Passage en force. Trois mots qui résument la manière dont le gouvernement aura orchestré, sur la forme comme sur le fond, la révision de la loi bioéthique. L’avis des citoyens lors des états généraux ? Balayé. Les débats ? Menés tambour battant par la force aveugle et aveuglante des tenanciers de la déconstruction bioéthique. La deuxième lecture ? Précipitée dans la torpeur de l’été, aux antipodes des besoins de la France et des Français, secoués par la pandémie et au seuil d’une crise économique, sociale et humanitaire sans précédent. La cerise sur l’hémicycle ? L’arrogance du – tout récent – ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran. Il n’a pas caché son mépris envers les opposants à ce texte et, plus grave, envers la vérité. Entre mensonge et guimauve, il affirma que « cette loi n’est pas porteuse de tris, de chimères, elle parle d’amour, de famille, de filiation, de recherche, de santé ». Au long du jour comme de nuit, sous l’implacable tyrannie du temps programmé, quelques courageux députés ont tenu une citadelle d’amendements, presque tous vaporisés dans la tornade progressiste. Courageusement, ils ont révélé, un à un, les graves enjeux, incohérences et conséquences de ce texte qui démolit, article après article, les piliers de la bioéthique. Peine perdue. Les puissants aux manettes n’ont cherché ni la vérité, ni la justice, ni le bien commun. Peuvent-ils alors ici parler d’amour ?
Trois grands principes bafoués
Au final, les trois grands principes fondamentaux de protection sur lesquels s’est construite notre loi bioéthique sont à terre.
D’abord, celui de protection de la personne humaine : « La loi garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie, assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci. » Notons que la dignité de la personne inclut son mode de conception et la grossesse. Mais cette loi bioéthique qui va dans le sens du « droit à la procréation sans sexe pour tous », promu par le rapporteur Jean-Louis Touraine, entérine un droit à l’enfant et encourage tous les bricolages procréatifs, en dépit de tout principe de précaution et de tout respect de l’intérêt supérieur et des droits de l’enfant. Autre domaine qui abîme ce principe : la recherche sur l’embryon. Ce n’est pas pour rien si les premières lois de 1994 l’interdisaient ! Aujourd’hui, elle est totalement libéralisée et administrativement facilitée. Alors qu’en même temps, la loi ouvre à des expérimentations d’apprenti sorcier : transformation de cellules embryonnaires en « gamètes artificiels » (spermatozoïdes ou ovocytes), création d’embryons transgéniques…
Ensuite, c’est celui de protection du corps humain (inviolabilité, indisponibilité, non-patrimonialité du corps humain) qui est fragilisé. Car cette loi est un pas de plus vers le commerce du sperme, des ovocytes et vers la marchandisation du corps des femmes par la gestation par autrui. Quant à l’autoconservation des ovocytes sans raison médicale, elle est un nouveau marché qui s’ouvre sur le ventre des femmes.
Enfin, c’est le principe de protection de l’intégrité de l’espèce humaine que dissout l’autorisation de mélanger des cellules humaines, embryonnaires ou reprogrammées, à des embryons animaux. Un interdit levé dans cette funeste loi, qui autorise jusqu’à la gestation par des femelles et la naissance de petits « chimères animal-homme ».
Cette loi est le symptôme de la toute-puissance que croit détenir l’homme moderne, doté d’un petit pouvoir temporaire, qui vote, avec orgueil et ornières, cette soumission de la vie aux biotechnologies.
Face à cela, ne déprimons pas ! Cette volonté de dominer la vie et de réduire l’homme à un matériau privé d’intériorité constitue pour les chrétiens l’occasion d’une prise de conscience : nous sommes « dans un affrontement culturel entre la technique considérée comme un absolu et la responsabilité morale de l’homme […] où émerge la question fondamentale de savoir si l’homme s’est produit lui-même ou s’il dépend de Dieu » (1).
Plus que jamais, nous sommes appelés à cultiver, avec humilité et ténacité, une sagesse éthique et une résistance morale courageuse. La révolution spirituelle est devant nous. Osons la relever. Osons aller à contre-courant de l’esprit de cette loi en faisant nôtre la devise de François de Sales : Rien par force, tout par amour. L’amour vrai. Celui qui ne resplendit que dans la vérité.
Blanche Streb
(1) Benoît XVI, Caritas in veritate, sur le développement humain intégral dans la charité et dans la vérité, 2009.
Blanche Streb, docteur en pharmacie, directrice de la formation et de la recherche à l’Alliance Vita, a publié récemment Bébés sur mesure (Artège, 2018) et Éclats de vie (Éditions Emmanuel, 2019).
© LA NEF n°328 Septembre 2020