Après avoir vécu comme tout le monde le confinement lié à la pandémie et dans la perspective « d’après-guerre » de la reconstruction du monde par l’Église et avec l’Église, je souhaite partager des notes qui seront autant de propositions au sortir du déconfinement.
Le contexte dans lequel je prends cette initiative est celui de notre société civile et de notre société ecclésiale, dirigées la première par les politiciens et la seconde par les évêques. Il a paru assez clair avec la décision du Conseil d’État que les évêques subissent les décisions politiques, comme les politiciens subissent les décisions de la Commission Européennes. Cette réalité n’est pas nouvelle, mais est apparue évidente avec la crise sanitaire. S’agissant de la Commission Européenne, le sortir de la crise sanitaire ne doit pas produire une crise plus grave, celle économique et financière. De son point de vue, le monde d’après ne peut être que celui de l’austérité budgétaire. L’histoire est déjà pensée et écrite, elle produira la continuation et l’aggravation de la déflation. Le monde nouveau sera celui de l’augmentation du chômage, de la casse sociale avec de grands plans de licenciement, de la faillite des entreprises petites ou moyennes et enfin de la dette abyssale. Cette dernière sera le prétexte pour justifier l’austérité économique et financière. L’histoire est déjà écrite, car en fait elle s’est déjà déroulée avec le cas dramatique de la Grèce. Et nous savons que cette politique budgétaire imposée est perdante ! Non seulement la Commission Européenne n’a pas résolu la crise grecque, non seulement des fleurons de la souveraineté grecque ont été privatisés, mais surtout la dette s’est considérablement creusée. L’économie grecque a été détruite. La société ecclésiale grecque a subi passivement les ordonnances de la Commission Européenne, en essayant de sauver ce qui pouvait l’être, tenue elle-même par la collaboration avec les politiciens de la société civile grecque.
Sommes-nous, en France, condamnés à cette perspective de reconstruction ? Je ne le pense pas. Durant le confinement, j’ai pu relire La République de Platon. Parvenant au Livre VII, l’allégorie de la caverne m’a donné à penser. Je vous rappelle les éléments de l’allégorie. D’abord, dans un trou d’une caverne se trouvent des prisonniers enchaînés. Contre la paroi du trou, les prisonniers voient des ombres défiler. Toujours dans la caverne, au-dessus du trou, des marionnettistes agitent des figurines devant un feu qui produit les ombres contre la paroi du trou. Les prisonniers tentent de sortir du trou, puis de la caverne, grâce à l’éducation. Au sortir de la caverne, s’ils y arrivent, ils découvrent le réel et la vérité, grâce à la connaissance.
Cette allégorie est intéressante, car le confinement a été vécu par beaucoup comme un emprisonnement, par peur de la maladie et de la mort, peur de la loi imposée et de la désobéissance, peur de ne plus être compté parmi les collaborateurs. D’autres, ont vécu l’emprisonnement comme étant évident, allant de soi, étant la meilleure solution. Enfin, d’autres ont vu dans l’emprisonnement l’accomplissement de l’intérêt général et de la providence gouvernementale. La caverne devient paradigmatique de la société dans laquelle nous vivons. Nous évoluons dans une société fictive dans laquelle la logique politique et sociale est nourrie par des artifices. En effet, dans cet emprisonnement, la raréfaction des ressources naturelles est organisée de manière artificielle, nous l’avons vu avec la raréfaction des moyens pendant la pandémie (masques, tests, respirateurs, médicaments…). Par ailleurs, cette incarcération permet la marchandisation des relations sociales dirigée par les transactions des marchés financiers (télétravail, temps partiel, obligation de travailler pour les uns, imposition de ne pas travailler pour les autres). Jamais la violence comptable et financière n’a été aussi grande sous couvert de crise sanitaire.
Après le confinement, le déconfinement laisse émerger une autre logique, l’émancipation pour ne plus être enchaîné et emprisonné. Au mieux, il nous permettra de devenir de nouveaux marionnettistes alimentant le feu de l’illusion en agitant des figurines artificielles renouvelées. Au pire, nous sombrerons dans un autre emprisonnement, confinés dans une nouvelle logique imposée par les artifices des politiciens et de la Commission Européenne autour des thèmes sans cesse répétés depuis 50 ans : l’entraide, la mise en commun, le partage. Il suffit de se rappeler les discours prometteurs d’Alexis Tsipras, dans le cas de la crise grecque, et dont le renouvellement n’a eu pour effet que d’enserrer le peuple Grec dans l’univers concentrationnaire de la Commission Européenne.
Aujourd’hui, les marionnettistes aux commandes du feu qu’ils alimentent astucieusement renouvellent les figurines artificielles selon les thèmes permettant de maintenir captifs les esprits. Quatre grands thèmes permettent de capter les esprits dans l’illusion de l’après.
Quatre grands thèmes
Renault va supprimer un des fleurons de l’industrie française, Thierry Breton parle d’un impôt spécial pour rembourser la dette, le tissu économique n’a jamais été autant détérioré, mais le premier thème est l’idée d’une relocalisation de notre économie en France. Dit autrement, alors que la fragilisation de notre économie ne cesse de continuer, l’idée de la relocalisation est d’actualité.
La Manif pour tous en 2012, les Gilets Jaunes en 2018 ou les espoirs suscités dans les esprits lors des élections de 2017, se sont soldés par un fonctionnement démocratique égal à lui-même et imperturbable : rien n’a changé ! Deuxième thème, l’idée d’une reconstruction possible de la démocratie fragilisée fait son chemin.
L’ONU paralysée et apeurée par la pandémie a créé un vide, l’OMS n’a su que relayer les avis des « scientifiques » de l’industrie pharmaceutique pour son propre lendemain financier, le troisième thème est l’idée de la grandeur de la France dans le multilatéralisme mondial. Abandonnée par l’ONU qui n’a pris aucune décision collective, accompagnée de l’abdication pour la première fois des États-Unis d’Amérique préoccupés par leur propre sort sanitaire et économique, la scène internationale devient le terrain de jeu de nouvelles alliances et influences où la France peut trouver un leadership, idée captivante.
Les scientifiques étaient certains de la théorie du réchauffement climatique jusqu’à ce qu’ils se rendent compte que certaines zones se glaçaient, alors ils se sont mis à parler de changement climatique dû à l’activité humaine. Les humains exploitent les ressources naturelles plus vite que la nature ne peut les renouveler, le quatrième thème est celui du soin de notre écosystème français. L’idée d’une écologie responsable se répand dans les esprits au prix des pires contradictions, mais peu importe l’illusion : grands rassemblements internationaux sur l’écologie dont les moyens utilisés sont destructeurs de l’écosystème ou bien grande campagne de communication dont les moyens technologiques sont un affront à la biodiversité. Jamais la population n’a autant plébiscité la démarche écologique et jamais les esplanades publiques des villes au sortir du confinement n’ont été assaillies par la foule, laissant ses détritus plastiques éparpillés, sans parler des masques de protection jetés n’importe où, y compris à la mer. Dénoncer les effets par l’utilisation des causes, dernière idée faisant son chemin.
Sommes-nous condamnés à être confinés, enchaînés dans le trou de la caverne ou bien déconfinés dans la caverne avec les marionnettistes ? L’avenir de l’humanité réside-t-il dans la seule caverne ? La réponse est non ! La réalité extérieure à la caverne est plus réelle que les ombres émises par des figurines fictives et un feu artificiel. La vérité ne peut être prisonnière de la caverne et de ses mises en scène écrivant l’histoire de l’humanité de l’absence de vérité. L’éducation et la connaissance libèrent du trou et de la caverne, elles nous font passer par la conversion, la purification et la contemplation.
Pour un lendemain différent, pour un monde d’après, il existe une alternative à ce qui nous est profilé. C’est ce que je souhaite vous exposer durant les semaines qui viennent.
(À suivre)
Père Bernard Lucchesi
Docteur en théologie
© LA NEF le 5 juin 2020, exclusivité internet