Livres Juillet-Août 2020

HOMMAGE À JEAN-PAUL II POUR SES CENT ANS

Jean-Paul II aurait eu cent ans le 18 mai dernier. Pour fêter cet anniversaire, les éditions Mame proposent une collection « Jean-Paul II vu par… », les deux premiers auteurs étant les cardinaux Sarah et Barbarin. Le même éditeur nous offre également un livre d’entretien du pape François avec un jeune prêtre italien, Luigi-Maria Epicoco, sur le saint pape (1). Chaque chapitre de cet ouvrage commence par un résumé d’une période de la vie de Jean-Paul II par le prêtre, suivi par l’interview de François qui livre son éclairage sur le thème du chapitre. On perçoit assurément une sympathie et une admiration du pontife actuel pour son prédécesseur, notamment l’homme de Dieu et de prière qu’il était, mais non une grande complicité. L’hommage est sincère (il soutient toutes les grandes orientations du pontificat) mais quelque peu académique.

Chez le cardinal Sarah (2), comme chez le cardinal Barbarin, la complicité avec Jean-Paul II apparaît d’emblée évidente. Le cardinal Sarah offre une belle perspective du pontificat et notamment du riche Magistère du saint pape. Il insiste tout particulièrement sur sa réflexion sur l’amour humain, son attachement au mariage et à la famille, ainsi que son souci des jeunes, ce qui le conduit à dénoncer fermement toutes les transgressions éthiques actuelles : « L’Église ne doit céder en rien aux aberrations d’une société occidentale décadente et en rébellion contre Dieu et contre la nature. »

Dans ces trois textes ici réunis, le cardinal Sarah consacre aussi de beaux développements à l’enseignement de Jean-Paul II aux jeunes, les exhortant à suivre les exigences de l’Évangile, seul vrai chemin vers le bonheur.

Le cardinal Barbarin (3), de son côté, a voulu montrer combien le pape Wojtyla « incarnait à ce point le charisme de Pierre », fil directeur de sa réflexion qui le conduit à suivre les grandes étapes de sa vie et de son Magistère sous cet éclairage bienvenu. Ce qui en ressort est la foi exceptionnelle de ce géant, une foi non mêlée de doute mais qui n’écrasait jamais son interlocuteur, qui tendait au contraire à l’élever. Il parcourt également avec bonheur les grandes intuitions de Jean-Paul II (son souci de l’unité, dont Pierre est le garant) et les points clé de son Magistère.

Beaucoup de témoignages personnels aussi qui donnent à ce petit livre une belle épaisseur humaine.

Christophe Geffroy

(1) Saint Jean-Paul II le Grand, Mame, 2020, 110 pages, 12,90 €.
(2) Jean-Paul II, visionnaire et prophète des temps modernes, Mame, 2020, 110 pages, 12,90 €.
(3) Jean-Paul II, Pierre au tournant du nouveau millénaire, Mame, 2020, 176 pages, 14,90 €.

L’ÉMANCIPATION PROMISE
PIERRE-ANDRÉ TAGUIEFF
Cerf, 2020, 342 pages, 22 €

Pour le lecteur averti, l’ouvrage de Pierre-André Taguieff apparaîtra, à première vue, comme une répétition d’un même constat déjà posé par Philippe Muray, repris par Jacques de Guillebon dans Nous sommes les enfants de personne, ou encore par François-Xavier Bellamy dans Les Déshérités. Cette rhétorique de l’émancipation, que le contemporain nous sert à chaque manifestation, provient d’un langage forgé par les philosophes modernes exigeant « la liberté », « le bonheur » de l’individu et affirmant ne le trouver que dans la tabula rasa.

Cependant, le chemin que Taguieff nous invite à suivre est nouveau : celui d’une généalogie d’un concept qui, selon lui, s’est vidé de son sens. Allant à rebours, de Mai 68 à Marx et Hegel, Taguieff analyse l’exigence d’émancipation, ce qu’il appelle « l’émancipationnisme » dans son point de vue philosophique et idéologique. Cet appel à la liberté, fondé sur le concept de dignité, mêle un lourd héritage philosophique prônant un progrès sans fin de l’homme, une humanité détachée de tous liens, y compris de son histoire, un déracinement qui rend l’homme indifférencié.

Ce langage de l’émancipation tire ses justifications de processus historiques tels que l’émancipation des femmes ou l’émancipation des Juifs, par exemple, mais le contemporain a fait d’une rationalité historique, une raison éternelle. Or, Taguieff nous invite à repenser les raisons de l’émancipation : pourquoi s’émanciper, de quoi s’émanciper, pour quelle finalité ? Autant de mots que le contemporain, abreuvé, nous dit Taguieff, de rhétorique en apparence contradictoire « Indignez-vous ! » « Soyez vous-mêmes » « Émancipez-vous » ne peut plus distinguer, permettant ainsi aux slogans d’Ikea d’être repris par les candidats lors des parades électorales.

Derrière cette lecture d’une confusion conceptuelle, Taguieff établit une critique de la rationalité cartésienne. À l’instar des philosophes Élisabeth Anscombe et Alasdair Macintyre, il critique cette raison qui se veut anhistorique, dépassant les contingences pour s’ériger en loi universelle : l’émancipation devient alors émancipationnisme, une idole, un toujours plus, un lointain jamais atteint. Cette quête d’émancipation prend la forme d’une spiritualité pour le citoyen du monde assoiffé d’absolu, elle est sa « frénésie prométhéenne ». Une illusion que Kant avait mis en image : « La colombe légère, lorsque, dans son libre vol, elle fend l’air dont elle sent la résistance, pourrait s’imaginer qu’elle réussirait bien mieux encore dans le vide. »

Baudouin de Guillebon

LES VERTUS DU PROTECTIONNISME
Mondialisation et crises politiques, les surprenantes leçons du passé

YVES PEREZ
L’Artilleur, 2020, 288 pages, 20 €

Ancien professeur et doyen de la faculté de droit, économie et gestion de l’Université catholique de l’Ouest à Angers, actuellement professeur aux écoles militaires de Saint-Cyr Coëtquidan, Yves Perez propose un regard original sur les causes de la méfiance accrue des Français à l’égard de la mondialisation. De cette mondialisation, nombreux pensent qu’il conviendrait de se protéger. L’ouverture des frontières, la liberté de circulation des biens, des hommes et des marchandises, les injonctions de Bruxelles et de la commission européenne, tout cela semble habituel et ancien aux yeux de pas mal de nos contemporains, en particulier les plus jeunes. Or, c’est une affaire extrêmement récente, vieille d’à peine 30 ans. Yves Perez remet donc les pendules à l’heure en faisant retour sur cette réalité trop vite oubliée : la France fut longtemps protectionniste, et elle l’était encore il y a peu. De plus, ce protectionnisme n’était pas la prétendue sombre fermeture xénophobe aux autres ou le refus des progrès et des avancées techniques, bien au contraire, c’était un simple régime de bon sens voyant des nations établir des échanges entre elles, en décidant souverainement de ces échanges et non en étant contraintes d’obéir à des injonctions, qui plus est souvent contradictoires, de technocrates détachés des réalités concrètes et humaines, et cachés derrière des chiffres. Pour Yves Perez, et l’auteur apporte à ce sujet de nombreuses preuves chiffrées et argumentées, exposées avec un style à la fois vif et clair, la France fut protectionniste entre 1873 et 1973, sans doute un peu plus encore en réalité, et ne s’en porta pas plus mal, bien au contraire : la France est parvenue à maintenir, à l’époque, et même à développer ses positions économiques, commerciales et stratégiques dans le monde. Contrairement à la doxa idéologique dominante, c’est plutôt depuis l’ouverture des frontières et l’obsession mondialiste que la France perd du terrain, et de la crédibilité, partout dans le monde. Yves Perez l’affirme : le temps est venu, pour la France, de s’appuyer sur ses réussites d’hier en vue de stopper l’hémorragie actuelle. Un essai salutaire à l’approche de la récession économique qui vient, justement liée à la mondialisation.

Matthieu Baumier

VIVRE EN CHRÉTIEN, QUÉSACO ?
La doctrine sociale de l’Église en action

THOMAS AILLERET
Cerf, 2020, 350 pages, 20 €

L’auteur, ingénieur dans une entreprise industrielle, membre de la Communauté de l’Emmanuel, père de trois enfants, signe ici son premier livre. Il ne s’agit pas d’un exposé sur la Doctrine sociale de l’Église, mais de l’application concrète de ses principes (il en a retenu cinq : le bien commun, la solidarité, la dignité de la personne, la destination universelle des biens, la subsidiarité). La méthode de la DSE – comprendre, juger, agir – est ici mise en œuvre, mais non pas à travers des réponses impératives ou des solutions toutes faites. L’auteur évoque en quelque 80 très courts chapitres des situations, des problèmes, des questions que chacun peut rencontrer au travail, à l’école, dans la vie de tous les jours, dans la société. Les sujets les plus variés sont abordés : le don, le vote, le salaire, les produits financiers, la police, les GAFA, le #balance ton porc, les Gilets jaunes, et bien d’autres. L’auteur apporte des lumières, des « clés de lecture » pour faire le bon choix ou adopter la meilleure attitude. Un ouvrage clair, pragmatique et qui est accessible à tout un chacun. Il peut être lu, ou simplement consulté sur tel ou tel sujet, par le chef d’entreprise ou le salarié, par le syndicaliste ou le retraité, la mère de famille ou l’étudiant. Une vraie réussite.

Yves Chiron

PRESQUE SAINTS
JÉRÔME ANCIBERRO
Tallandier, 2020, 270 pages, 19,50 €

Toutes les traditions religieuses, ou à peu près, distinguent des personnalités censées incarner l’idée qu’elles se font de la perfection spirituelle ; le catholicisme, en particulier, a inventé des procédures permettant d’encadrer et d’officialiser cette reconnaissance : la sainteté. Se pencher sur cette procédure pour en comprendre la « technique » d’une part et, d’autre part, y entrer par des exemples concrets, telle est la teneur de ce petit mais fort intéressant ouvrage. Le style, un brin impertinent, fait plus d’une fois sourire ; c’est assez surprenant pour un ouvrage qui, de prime abord, devrait sembler austère, savant et ennuyeux : il n’en est absolument rien, bien au contraire.

La première partie du livre circonscrit clairement le sujet. Premier chapitre, « Qu’est-ce qu’un saint », occasion de définir les différentes acceptions de la sainteté : devoir de tout chrétien, « devenez parfait comme votre Père céleste est parfait », puis sainteté béatifiée et enfin canonisée. Deuxième chapitre, « Vrais et faux martyrs » : distinction fort utile de nos jours où l’on qualifie bien vite de martyr une personne injustement condamnée . Troisième chapitre, « Le temps des juristes », court historique des procédures d’hier à aujourd’hui utilisées pour « faire » les saints.

La seconde partie est une étude de cas à partir de certains procès… inaboutis d’où le titre du livre « presque saints » ; seront alors passés au crible, Charlemagne, Isabelle la Catholique, Christophe Colomb, Louis XVI, sainte Philomène et enfin Pie XII ; autant d’occasions de revisiter quelques pages d’histoire à la lumière de la diplomatie vaticane, de ses motivations et de ses impératifs. Cependant, le ton de légère et bienveillante ironie utilisé par l’auteur ne doit pas masquer le travail approfondi et sérieux de la Congrégation pour les causes des saints dont le but est de fournir à chaque époque les modèles dont nous avons besoin ; sans doute, ces « presque saints » ne répondaient pas à ce critère.

Marie-Dominique Germain

CORRESPONDANCE, 1920-1959
JEAN PAULHAN / HENRI POURRAT
Gallimard, 2020, 816 pages, 45 €

Il a fallu les Lettres pour que deux hommes comme Jean Paulhan et Henri Pourrat en vinssent à devenir amis. Paulhan ? Pourrat ? Ces noms n’évoqueront peut-être rien aux lecteurs d’aujourd’hui, du moins auprès des plus jeunes. Le temps d’un volume de correspondance, Gallimard, qui leur doit tant, les ressuscite, donnant à plonger dans un même mouvement de lecture dans un autre temps, une autre atmosphère ; un autre monde.

À la mort de Jacques Rivière, Jean Paulhan lui succède à la tête de La Nouvelle Revue française (la NRF), publication de la maison Gallimard. Les revues peuplent alors le Paris littéraire. Dans cet ensemble composite, la NRF s’est imposée. Pour celle-ci, Paulhan, le Parisien, fait appel à Henri Pourrat qu’il a lu dans une publication aujourd’hui oubliée. Voudrait-il, depuis son refuge auvergnat, écrire pour la revue parisienne des notes de lecture ? Ainsi naît une de ces grandes amitiés littéraires qui ne s’expliquent que par la qualité des hommes eux-mêmes et par le miracle de la littérature.

Pourrat ? Notre époque, qui a idéologisé la nature, comme elle salit tout ce qu’elle touche, ignore Pourrat. Il fut pourtant le chantre, non seulement de son Auvergne natale, mais plus largement de la vie rurale, de la nature et de ses rythmes. Mais Pourrat n’a jamais séparé l’homme de son milieu, en un temps où celui-ci imprimait sa marque et sculptait un certain type d’humanité qui, sous l’écorce commune, différenciait pourtant l’Auvergnat du Normand. Pourrat n’opposait pas l’homme à la nature, mais les percevait dans cet ensemble qu’il convient d’appeler la Création.

Quoi qu’il en soit, tout devait séparer Paulhan et Pourrat et ils furent pourtant amis. Leur abondante correspondance – seule une partie est rassemblée ici – en témoigne. De 1920 à 1959, on y croise les grands noms de la littérature et les amitiés de Pourrat : Henri Charlier, Alexandre Vialatte, Ramuz et d’autres encore. Le volume est tellement riche qu’il convient de l’emporter avec soi en vacances pour en tirer tout le suc. Jour après jour…

Philippe Maxence

LA CHASTETÉ A L’ÉCOLE DES SAINTS
OLIVIER MINVIELLE
Éditions du Parvis, 2019, 208 pages, 15 €

À l’heure où la confiance envers l’Église est gravement blessée par les atteintes contre la pureté, commises par une partie de ses membres, ce petit ouvrage, chaleureusement préfacé par Mgr Marc Aillet, évêque de Bayonne, qui en souligne l’accès facile, arrive vraiment à propos. Son auteur s’adresse à tous les baptisés, pas seulement aux clercs, car le monde actuel baigne dans l’impureté. On assiste à cet égard, constate O. Minvielle, à un déchaînement satanique dont il faut prendre conscience et contre lequel il faut combattre avec courage.

Revenant sur les conséquences du péché originel, l’auteur montre la réconciliation profonde de l’être humain apportée par le christianisme, rappelant fort justement que la tentation est neutre : si elle s’impose aux hommes, elle n’est pas un péché en elle-même et sa survenance doit faire barrage à l’orgueil. Quant à la chasteté, expression concrète de la pureté, elle est souvent mal comprise et pourtant elle marque toute la personnalité « dans son comportement tant intérieur qu’extérieur ». Au fond, elle est gage d’amour. Combien de saints, parmi les plus connus – près d’une vingtaine ici –, ont eu à lutter dans ce domaine ! Ils en ont témoigné avec humilité, livrant aussi les moyens auxquels ils ont recouru dans cette résistance au mal, ainsi que les grâces qu’ils ont obtenues par leur confiance en Dieu et leur remise d’eux-mêmes à la Vierge Marie, « Mère de la chasteté ».

Minvielle a eu la bonne idée de mettre leurs expériences et leurs enseignements à la disposition de ses lecteurs pour les aider à méditer sur ce grave sujet et à en tirer le meilleur profit.

Annie Laurent

LES VÉRITÉS CACHÉES DE LA DÉFAITE DE 1940
DOMINIQUE LORMIER
Éditions du Rocher, 2020, 322 pages, 19,90 €

N’ayant osé ni l’écraser dans l’œuf, ni, devant sa rapide croissance, s’équiper sérieusement ou même (manière bien aventureuse d’écarter le danger !) pensé à lui reconnaître une zone d’expansion, la France, si elle avait fini, le 3 septembre 1939, par déclarer la guerre au Reich hitlérien, se contentera, des mois durant, de maintenir des millions d’hommes les pieds dans l’eau, à attendre que les Allemands, faute de café ou de savon, jettent l’éponge… Or, quand survint, le 10 mai 1940, l’offensive teutonne, notre haut commandement, tout de suite, commit l’irréparable. En d’autres termes, il ne put soutenir des opérations mal combinées qui allaient très vite mener au désastre. Car, dès le 12 mai, avec son 19e corps blindé, Guderian franchissait la Meuse au sortir des Ardennes et, le 14 mai, crevait la défense française dans le secteur de Sedan. Le 20 mai la Somme était atteinte tandis que nos deux meilleures armées, introduites en Belgique, se trouvaient tournées, isolées, disloquées. Et que, pour comble de disgrâce, lord Gort, lâchant l’allié en péril, commençait de rembarquer les troupes britanniques à Boulogne, puis à Dunkerque. Enfin, réussie la seconde phase déclenchée le 5 juin du plan Manstein de la Somme à l’Argonne, suivie le 14 juin de l’entrée de la Wehrmacht dans Paris et, le 22, de la signature d’une convention d’armistice, la France, humiliée, découvrait le prix de cet immense naufrage.

À qui l’imputer ? D’abord à un personnel politique aussi affligeant qu’irréfléchi. Plus immédiatement, à un généralissime incapable, Gamelin, et à un état-major sclérosé. Outre cela, à l’évidente insuffisance du matériel et à son emploi inhabile. Trop peu d’avions de chasse modernes, en effet, et moins encore de bombardiers. Trop peu de canons antiaériens. Aggravé ce handicap par une absence de coopération de l’infanterie et des chars avec l’aviation ; par une absurde répugnance à s’adapter à la manœuvre de l’ennemi ; bref, par quantité d’erreurs tactiques et stratégiques dont profitèrent, en face, des chefs novateurs et audacieux. Toutefois (l’auteur du présent ouvrage y insiste beaucoup), on ne doit pas oublier, de notre côté, maints épisodes d’une résistance courageuse et souvent acharnée, maints gestes d’admirable bravoure, maints combats héroïques et sacrifices méconnus. Avoir le cran de les rappeler, c’est éloigner dédain ou goguenardise. C’est fleurir une tombe abandonnée.

Michel Toda

PRÉSENTATION DU NOUVEAU MISSEL ROMAIN EN LANGUE FRANÇAISE
Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements
Introduction par le cardinal Robert Sarah, Artège, 2020, 104 pages, 4,90 €

La Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements a approuvé une nouvelle traduction française du Missel Romain dans sa « forme ordinaire » et d’après sa 3e editio typica (2002) en langue latine. Cette nouvelle traduction, unique pour toute la francophonie (France, Belgique, Suisse, Canada et Outre-mer), entrera en vigueur le premier dimanche de l’Avent 2020. Les améliorations notables apportées par rapport à la traduction de 1970, qui est restée en usage jusqu’à aujourd’hui, ont déjà été signalées (voir La Nef n°321 Janvier 2020).

La Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements publie une Présentation de cette traduction. Cette publication « à l’intention des fidèles », et à un prix modique, est très didactique. Elle présente les principaux changements apportés par cette nouvelle traduction, mais elle contient aussi des rappels clairs et synthétiques sur ce qu’est le Missel Romain, sa composition, son histoire et pourquoi une nouvelle traduction française s’imposait (la traduction réalisée en 1970 « avait été réalisée rapidement »).

Cette Présentation comporte une longue « Introduction » rédigée par le cardinal Sarah (p. 7-38). Le Préfet de la Congrégation pour le Culte divin explique que cette nouvelle traduction a été réalisée « avec grand soin de façon à être plus fidèle à l’original latin » et à « mettre en évidence la sacralité, la dignité et la splendeur la liturgie ». Mais le texte du cardinal Sarah n’est pas une préface de circonstance. C’est une véritable méditation et catéchèse sur « la sainte messe comme Sacrifice de la Nouvelle Alliance ou Banquet de la Communion au corps et sang du Seigneur ». Le cardinal Sarah rappelle que « la célébration eucharistique perpétue le sacrifice de la croix au long des siècles » – doctrine qui a été souvent minimisée, oubliée ou niée. Il rappelle aussi la présence réelle du Christ sous les espèces du pain et du vin consacrés. Mais, à juste titre, il souligne : « Le Christ n’est pas là pour être simplement présent. Il est là pour se donner à nous en nourriture afin que l’union entre Lui et nous soit la plus vraie, la plus profonde et la plus totale possible. L’eucharistie n’est pas d’abord une présence, elle est une union, et l’union implique la présence. »

Yves Chiron

SYRIE, ANATOMIE D’UNE GUERRE CIVILE
ADAM BACZKO, GILLES DORRONSORO, ARTHUR QUESNAY
CNRS éditions, 2020, 416 pages, 10 €

Les livres ne manquent pas sur les différents aspects de la question syrienne, d’intérêt divers. Syrie, anatomie d’une guerre civile est un de ceux qui méritent plus que le détour, tant par sa qualité d’exposition des tenants et aboutissants de la guerre que par la sûreté des méthodes de travail employées. Sur cette guerre, les trois auteurs ont mené la première recherche dont le cœur des informations et des faits recoupés proviennent du terrain, et notamment de nombreux entretiens. Ainsi, cet ouvrage est nécessaire pour qui veut comprendre une guerre que l’on se gardera bien de résumer ici en quelques lignes. Chacun ne sera pas en accord avec toutes les analyses, d’autant que les auteurs confrontent leurs thèses avec celles d’autres historiens.

Le point de départ de la guerre, les manifestations de Syriens de tous les bords et de toutes les origines contre le régime baassiste, ou du moins ce qu’il en restait au vu des concessions faites par Bachar El-Assad, est lié aux printemps arabes. La violence n’en est pas le trait premier mais elle le devient vite du fait de la répression et de la radicalisation de la révolte, les deux étant inséparables de la mainmise de l’entourage du chef de l’Etat sur des forces de sécurité quasi autonomes au sein de l’appareil politique de la Syrie, et de l’encadrement de la population. L’essai des trois historiens analyse l’ensemble des problématiques liées à la guerre. Les origines de la guerre civile, d’abord, et donc la tentative de révolution en forme de printemps arabe, le système politique El-Assad, le rôle premier des anonymes et les différents « jeux » ayant malheureusement conduit à la radicalisation. Puis, « les institutions révolutionnaires » ou la lente et difficile gestation d’une forme organisée à même de s’opposer au pouvoir syrien. La « fragmentation de l’insurrection » ensuite, ainsi que le rôle de l’internationalisation du conflit. La manière dont la société a vécu dans la guerre, enfin. Il pourra être reproché aux auteurs de ne pas assez insister sur la violence contre les chrétiens. Il n’empêche, l’ouvrage est à lire pour qui veut comprendre la guerre civile syrienne.

Matthieu Baumier

DES HOMMES POUR L’ÉTERNITÉ
L’incroyable épopée des bâtisseurs de cathédrales

PATRICK SBALCHIERO
Artège, 2020, 320 pages, 16 €

L’auteur s’est écarté de son domaine de prédilection (les miracles, les apparitions, les exorcismes) pour raconter une tout autre histoire. On comprend qu’il l’a fait à la demande de son éditeur, suite à l’incendie de Notre-Dame. La bibliographie montre que l’auteur s’est appuyé sur une vaste documentation et les ouvrages de référence sur le sujet. Le choix narratif surprend. Après une introduction solide et riche d’informations, l’auteur, plutôt que de raconter l’histoire de la construction des cathédrales, qui s’étend sur quatre siècles, fait parler tout à tour, à la première personne, des personnages historiques (Louis VII, l’évêque Maurice de Sully, l’architecte Villard de Honnecourt et d’autres) mais aussi des personnages sortis de son imagination (Gherlac maître verrier et une improbable aubergiste Florence Genevote Morin-Ragunel). D’où une suite de récits, agréables à lire certes, qui font de ce livre un roman historique plus qu’un livre d’histoire.

Yves Chiron

Romans à signaler

L’ÉNIGME DE LA CHAMBRE 622
JOËL DICKER
Éditions de Fallois, 2020, 576 pages, 23 €

Depuis le succès planétaire de La vérité sur l’affaire Harry Quebert (2012), Joël Dicker est entré dans le cercle étroit des auteurs de best-sellers dont on attend avec impatience le nouvel opus. Sa marque de fabrique ? Élaborer des scénarios à tiroirs époustouflants et fort addictifs qui naviguent toujours entre plusieurs époques, procédé romanesque dont Dicker use et même abuse quelque peu. On retrouve ces ingrédients dans ce nouveau roman captivant et dont le tour de force est qu’on ne découvre que vers les deux-tiers de l’histoire l’identité de la victime de l’assassinat qui se produit dès la première page ! Ici, Joël Dicker quitte la côte Est américaine pour placer son histoire en Suisse entre Genève et Verbier, où nous suivons une intrigue virevoltante dans les milieux de la banque autour de deux hommes aimant la même femme. Si l’ouvrage se laisse lire jusqu’à la fin avec plaisir, Dicker n’échappe pas, une nouvelle fois, à son péché mignon qui est d’en faire trop, à la fois dans le sens de la longueur, mais plus encore ici dans l’invraisemblance et le grand-guignolesque qui surgissent subitement vers la fin, sans parler des descriptions parfois fort naïves de ses personnages amoureux qui pourraient relever du roman à l’eau de rose. Signalons que ce roman est l’occasion d’un vibrant hommage à Bernard de Fallois, décédé début 2018, l’éditeur qui a révélé Dicker et qui apparaît comme son maître et ami.

Christophe Geffroy

ÉDUQUE-MOI SI TU PEUX !
STÉPHANIE COMBE
Quasar, 2020, 250 pages, 15 €

Sophie, dynamique trentenaire célibataire, se voit confier pendant quelques jours la garde de ses quatre très chers neveux et nièces âgés de 9 ans à 14 mois aux caractères bien trempés et forts de quelques spécialités ès bêtises (chacun y reconnaîtra les siens !). À peine installée à la campagne dans la grande maison de famille, dépassée par les évènements et pressentant le cataclysme qui se prépare, elle lance un SOS à de chers amis férus de sciences pédagogiques piochées aux meilleures sources (Montessori, scoutisme, neurosciences…).

Vous l’avez compris, ce livre est un joli prétexte pour décrypter et apporter des clés à de nombreuses situations quotidiennes de la vie des enfants, situations qui, malgré leur apparente banalité ou simplicité, peuvent se révéler désastreuses, conflictuelles ou épuisantes. Proposant une bibliographie de références, il s’achève par un cahier (de vacances) de bienveillance regorgeant de mille idées et de pistes de réflexion, donnant ainsi un bel avant-goût pour découvrir ou approfondir toutes ces « méthodes » d’accompagnement tant psychologique que spirituel de l’enfant.

Anne-Françoise Thès

LE PREMIER JOUR DE MA VIE ÉTERNELLE
ANNE KURIAN
Quasar, 2020, 186 pages, 14 €

Marie-Lou, que l’on qualifierait de bonne et fidèle paroissienne, décède brutalement et se présente devant saint Pierre alors que ses obsèques se déroulent en ce bas monde avec son cortège d’éloges panégyriques. Seulement voilà, avec des accents et une atmosphère que ne renierait pas le Curé de Cucugnan, le tribunal céleste convoqué pour le jugement particulier de Marie-Lou révèle quelques zones d’ombre…

Si le ton de ce roman est léger et parfois gentiment déjanté, le sujet est grave et pourrait être une incitation salutaire à se préparer dès ici-bas à cet instant où « chaque homme reçoit dans son âme immortelle sa rétribution éternelle dès sa mort en un jugement particulier qui réfère sa vie au Christ, soit à travers une purification, soit pour entrer immédiatement dans la béatitude du ciel, soit pour se damner immédiatement pour toujours » (CEC, n. 1022).

Le dénouement du roman peut être dévoilé, il est connu depuis la nuit des temps : c’est la Miséricorde qui gagne !

Anne-Françoise Thès

© LA NEF n°327 Juillet-Août 2020