascal est éteinte. Mais la lumière est éternelle : le Christ ressuscité rayonne comme l’Éternelle Lumière. En nous la lumière est intérieure. Et doit toujours brûler en nos âmes. Mais elle est aussi portée par vos vies corporelles. Pour être portée, oui. Pour rayonner. Pour donner la joie de Dieu.

L’Ascension est bien une fête de joie, d’espérance, de vie.

+Emmanuel-Marie,
Abbé de Lagrasse

© LA NEF, le 22 mai 2020, exclusivité internet