Anne Coffinier

Pour une vraie liberté scolaire

Plus que tout autre, notre système éducatif fait profession d’égalitarisme, promouvant à l’envi le concept mou d’« égalité des chances ». Pourtant le classement PISA montre que notre école est la plus inégalitaire de l’OCDE. À peine médiocre, elle ne fait qu’accroître les inégalités de naissance. Que faire alors ?
Pour réussir le double pari de la transmission efficace de notre civilisation, nul doute qu’il nous faut in-no-ver ! Les plus conservateurs d’entre nous devront s’y faire : il faut innover pour réussir à transmettre aujourd’hui nos traditions. Pas de solutions dans le passéisme éducatif, aussi séduisant soit-il. Elle a vécu, l’école de la rareté de l’accès aux livres et au savoir, d’un monde d’adultes ne connaissant ni le chômage ni les questionnements lancinants sur le sens du progrès et de la vie.
Pour innover, nous n’avons d’autre choix que de fonder de nouvelles institutions scolaires et périscolaires, à commencer par des écoles et universités libres, qui assument sans scrupule leurs libertés pédagogiques et spirituelles (au sens de la vie de l’esprit).

Penser une autre école
C’est notamment à ce prix que l’enseignement professionnel intelligent reverra le jour, loin de la sinistre dépouille du Collège unique. La liberté scolaire est le meilleur moyen de rejoindre la variété indéniable des aptitudes et des aspirations des jeunes générations. Certaines distinctions classiques vont s’effacer, comme celles qui séparent la formation initiale de la formation continue, la collective de l’individuelle ou encore la formation en présentiel de celle à distance… Chacun perçoit désormais la nécessité d’un continuum éducatif pour se former tout au long de la vie et en tout lieu, notamment hors temps scolaire… Sans doute, l’école telle que nous la connaissons aujourd’hui n’est-elle pas promise à un avenir radieux, quand le numérique offre un accès dématérialisé et illimité au savoir. C’est alors l’occasion de repenser le rôle des enseignants qui doivent se résigner à devenir des témoins et des maîtres, selon la formule de Paul VI, s’ils ne veulent pas disparaître. Ces évolutions devraient logiquement entraîner une révolution des modalités de financement de l’éducation, passant d’un financement par structure, lié au caractère plus ou moins public de l’école, à un financement par enfant. Les Éducation saving accounts américains, qui permettent à une famille de financer l’ensemble des besoins éducatifs de son enfant et pas seulement les frais de scolarité de son école privée, ouvrent une voie encore plus intéressante que celle des traditionnels chèques-éducation.
Nous avons choisi de mettre en place tout un écosystème permettant de transmettre notre tradition occidentale de manière efficace et vivante. Première étape : créer de nouvelles écoles en osant utiliser les trésors de la liberté d’enseignement et de la liberté d’entreprise que garantit notre pays. L’association Créer son école est là depuis 2005 pour conseiller les fondateurs d’écoles libres, les former, les défendre. Deuxième pièce du puzzle : Educ’France, pour innover en capitalisant sur les bonnes pratiques et évitant les écueils identifiés. « Penser l’école à 360 degrés, s’informer de tout », c’est le rôle d’Educ’France (1). Il faut aussi apporter des financements et une véritable assise intellectuelle. C’est justement la mission de la Fondation Kairos pour l’innovation éducative que je viens de fonder (2).
Enracinée à l’Institut de France, présidée par l’ancien ministre Xavier Darcos, elle a pour but de favoriser le déploiement de nouvelles écoles libres, prêtes à assumer leurs responsabilités dans le monde tel qu’il est et non pas tel qu’on voudrait qu’il fût. Soutien financier aux établissements et aux universités alliant le mieux, tradition et innovation, démocratisation de l’accès aux écoles entièrement libres, mise à l’honneur des instituteurs et des directeurs particulièrement engagés dans la défense des enjeux centraux de l’école : telles en seront les missions essentielles. Elle vient de cofinancer le fonds d’urgence pour l’école libre aidant les écoles hors contrat à sortir indemnes de la crise ouverte par la Covid-19. Ses prochains colloques porteront, à titre d’exemple, sur l’école de la grande ruralité, le numérique, la lutte contre le communautarisme islamiste à l’école ou encore les conditions de renouveau de la formation aux métiers manuels.

Anne Coffinier

(1) www.educfrance.org
(2) www.fondationkairoseducation.org/

Anne Coffinier, ancienne élève de l’ENA et de l’ENS, est présidente des associations Créer son école et d’Educ’France, elle vient de fonder à l’Institut de France la Fondation Kairos pour l’innovation éducative.