Anne Soupa © Gilou60-Commons.wikimedia.org

La provocation d’Anne Soupa

Anne Soupa, journaliste, romancière, ancienne rédactrice en chef de la revue Biblia, a posé sa « candidature » à l’archevêché de Lyon. Sa provocation montre une méconnaissance radicale de ce qu’est l’épiscopat.

Le siège de l’archevêché de Lyon est vacant depuis la démission du cardinal Barbarin en mars dernier. « Constatant qu’en 2020, dans l’Église catholique, aucune femme ne dirige aucun diocèse, aucune femme n’est prêtre, aucune femme n’est diacre, aucune femme ne vote les décisions des synodes. Considérant qu’exclure la moitié de l’humanité est non seulement contraire au message de Jésus-Christ, mais porte tort à l’Église, ainsi maintenue dans un entre-soi propice aux abus », Anne Soupa, écrivain de 73 ans, dans une déclaration faite le 25 mai, s’est portée candidate au siège primatial de Lyon.
Cette annonce, qui suivait l’envoi d’une lettre officielle de candidature au nonce apostolique à Paris, a attiré l’attention des médias sur « l’écrivaine qui défie l’Église ». Une pétition a été lancée qui a recueilli plus de 13 000 signatures.
À vrai dire, Anne Soupa n’en est pas à sa première provocation. En 2008, suite à des propos du cardinal Vingt-Trois qu’elle avait jugé scandaleux, elle avait porté plainte devant le tribunal de l’Officialité de Paris et elle avait fondé, avec la journaliste Christine Pedotti, le Comité de la Jupe, qui milite pour la « reconnaissance des femmes au sein de l’Église ». Anne Soupa est toujours présidente de ce Comité. Puis les deux femmes ont fondé en 2009 la Conférence catholique des baptisé-e-s francophones (CCBF) qui est active à travers des comités locaux et qui appelle à une réforme générale de l’Église. Les deux femmes ont aussi publié, le 11 mars 2019, une tribune dans le Monde pour demander « la décanonisation de Jean-Paul II », accusé d’avoir été le « protecteur des abuseurs ». Christine Pedotti vient encore de publier avec l’universitaire Anthony Favier Jean-Paul II, l’ombre du saint (1) qui se veut un « droit d’inventaire » et une déconstruction de ce pontificat.

Une erreur de fond
L’ordination sacerdotale a été dès l’origine de l’Église exclusivement réservée à des hommes. Il en a été de même de la consécration épiscopale, qui n’est pas un autre sacrement, mais un accomplissement du sacerdoce. Lorsque l’Église anglicane a décidé d’admettre des femmes aux fonctions de pasteur, Paul VI a réaffirmé la tradition constante de l’Église catholique par la déclaration Inter insigniores (15 octobre 1976). Puis Jean-Paul II, par la lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis (22 mai 1994), a solennisé cet enseignement et lui a conféré une note d’infaillibilité : « afin qu’il ne subsiste aucun doute sur une question de grande importance qui concerne la constitution divine elle-même de l’Église, je déclare, en vertu de ma mission de confirmer mes frères (cf. Lc 22,32), que l’Église n’a en aucune manière le pouvoir de conférer l’ordination sacerdotale à des femmes et que cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles de l’Église. »
À plusieurs reprises, le pape François a affirmé la nécessité d’associer davantage les femmes, laïques ou consacrées, au « proces­sus décisionnel » dans l’Église, à tous les niveaux, depuis la paroisse jusqu’à la Curie. Il a procédé à plusieurs nominations significatives de femmes au sein des congrégations romaines ou des conseils pontificaux. Mais il a mis en garde aussi contre la tentation de la « cléricalisation » : « Les femmes dans l’Église doivent être valorisées, pas “cléricalisées”. Ceux qui rêvent de cardinaux féminins sont un peu atteints de cléricalisme » (15 décembre 2013). Et il a réaffirmé le 1er novembre 2016 : « En ce qui concerne l’ordination des femmes dans l’Église catholique, la dernière parole claire a été donnée par saint Jean-Paul II et celle-ci demeure. »
Anne Soupa, en se portant candidate à l’archevêché de Lyon, non seulement brave l’enseignement répété des papes, mais elle méconnaît complètement ce qu’est un évêque. Elle feint de croire qu’être évêque ou archevêque se réduit à un « poste de responsabilité » auquel tout baptisé suffisamment formé, homme ou femme, pourrait postuler. Mais les évêques ne sont pas des managers. Par la consécration épiscopale, reçue en communion hiérarchique avec le pape, ils ont une triple mission : munera docendi, regendi, sanctificandi (la charge d’enseigner, de gouverner et de sanctifier). À ce titre, ils sont successeurs des Apôtres. Or, Jésus n’a pas appelé et institué d’« apôtresses ».

Yves Chiron

(1) Albin Michel, 2020, 328 pages, 20,90 €.

© LA NEF n°327 Juillet-Août 2020