Maryvonne Gasse est journaliste et collabore à plusieurs revues chrétiennes. Elle nous parle de son livre sur la femme.
La Nef – Pourquoi ce livre ? N’a-t-on pas déjà tout dit sur la femme ?
Maryvonne Gasse – Aujourd’hui, l’anthropologie est mise à mal. On voudrait gommer la différence entre homme et femme, sous prétexte d’égalité, y compris dans l’Église. Les femmes revendiquent le pouvoir ! En fait, elles l’ont mais pas où elles croient. Et pour le montrer, j’ai voulu m’extraire des analyses sociologiques, certes instructives mais limitées, et remonter à la source en insérant ma réflexion dans un regard biblique, entre la Genèse et la mariologie. L’égalité entre homme et femme ne s’y réduit pas à une simple indifférenciation mais au contraire elle révèle à chacun la richesse de sa vocation propre, et à la femme en particulier, issue du cœur d’Adam, sa vocation éminemment spirituelle. En attestent tant de figures qui ont marqué l’histoire. Quand la femme y faillit, elle entraîne les autres à se « déconstruire », selon un concept à la mode, et à plonger dans l’absurde. D’où son immense responsabilité.
Vous attirez l’attention sur la sagesse de la femme, spécificité généralement oblitérée, dites-vous. Pourquoi ?
Les sciences ont remplacé la sagesse, qui manque cruellement à notre époque, grisée d’efficacité et de rentabilité. La sagesse, c’est un regard gratuit, émerveillé, contemplatif, sur le réel tel qu’il se donne, une pénétration de l’intelligence qui voit au-delà des apparences. Peut-être est-ce l’expérience de la femme qui se découvre enceinte et accueille cette vie naissante comme un don… Et si elle a des talents intellectuels, Raïssa Maritain estime que c’est par l’étude de la philosophie, en particulier de la métaphysique, qu’elle épanouira le plus sa féminité. Il me semble que la femme, dont l’intelligence est souvent plus réaliste que celle de l’homme, a vocation à cultiver cet esprit de sagesse pour redonner à la vie, au travail, aux relations, leur saveur propre et leur sens profond.
L’action du diable parcourt votre livre. La femme est-elle donc une proie de choix pour l’ennemi du genre humain ?
La Bible rapporte que le mal et la mort entrent dans le monde par la désobéissance de la femme. Mais Adam n’est pas en reste ! Néanmoins, fin psychologue, le diable s’adresse d’abord à la femme. Il la flatte, la séduit, l’aveugle. Coquette et vaniteuse, elle se laisse prendre. C’est le péché originel qui oppose le diable et la lignée de la femme dans une lutte qui se durcit et va durer jusqu’à la fin des temps. Ce qui déchaîne le diable, c’est la fécondité de la femme. Être purement spirituel, donc sans descendance, il en est jaloux au point d’œuvrer à la destruction du monde. Ne le sentons-nous pas à travers les menaces actuelles qui pèsent sur l’humanité ? Et dans cette lutte, la femme est en ligne de mire. Contraception, stérilisation, avortement… Quand la vie n’est plus sanctuarisée, tout devient permis, ce qui émerge dans le projet transhumaniste.
Que pensez-vous du féminisme ?
Ce mouvement, apparu après la Seconde Guerre mondiale, reconnaissait l’héroïcité de la femme en l’absence des hommes qui se battaient sur le front. Mais, en voulant étendre les droits de la femme – et cela à juste titre – le mouvement s’est enfermé, avec la philosophe Simone de Beauvoir en figure de proue, dans une idéologie mortifère, pour elle comme pour la société. Il en résulte de graves déséquilibres sociaux. Certes, la gent masculine a parfois malmené le sexe faible au cours des âges, mais aujourd’hui, la revanche féminine est sans proportion. Elle ne cherche plus l’égalité mais la domination, ajoutant le pouvoir d’efficience au pouvoir de séduction. C’est la guerre des sexes avec une force de frappe aveugle et son cortège de victimes, à commencer par la femme elle-même qui s’étourdit dans une fuite en avant éperdue pour ne pas démériter. Et voilà l’enfer !
Vous consacrez le dernier chapitre à la Vierge Marie. Quelle lumière apporte-t-elle à la femme d’aujourd’hui ?
Vierge, épouse et mère, elle élève ces états de vie typiquement féminins à leur sommet par sa sainteté suréminente qui déploie une anthropologie d’amour, de vie et de joie. Une anthropologie de fécondité tant biologique que spirituelle, comme un secret pour les femmes. Mère de Miséricorde, Marie est refuge des pécheurs et recours des affligés. N’est-ce pas l’exemple suprême de la compassion en qui toute femme peut puiser pour être à son tour l’oreille qui écoute et le cœur qui rassure ? Sans cet espace d’amour gratuit, la spirale de la compétition broie les plus faibles et l’homme devient un loup pour l’homme.
Propos recueillis par Annie Laurent
Maryvonne Gasse, Et Dieu créa la femme, préface de Jacques Trémolet de Villers, postface de Véronique Lévy, DMM, 2020, 156 pages, 12,50 €.
© LA NEF n°330 Novembre 2020