Waiting for the Barbarians (2 septembre)
Ce nouveau film sort seulement en VAD (vidéo à la demande) ou en DVD, mais il a une affiche flatteuse, avec les noms d’acteurs célèbres comme Johnny Depp, Robert Pattison ou Mark Rylance, entre autres. Avec le nom surtout d’un jeune réalisateur déjà notoire, le Colombien Ciro Guerra (L’Étreinte du serpent, Les Oiseaux de passage). Même si l’on regrette de ne pas découvrir les belles images du film sur grand écran, on appréciera la mise en scène inspirée et les acteurs puissants. L’histoire se déroule dans un lieu et un temps non précisés, sinon qu’il s’agit d’un poste frontière de l’« empire », en plein désert, peut-être à la fin du XIXe siècle. C’est plus un nouvel empire romain que l’empire britannique, mais c’est bien un empire colonial, dont souffrent les populations barbares, aux frontières. À la tête de la garnison, « le diplomate », c’est son seul nom, est un homme profondément bon et juste. Il reçoit la visite d’un émissaire du pouvoir central, un policier de haut grade venu étouffer dans l’œuf une tentative d’invasion de l’empire par les barbares. Son enquête n’est qu’une suite de cruautés infâmes contre lesquelles le diplomate s’élève en vain. On est naturellement tenté de lire ce récit comme un apologue de notre situation présente où les « migrants » seraient les nouveaux barbares et l’empire le monde occidental assiégé, mais la répartition des pouvoirs est inversée dans ces deux figures et soit Ciro Guerra est aveugle, soit il parle d’autre chose, d’une poésie des lointains à la façon du Désert des Tartares ou des romans de Raspail. Loin des faciles comparaisons uchroniques, il offre un tableau de l’homme où la cruauté la plus sauvage est rachetée par des intervalles de bonté, tel un sublime lavement des pieds, régénérateur.
Sur la route de compostelle (9 septembre)
Le pèlerinage à pied vers Compostelle connaît depuis les récentes décennies un magnifique regain. Mais on croise sur le Camino beaucoup de gens qui ne sont pas des pèlerins au sens chrétien mais des marcheurs agnostiques, de toute origine, souvent en proie à des interrogations existentielles et qui espèrent des réponses.
Les documentaristes australo-néozélandais Noel Smyth et Fergus Grady ont suivi six « pèlerins » qui ne se connaissaient pas et vont tisser entre eux des liens profonds, qui vont constituer un socle pour surmonter les obstacles. Ce sont des hommes et des femmes qui ont vécu et ont connu la souffrance. Telle Sue, 70 ans, qui cherche dans la marche de quoi surmonter ses douloureuses déficiences physiques, ou Julie, qui a été frappée, coup sur coup, par la mort de son mari et celle de son fils. Terry et Cheryl ont aussi des deuils, Mark, lui, cherche à sortir des mauvaises pentes où sa vie s’est abîmée. Seule Claude affiche un sourire heureux mais elle revient sur le Camino car son appel se fait toujours sentir. Tous sont filmés de façon très naturelle, captant, sur fond de paysages épiques, ces vies où l’on sent l’âme « capax Dei ».
François Maximin
En DVD
AVEZ-VOUS LA FOI ?
Film de JON GUN
Saje Distribution, 2020, 1h55, 19,99 €
Bouleversé par un SDF noir qui prêche la croix, le pasteur Matthieu décide à son tour de secouer ses ouailles pour les inciter à davantage vivre cette réalité et à mieux s’affirmer chrétien. On suit ainsi douze personnes rencontrant chacune des difficultés propres (une veuve à la rue avec une petite fille, un ancien prisonnier atteint d’un cancer, un pompier poursuivi pour avoir parlé de Dieu à un mourant, un marine traumatisé, etc.) qui vont, pour la plupart, se retrouver dans une scène finale apocalyptique (un gigantesque accident) résolvant tous les problèmes ! Cela peut paraître gros ou quelque peu simpliste, mais ce film kaléidoscope est fort bien traité, prenant et présentant un patchwork de personnages vite attachants. C’est un beau témoignage de foi à l’américaine version évangélique. À voir.
Patrick Kervinec
© LA NEF n°328 Septembre 2020