Alep, Char russe © Mil.ru-Commons.wikimedia.org

Inquiétude au Proche-Orient

«Plutôt mourir du Coronavirus que mourir de faim ! », scandaient, le 29 mars, des milliers de manifestants libanais. Ces désespérés, venus des quartiers pauvres de Beyrouth ou de Tripoli avaient brisé le confinement pour crier leur détresse dans les rues.
Si la France sort de cette terrible épreuve au prix d’un champ de ruines économique, la situation est encore plus inquiétante au Proche-Orient, où il n’existe pas d’infrastructures solides et encore moins de systèmes d’aides sociales.
Dans ces pays ravagés par la misère ou les combats, parfois dépourvus du matériel médical nécessaire, l’expansion du Covid-19 serait une catastrophe. Le confinement, vu comme un remède pour juguler l’épidémie, pourrait avoir des effets secondaires effroyables sur des organismes sociaux particulièrement affaiblis.
En Syrie, après dix ans de guerre, le système de santé est à bout de souffle. Les sanctions économiques entravent même l’approvisionnement en matériel de première nécessité… À cause du blocus, les appareils défectueux ou trop vieux ne peuvent plus être réparés et encore moins remplacés. Les lits avec assistance respiratoire relèvent du vœu pieux ou du rêve. Gels, masques, mouchoirs en papier, affichent des prix rédhibitoires pour bien des familles syriennes.
L’Irak, lui, affronte cette nouvelle épreuve avec moins de dix médecins pour mille habitants ! Les personnes atteintes n’ont pas accès à des soins adaptés. Ils n’ont pas de lits de réanimation pour les malades en insuffisance respiratoire.
Au Liban, déjà frappé par une dure crise économique, la menace du Covid-19 a eu l’effet d’un coup de grâce. Les plus démunis ont été mis à genoux par les mesures sanitaires adoptées pour lutter contre l’épidémie. Beaucoup d’entre eux survivaient en cumulant différents emplois précaires, avec des salaires de journaliers (jusqu’à 80 % de la population à Tripoli !). La fermeture des entreprises et des services a malheureusement fait voler en éclats ce fragile équilibre.
Le confinement empêche de nombreuses personnes d’aller travailler. Or, beaucoup, en Irak, au Liban ou en Syrie, n’ont aucun salaire garanti. Ils partent le matin sans savoir ce qu’ils rapporteront le soir.
Dans l’impossibilité de travailler, de nombreuses personnes ne trouvent plus de quoi se nourrir et se soigner.
SOS Chrétiens d’Orient a dû s’organiser face à la menace du Coronavirus. Avant l’annonce du président Emmanuel Macron, nous avons décidé le confinement et le rapatriement, en urgence, de la plupart de nos volontaires. Ensuite, nous avons répondu à notre vocation, qui est d’aider les plus faibles, d’ancrer les chrétiens d’Orient dans leur terre d’origine, et de renouer des liens entre notre pays et l’Orient.
Les volontaires longue durée, qui ont fait le choix de rester sur le terrain, se battent tous les jours pour aider les chrétiens et les plus démunis aux côtés de nos collaborateurs permanents. Dans des pays aux moyens très limités, ils apportent un précieux soutien aux populations démunies.
À Alep, en Syrie, les premières distributions ont commencé. Dans des quartiers déserts, nos équipes ont donné des colis alimentaires et hygiéniques aux habitants. En respectant les règles de sécurité et les gestes barrière, ils expliquent les mesures à appliquer pour se protéger et l’utilisation des produits distribués (notamment le gel hydroalcoolique, les masques et les gants).
En Irak, Jeanne, volontaire de 24 ans, nous a fait un retour poignant sur l’action de son équipe auprès des familles confinées : « Nous laissons les colis alimentaires et hygiéniques devant les portes et frappons. Un signe de loin pour se saluer. Parfois quelques mots. Une mère nous remercie mais désespère car ses trois enfants ne feront qu’une bouchée du colis : “Ils sont en pleine croissance, ils mangent comme quatre !” Un père de famille, les traits tirés par l’inquiétude, nous dit : “Ma mère a un cancer, mes enfants ont faim. Je ne sais pas comment m’en sortir.” Devant une bicoque en tôle, une femme souriante nous ouvre. Sa pauvreté est frappante et nous serre le cœur. Elle accepte avec plaisir notre colis alimentaire. »
En France, nos équipes ont également décidé de venir en aide aux personnes fragilisées, en passant des coups de fil, en faisant des courses ou en rendant les services possibles sans mettre en danger la sécurité des personnes.
Ici comme au Proche-Orient notre objectif est le même : permettre à chacun de surmonter l’épreuve pour que la vie demeure plus forte que la peur ou la mort.

Benjamin Blanchard

Benjamin Blanchard est directeur général de SOS Chrétiens d’Orient : www.soschretiensdorient.fr

© LA NEF n°326 Juin 2020