La détresse. Ce mot, de prime abord, pourrait paraître désuet. Nous l’affichons pourtant dans le nom de notre Œuvre : Aide à l’Église en Détresse. J’ai appris à en découvrir l’intensité et l’actualité. La « détresse » traduit si bien la situation de millions de chrétiens dans le monde.
Le dictionnaire nous en donne une définition. Il s’agit d’un sentiment d’abandon, de solitude, d’impuissance que l’on éprouve dans une situation difficile. Ailleurs, la détresse est décrite comme une situation très pénible et angoissante ; et spécialement un manque dramatique de moyens matériels.
Tout est dit. Au Proche-Orient et en Afrique, en Asie et en Amérique latine, et plus près de nous en Europe, des chrétiens vivent des situations d’angoisse, d’abandon et d’impuissance. Juste parce qu’ils ne veulent pas renier l’Évangile. Et ils paient cette fidélité au prix de leur liberté, au prix d’une vie de misère, au prix parfois de leur vie.
Ces dix dernières années, chacun a pu suivre l’actualité dramatique des chrétiens au Proche-Orient, écrasés, pourchassés et martyrisés au nom de l’islamisme. Si la menace semble aujourd’hui moins pressante, la situation reste bien fragile et l’avenir incertain.
Converties de force à l’islam
Au Pakistan, les cas de deux adolescentes de 14 ans, Huma Younus et Maira Shahbaz, donnent une illustration du mépris dans lequel est tenue la communauté chrétienne. Toutes deux ont été mariées de force et converties à l’islam par des hommes qui les considèrent comme du butin à prendre car elles sont chrétiennes, « impures ». À l’heure où j’écris ces lignes, elles sont encore aux mains de leurs ravisseurs, comme des centaines d’autres jeunes filles, au grand désespoir de leurs parents.
En Afrique, et particulièrement dans la région du Sahel, le terrorisme islamique se répand, apportant son triste cortège de désolations et de destructions. Les attaques extrémistes dans des pays comme le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont connu ces dernières années une croissance exponentielle.
L’évêque burkinabé de Dori, Mgr Laurent Dabiré, nous écrivait il y a trois semaines : « Des hommes armés sont entrés dans la ville de Sebba, chef-lieu d’une de mes paroisses, pour commettre un assassinat et enlever un pasteur protestant et six jeunes élèves qu’ils exécuteront froidement le lendemain en relâchant seulement deux filles. »
En Amérique latine, l’Église est bien souvent le seul rempart contre la corruption et les trafics de drogue. Elle paie de son sang la défense des plus petits. Au Mexique, 38 prêtres ont été assassinés ces douze dernières années.
Plus près de nous, la réalité est parfois toute aussi rude pour de nombreux chrétiens. Ainsi, en Bosnie, la jeunesse chrétienne quitte massivement le pays non seulement en raison de la situation économique, mais aussi pour s’éloigner de l’islam agressif.
Je pourrais continuer ainsi longtemps ces sombres exemples.
Témoins de la générosité
Mais je ne ferais avec vous que la moitié du chemin si je ne vous parlais que de la détresse. Car je dois vous dire aussi qu’à l’AED, nous sommes les témoins privilégiés et émerveillés de la formidable compassion et de l’exceptionnelle générosité des chrétiens de France. J’écris cela sans vouloir flatter personne. Mais je le dis parce que je le constate.
Beaucoup de chrétiens refusent d’être de simples spectateurs impuissants de la situation de leurs frères. Ils portent en eux cette phrase de saint Paul : « Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance » (1 Co 12, 25).
Parce que, voyez-vous, la situation des chrétiens en détresse dans le monde nous engage. Elle nous concerne, et doit, véritablement, nous faire souffrir. Le Christ dérange les fanatiques, les corrompus, les violents, les menteurs. En opprimant des chrétiens, en les discriminant, en les faisant souffrir et parfois en les tuant, beaucoup pensent qu’ils pourront les faire taire et les éradiquer. Il n’en est rien. Ils renforcent notre foi et décuplent notre envie d’agir, pour défendre le Christ.
Je le répète avec force, la situation des chrétiens en détresse nous engage.
C’est ainsi qu’est née l’Aide à l’Église en Détresse, il y a 70 ans, sur les ruines de la Seconde Guerre mondiale. Le Père Werenfried, prêtre hollandais, lança un vaste mouvement de réconciliation et de solidarité partout en Europe pour soutenir les réfugiés et les prêtres allemands fuyant la dictature soviétique. L’effroyable guerre avait semé la détresse et divisé les peuples ; mais par la volonté d’un homme, un magnifique élan de réconciliation et d’espérance a vu le jour, soutenu par des milliers de bienfaiteurs.
Je vous engage à poursuivre l’œuvre du Père Werenfried pour transformer la détresse des chrétiens, partout dans le monde, en espérance !
Benoît de Blanpré
Benoît de Blanpré est directeur pour la France de l’Aide à l’Église en détresse (AED) : https://www.aed-france.org/
© LA NEF n°327 Juillet-Août 2020